Marillion – Marbles

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Style: rock progressifAnnee de sortie: 2004Label: Dead Ringer

darkantisthène : Allez avouons-le, et aussi désagréable que cela puisse être pour notre ego, nous sommes tous pareils : on reste bien emmitouflé dans nos habitudes, on se sécurise en n’allant pas trop voir ce qui se fait à côté et ce d’autant moins lorsque l’on s’est persuadé qu’à côté c’est franchement moins transcendant.
En matière musicale cela se traduit à peu près comme ça : un énergumène dont vous connaissez les goûts douteux tente de vous convaincre que le groupe qui a pondu – dans votre esprit – bouses sur bouses ou bien pour qui vous nourrissiez naguère une affection désormais révolue suite à votre évolution intellectualo-esthétique que vous estimez sottement irréversible, tente de vous convaincre donc que ce groupe vient de sortir un chef d’œuvre incommensurable :
– premier type de réaction : arrête un peu tes conneries, tu dis ça pour le moindre nouveau disque tchèque et crie au génie à tout va, tu connais l’histoire de Pierre et le loup ?
– deuxième type de réaction : je ne doute pas une seule seconde de la véracité de tes propos mais vois-tu j’ai déjà suffisamment à faire avec la dizaine d’albums post-futur-carpe-diem qui pleuvent chaque matin ;
– troisième type de réaction : ah ouais bordel je me souviens de ce groupe, j’adorais ça y’a 15 ans, ils existent toujours ? Cest dingue. Et donc ils ont sorti un bon album ? Ben tant mieux pour eux écoute, je jetterai peut-être une oreille à l’occasion.
– quatrième type de réaction : heu non j’ai toujours pas écouté ton cd gravé, j’ai 12000 chroniques en retard, 8 reports live à rédiger et puis je préfère concentrer mon énergie à dégoter des groupes inconnus histoire de passer pour un type au top de l’actu !

Pour être franc, cette dernière réaction a été pendant un temps la mienne : on en a trop entendu parler, c’est désormais dans les mœurs, on ne les regarde même plus (les films), on ne les lit même plus (les livres), on ne les écoute même plus (les groupes « classiques ») ; on a l’impression que l’on va être déçu, que ça ne peut être qu’en-dessous de tout le ramdam qu’on en a fait, que « classique » égal chiant, pas novateur, rébarbatif, brefs juste bons à donner une demi molle et à nous permettre de dire enfin : oui ben évidemment que je connais ça, c’est la base.
Donc je me présente : Darkantisthene, ancien blaireau qui a décidé de décrocher et de passer outre sa perplexité à l’égard d ‘un groupe qui mérite plus qu’un regard lointain et condescendant.
En ma qualité d’auditeur féru de noirceur et sauvagerie à outrance, je pense pouvoir susciter l’intérêt de ceux qui pourraient douter de la qualité d’un groupe aussi établi que Marillion après je ne sais combien d’années de carrière. En effet, le scénario doit tellement sembler improbable qu’on ne pourra – j’espère – pas s’empêcher de laisser libre cours à sa curiosité à l’égard d’un groupe CONNU. Ne craignez pas de passer pour une tarlouze ou pour quelqu’un qui se tourne vers le passé : Marillion sont bel et bien dans le présent et devraient, s’ils continuent sur cette lancée, réclamer légitimement leur part d’avenir.
Rassurez-vous je ne vais pas vous faire état de leur carrière et comparer cet album aux précédentes œuvres car j’en suis tout bonnement incapable. Je ne suis là que pour faire partager une découverte qui a donné lieu à un engouement qui ne faiblit toujours pas après 80000 écoutes et remercier par la même occasion celui qui m’a tanné pour que je me jette à l’eau : le seul, l’unique : Joss.

