Porcupine Tree

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Entretien avec Richard Barbieri (clavier) et Steven Wilson (chant/guitare).

Note : L’entretien peut paraître décousu car nous devions initialement le faire avec Steven Wilson, puis nous avons pensé qu’il ne viendrait pas (à cause de problèmes de voix) et finalement il nous a gentiment rejoint en cours d’interview.


Combien avez-vous fait de dates jusqu’à maintenant pour cette tournée ?

Richard Barbieri : euh je crois que ça doit être 25. A travers l’Europe, Angleterre, Pologne, Allemagne.


Comment ça se passe ?


RB : Très bien ! Les choses changent, c’est un peu différent. C’est assez étonnant de voir que le concert est sold-out à chaque fois, mais c’est génial. Le public est aussi beaucoup plus jeune. Avant c’était plutôt des « vieux » fans de progressif, et surtout des mecs. Aujourd’hui il y a plein de filles, et des garçons plus jeunes aussi. C’est différent vraiment.


Penses-tu que ce soit lié au fait que Deadwing est un album plus « métal » ?

RB : Oui en effet je pense que c’est une explication plausible. En fait ce qui se passe avec PT, c’est que tous les 2-3 ans, on change de cap, de direction musicale. A chaque fois on perd des fans, et on en gagne de nouveaux. Je ne sais pas ce qu’il adviendra avec le prochain album.


Comment se passe le processus d’écriture au sein de PT ?

RB : Et bien pour cet album les choses étaient un peu plus collectives que par le passé. On a été en studio ensemble et on a écrit ensemble, en groupe. C’était bien. Bien sûr Steven écrit la grande majorité du matériel. Mais nous avons plus de responsabilités, nous sommes plus intégrés au processus d’écriture.


Ce n’était pas le cas pour In Absentia ?

RB : Un petit peu déjà. En fait au tout début c’était juste Steven, et puis petit à petit nous sommes de plus en plus impliqués.


Depuis quand joues-tu avec Steven ?

RB : Depuis 1993.


Comment Deadwing s’intègre t-il dans la discographie de Porcupine Tree ?

RB : Je pense que c’est le plus proche de In Absentia. Les 2 fonctionnent en tandem d’après moi. Comme Stupid Dreams et Lightbulb Sun pouvaient en être un également.


A cause de cette orientation « métal » ?

RB : Oui et puis de la saveur générale de ces albums aussi, de l’ambiance. Car Deadwing n’est pas forcément « métal », il suffit de prendre la chanson « Lazarus » qui est plutôt une ballade.


Comment vois-tu personnellement cette évolution tout de même plus dure, que l’on ressent sur certains titres comme « Deadwing » justement ?

RB : Je pense que c’est un challenge, notamment pour moi en tant que clavieriste. J’essaye de ne pas jouer le clavier rock habituel, mais d’essayer de nouvelles choses. Je dois trouver ma place dans cette nouvelle orientation. Et si je ne la trouve pas je ne peux pas jouer. J’essaye d’utiliser l’électronique, pour faire sonner tout ça un peu différemment.


Est-ce que tu écoutes du « métal » toi-même ?

RB : Je ne sais pas si je peux vraiment dire que j’aime cette musique mais en tout cas elle m’intéresse. Comme Meshuggah. La musique qu’ils produisent est incroyable. Je ne sais pas si j’adore cette musique, si j’ai envie de l’écouter tout le temps, mais simplement le fait de l’entendre, d’essayer de comprendre comment ils font ça. C’est incroyable vraiment.
J’aime le métal, j’aime Opeth, j’aime Meshuggah. J’ai toujours aimé le rock lourd depuis mes plus jeunes années : Led Zeppelin, Black Sabbath, Deep Purple.


Comment s’est passée la collaboration avec Mike Akerfeldt de Opeth ?

RB : Je pense que c’est très important pour Steven. Steven écoute énormément de musique, tout le temps. Depuis le moment où il se lève, il écoute de la musique. Il tire son inspiration de la musique dans toute sa diversité. Je la trouve personnellement dans d’autres choses que la musique, et je pense que Opeth est une grande influence pour Steven. Il est entré en contact avec eux, a produit leurs albums. C’est un groupe important pour lui.


Doit-on s’attendre à des vocaux death pour le prochain album ?

RB : (rires) Je ne pense pas non. Tu vois c’est important de brasser beaucoup de genres, de s’inspirer de plein de choses, mais il faut essayer de se les approprier, de les retranscrire à sa façon personnelle. Ces mecs là, de Meshuggah, d’Opeth, ce sont des vrais. Ils vivent par leur musique. Ils vivent la vie « métal ». Ce n’est pas notre cas. Il faut que ce soit vrai, sincère.


Penses-tu que désormais Blackfield soit pour Steven un moyen d’exprimer ses penchants pop, tandis que Porcupine Tree serait pour lui un terrain de jeu dédié à l’expérimentation ?