joss : Du calme du calme, arrêtez les applaudissements, les filles rhabillez-vous, Monster arrête de glou-glousser. Je ne voudrais pas recueillir tous les honneurs sachant que le culte que je voue à cet album je le dois un peu à un membre actif du forum Eklektik, dont je tairais le nom, secret professionnel oblige. Car j’avoue moi aussi mon inculture vis-à-vis de ce groupe de prog anglais qui débuta au début des années 80 en singeant le Genesis des débuts. Résumons quand même vite fait. Après une flopée d’albums et un changement de chanteur (Fish passant le relais à Steve Hogarth), Marillion déboule en 2004 avec un double album concept sobrement intitulé Marbles. Mais attention : ce double-album, en partie financé par les fans, n’est disponible en intégralité que sur le site officiel du groupe en VPC. Pour le commerce, sort une version simple amputée presque de moitié. Pour être clair, cette version light équivaudrait à un And justice for all sans One ou un Wish you were here sans son morceau éponyme. Autant dire qu’il vaut mieux prendre la peine de débourser quelques euros de plus pour se procurer la version intégrale, agrémentée de surcroît d’un bien beau livret (à noter qu’une version de luxe est aussi dispo sur le site mais bon, faut pas pousser mémé dans les orties non plus).
Mais parlons musique plutôt. Marillion peut, avec cet album, toucher ceux qui n’ont jamais rien attendu (ou entendu) de ce groupe et pourquoi pas quelques détracteurs ayant écouté Misplaced Childhood (1985) vite fait entre deux Master of Puppets il y a vingt ans. Bien entendu, on peut exclure du cœur de cible tous ceux pour qui la musique doit être forcément directe, brute et spontanée. D’emblée The invisible man, premier (et probablement meilleur) titre de Marbles, pose le décor et impose avec une classe « so british » une ambiance résolument progressive et planante. Entre les solos divins de Steve Rothery et les ambiances éthérées du clavier de Mark Kelly, la voix de Steve Hogarth, absolument parfaite, nous charme puis nous entraîne vers un final éblouissant et débordant d’émotions.
Il est peu courant de voir des albums débuter avec des titres aussi colossaux (près de 13 min), les groupes gardant plutôt cet exercice de style pour la fin. Une attention optimale de l’auditeur est donc réclamée d’office pour pouvoir pénétrer dans les ambiances dispensées par le groupe. Et si deux autres pièces épiques viennent conclure chacun des deux CDs, le groupe sait se faire plus bref notamment avec les 4 interludes (Marbles I, II, III et IV) qui viennent s’intercaler aux moments clé de l’album. Ainsi, la diversité est de mise et, si le premier CD s’avère particulièrement triste et mélancolique, le second voit Marillion s’adonner aux joies du rock plus direct (The damage, You’re gone) et de la pop classieuse (Don’t hurt yourself) avant de replonger, ou s’envoler plutôt, vers un Neverland qui colle à merveille au concept de Marbles axé en grande partie sur l’enfance. Difficile de trouver des titres faibles parmi les 15 compos de l’album et on imagine aisément le mal qu’ont dû avoir les membres du groupe pour choisir ceux qui ne paraîtront pas sur la version simple. Le superbe Ocean Cloud est de ceux-ci mais la raison de son éviction tient davantage de son gabarit (près de 20 min au compteur) que de sa qualité. Et pourtant difficile de crier au sabotage une fois que l’on a entendu ce titre. Je suppose que tu es d’accord avec moi cher Darkantigel ?

darkantisthène : O combien ! Et c’est un fait suffisamment rare pour être signalé. Enfin… je dis « ô combien » mais je crois que je m’emporte ! En effet, je pense déceler une possible divergence d’avis sur l’attribution du titre de meilleur morceau car, pour ma part, j’accorde cette honorable distinction à Ocean Cloud qui allie à la perfection envolées guitaristiques et ambiance quasi épique ; ou bien, à y songer pleinement, à Neverland dont l’émotion qui s’en dégage semble ne pouvoir jamais faiblir ; ou alors Fantastic place (probablement influencé en cela par la récente version live transcendée) et sa structure en crescendo laissant libre cours à des prouesses vocales bluffantes… Et merde ils sont pénibles ces anglais à sortir un album où strictement rien n’est à jeter !
Bon pour être franc, ne connaissant pas le groupe jusqu’alors, et ayant découvert ce qui deviendra à terme probablement l’un de mes 10 albums favoris de tous les temps, c’est tout naturellement que j’ai cherché à retrouver le même type de sensation auprès du reste de la discographie du groupe. Soyons honnête, aucun ne m’a satisfait en approchant ne serait-ce qu’à une distance évasive celui dont il est question aujourd’hui. Trop pop, trop « variété », production surannée, trop convenu, prévisible, trop « impersonnel ». Certains titres de Season’s end ou de Brave m’ont semblé s’approcher par moments de Marbles mais je perçois personnellement dans ce dernier une sorte d’aboutissement dont la caractère indiscutable me paraît indéniable et ce, de manière irrévocable : voilà le paroxysme de tout ce qui fourmillait à l’état encore trop embryonnaire à mon goût dans les précédentes oeuvres. Je n’ai absolument aucun recul sur la carrière du groupe (même sur la « période Hogarth ») mais je m’avance quand même à émettre l’hypothèse d’un groupe qui se cherchait et qui s’est dorénavant trouvé (merde quelle satisfaction personnelle cela doit procurer de pouvoir légitimement constater qu’on a pondu un chef d’œuvre !), sinon je ne vois pas d’explication au fait de sortir la perfection au bout de quasiment 10 albums et je ne sais combien d’années de carrière. Hogarth module sa voix avec une aisance qui devrait dégoûter quiconque veut se lancer dans la chanson, les solos sont de purs joyaux de justesse, de feeling et de retenue, la session rythmique est irréprochable et la production monstrueuse. Tous éléments nécessaires à la qualification en division supérieure, là où très peu savent s’élever. Sauront-ils s’y maintenir ?