RB : Je ne crois pas non. Porcupine Tree reste de tout évidence la priorité de Steven. Et Porcupine Tree pourrait être n’importe quoi en terme d’orientation et de style. Il peut donner dans la pop, « commerciale » ou il peut être métal, ou expérimental. Tout peut arriver avec Porcupine Tree alors que je pense qu’avec Blackfield, Steven veut faire quelque chose de plus spécifiquement orienté sur des chansons au sens pop. Il aime bosser avec Aviv (NDR : son complice israélien de Blackfield), et je pense que c’est quelque chose de fun pour lui.


Que penses-tu de l’album de Blackfield ?

RB : je l’aime beaucoup. Steven est vraiment un très bon compositeur et il écrit des très bonnes chansons. Ce n’est pas le musicien le plus original du monde, mais il est très bon dans ce qu’il fait. Il n’est pas non plus le meilleur guitariste, mais il est très bon pour concevoir et choisir des orientations pour la musique.


Quelle est ta vision du monde du métal ?

RB : Je pense que comme pour tout style, il y a énormément de groupes. Mais il y en a très peu qui sont au top du genre, comme peuvent l’être Meshuggah ou Opeth ou Slayer même pour remonter plus loin dans le temps. Ce n’est pas forcément la technique qui démarque les meilleurs, cela peut être une question d’émotion. Il y a d’excellents musiciens qui ne savent pas transmettre d’émotions


Comment as-tu réagi à la mort de Dimebag Darrel – je suppose que tu es au courant – le guitariste de Damage Plan et ancien guitariste de Pantera ?

RB : C’était aux USA n’est-ce pas ? Les USA sont un pays effrayant. Tout peut arriver là-bas. Je ne peux pas dire que je sois surpris que ce genre de choses arrivent. Après des fanatiques il y en a partout. Tu sais Steven a reçu des menaces de mort de fans d’Opeth mécontents de l’orientation que prenait la musique d’Opeth. Les fans – c’est d’ailleurs le propre du mot « fans » qui veut dire « fanatiques » – peuvent vraiment faire n’importe quoi. Quand j’étais dans un autre groupe avant on recevait des lettre de suicide, ou des lettres de filles qui parlaient comme si nous étions ensemble, peut-être parce que nous avions juste parlé 5 minutes ensemble à la sortie d’un concert. C’est vraiment très étrange. La problèmatique de la relation que les fans entretiennent avec leurs idoles est vraiment intéressante. Il y a une théorie selon laquelle les fans se détestent d’aimer leurs idoles. Et donc ils les détestent aussi par ricochet. C’est un peu ce dont traite ce film « King Of Comedy » avec Robert de Niro et Jerry Lewis, je ne sais pas si tu l’as vu. Très bon film, très intéressant sur cet aspect psychologique des choses.


Quel est ton passé de musicien avant PT ?

RB : En 1976-1977 j’ai rejoint un groupe qui s’appelait Japan. Ca marchait vraiment bien pour nous., on pratiquait une sorte de mixture de rock et de musique électronique. On avait des fans en Europe et au Japon. On était dans les charts et tout.


Et après ça ?

RB : J’ai continué à bosser avec des gars du groupe.

L’attachée de presse intervient alors et nous propose que Steven Wilson nous rejoigne pour la fin de l’interview juste pour quelques questions à cause de ses problèmes de voix.


Steven Wilson : J’ai perdu ma voix il y a quelques jours, alors j’essaye de m’économiser.


On parlait avec Richard tout à l’heure de ta relation avec Mike Akerfeldt.

SW : Oui et bien on est de très bons amis. On est tous les deux les leaders d’un groupe, on partage la même vision de la musique. Ca peut paraître stupide à dire mais je pense que ce que nous avons le plus en commun c’est que nous faisons tous les deux beaucoup de musique, car c’est notre passion, notre vie. C’est peut-être évident à dire, mais je pense que ce n’est pas la motivation de tous les musiciens de nos jours. On est tous les deux des collectionneurs de disques obsessionnels, on est des tarés de musique. On est de bons amis en somme. C’est un merveilleux guitariste, mon guitariste préféré.


Comment cette relation va-t-elle continuer à se concrétiser à l’avenir ? Avez-vous des projets d’ores et déjà planifiés, peut-être de travailler sur le nouvel album de Opeth.

SW : Malheureusement ça ne se fera pas non. Pas parce que je ne le souhaitais pas, bien au contraire, mais parce qu’ils sont en train de travailler dessus en ce moment même et que pour des raisons de planning ça ne colle pas. Mais nous parlons souvent de travailler à nouveau ensemble, ça se fera c’est certain, reste juste à savoir quand et dans quel cadre.


Est-ce que tu envisagerais de t’investir dans un projet qui serait une sorte d’exutoire purement metal ?

SW : Pas vraiment car pour tout dire je suis de plus en plus blasé par tout ce quej’entends dans ce style. Il y a très peu de groupes que j’écoute avec un vrai plaisir. Meshuggah et Opeth sont 2 exceptions pour moi. En fait je trouve plus intéressants les groupes qui ont recours au metal, qui l’injectent dans leur musique, plutôt que ceux qui sont vraiment « metal », au sens premier du terme.


Qu’en est-il de Blackfield ? Ta collaboration avec Aviv dans ce cadre va-t-elle se poursuivre ?

SW : Oui complètement, on a déjà commencé à bosser sur le 2ème album qui devrait sortir, j’espère, l’année prochaine.


Tout autre sujet : quelle est votre position sur le téléchargement illégal et les mp3s ?

RB : Je pense que ça n’a jamais été un problème pour nous. Au contraire de plus en plus de gens écoutent Porcupine Tree comme ça. Je pense que ce problème n’affecterait pas un groupe comme nous car les gens qui nous écoutent veulent le « truc complet », ils veulent la jaquette, ils veulent l’objet. A vrai dire ça ne m’intéresse pas vraiment, ce sujet me dépasse un peu, je n’ai jamais téléchargé quoi que ce soit. J’aime passer du temps dans les magasins de disque.
Toute la magie réside dans le fait d’aller acheter un disque, même de trépigner sur le chemin. C’est peut-être naïf comme conception mais bon.


Pensez-vous que les mp3s puissent vraiment tuer l’industrie du disque comme on l’entend parfois ?

RB : Peut-être que ça pourrait tuer le business pour des gros artistes comme Britney Spears ou Jennifer Lopez. Et puis il y a tout l’aspect live, les concerts, ça on ne peut pas le tuer. Ca reste fondamental je pense, d’aller à des concerts, voir les artistes jouer.

SW : Je pense que le téléchargement va peut-être tuer l’industrie du disque telle qu’elle existe aujourd’hui. Tout est basé sur des artistes qui n’ont à proposer que des singles, alors pourquoi les gens s’embêteraient à aller acheter l’album ? Ils vont juste télécharger les 2 top singles du moment et passer à autre chose. Je pense qu’il en va autrement pour la musique que nous faisons, qui s’adresse plus à des passionnés, des collectionneurs, pour qui il est important d’avoir l’objet, l’artwork. Pour Britney Spears c’est différent, pourquoi s’embêter à acheter l’album ? Tout ce que veut le mec c’est la chanson qu’il a vue là maintenant sur MTV. Il s’en fout d’avoir l’album complet. Si tu aimes un groupe, sa musique, que tu respectes ce qu’il fait, je pense que tu vas acheter l’album.

RB : En fait c’est différent en fonction de l’importance que tu accordes à la musique dans ta vie. Si tu es un passionné, tu vas avoir besoin d’acheter les cds, de collectionner. Si tu veux juste de la musique pour servir de « musique de fond » à ta vie, tu vas télécharger. Tout dépend donc de la valeur que tu accordes aux choses je pense.


Comment expliquez-vous que vous arriviez à faire salle comble tous les soirs partout en Europe avec si peu de couverture médiatique ?

RB : Il y a quand même de plus en plus d’intérêt de la part des media. C’est peut-être dû au fait qu’on touche de plus en plus de jeunes gens.

SW : Je pense qu’il semble aussi y avoir un regain d’intérêt collectif pour la musique sophistiquée, un peu plus subtile, aux dépens de la musique de masse qu’on essaye de nous vendre à tout prix. Les gens semblent en avoir marre de ça, comme de la téléréalité, des fausses pop stars et les merdes de ce genre. On a toujours été un peu en dehors des modes, faisant notre truc sans se préoccuper des autres. Et visiblement le timing semble bon aujourd’hui, en notre faveur en tout cas. La culture MTV a fait son temps, maintenant les gens recherchent quelque chose de plus subtile, intelligent. Avec des groupes comme Opeth, Sigur Ros, Radiohead, on essaye de faire quelque chose de plus vrai.

RB : Je pense que ce qui est marrant avec Porcupine Tree, c’est que comme on change souvent de style, de direction, cela donne toujours l’impression que l’on est un nouveau groupe. Alors qu’un groupe comme Marillion, tout le monde sait qu’ils sont là depuis 20 ans. Mais nous aussi.


Pour terminer, qu’est ce que vous écoutez en ce moment, qu’est ce qui vous a marqué ?

SW : cette année, ce qui m’a bien marqué c’est le LCD Sound System, je ne sais pas si tu connais mais c’est vraiment bien. Ils sont new-yorkais et jouent un mélange de rock, funk et punk. L’album de Secret Machines, le dernier Meshuggah que je viens de récupérer qui est terrible.

RB : Le dernier truc qui m’a marqué c’est Jeff Buckley en fait ! (rires) Plus récemment Aphex Twin, Boards Of Canada.

SW (s’adressant à Richard) : Tu as entendu le dernier Björk ? Il est assez hallucinant aussi. Fait uniquement avec la voix vraiment un bon album.


Merci à Steven Wilson et Richard Barbieri ainsi qu’à Amael de Warner Music.

krakoukass

Chroniqueur

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Co-fondateur du webzine en 2004 avec Jonben.

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