joss : Mais faut-il pour autant attendre du futur Marillion qu’il nous captive autant que Marbles ? Après tout, toi comme moi ne pouvons se considérer comme des fans du groupe et c’est bien là dessus que je tenais à insister. « Un album de Marillion pour les gens qui n’aiment pas Marillion (« Marillion pour les nuls » en quelque sorte). Voilà qui ferait un très bon slogan pour ce Marbles qui aura réussi à toucher au moins deux personnes qui avaient très bien réussi à vivre sans ce groupe jusque là. Maintenant ce sont juste deux personnes qui ne pourront plus vivre sans Marbles. Et pourquoi pas vous ?

  1. cd 1
  2. the invisible man
  3. marbles i
  4. genie
  5. fantastic place
  6. the only unforgivable thing
  7. marbles ii
  8. ocean cloud
  9. cd 2
  10. marbles iii
  11. the damage
  12. don’t hurt yourself
  13. you’re gone
  14. angelina
  15. drilling holes
  16. marbles iv
  17. neverland

Chroniqueur

Darkantisthène

Il est né, il a chroniqué, il est mort, aurait pu dire Heidegger si... j'étais mort, si Heidegger était vivant et s'il s'était intéressé à ma prose autant qu'à celle d'Aristote. Et il n'aurait pas été à une connerie près le père Martin parce qu'avant de chroniquer, et après être né, figurez-vous que j'ai vécu ; et écouté de la musique.

darkantisthene a écrit 276 articles sur Eklektik.

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11 Commentaires

  1. darkantisthene says:

    we finally did it ! congratulécheun djoss

    (trad : on l’a fait ! bien ouéj joss!)

  2. krakoukass Krakoukass says:

    Excellent les amigos! Voilà une bien belle chronique qui fait plaisir et qui accessoirement (comment ça pas accessoirement ???) me donne envie de découvrir moi aussi ce disque…

  3. Angrom angrom says:

    Chouette chronique en effet…
    Quel disque, mes amis … moi qui suis un inconditionnel de Marillion, je le place sans doute dans le top 3 des disques du groupe (derrière Misplaced Childhood, faut pas deconner…)

  4. Joss says:

    Ouais sauf que notre note a été baissée par notre rédac en chef !!! halte à la censure !
    En tout cas j’espère bien que l’on va en convertir quelques uns avec cette chro…le gars Krakou est en bonne voie déjà :-)

  5. darkantisthene says:

    putain ouais j’avais pas vu la énième boulette avec la note rabaissée!
    je suis pas d’un naturel parano mais là je crois qu’il y a clairement cabale (au canada)!

  6. AlCheMist says:

    Il récupère des points pour remonter les notes des miennes… Faut bien équilibrer tout ça, non ?

  7. dah-neir says:

    Bah voila, par votre faute je m’y suis mis, et en plus j’aime beaucoup…. C’est malin de quoi j’ai l’air maintenant en disant « j’aime bien Marillion »….

  8. darkantisthene says:

    et d’un !!!!
    yeah!

  9. darkantisthene says:

    uuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuupppppppp laboum

  10. darkantisthene says:

    UPPPP

  11. le townsendien says:

    enorme vous m’avait convertie lool

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