Elend – Les Tenebres du Dehors

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Style: Dark atmospherique symphoniqueAnnee de sortie: 1996Label: Holy Records

Je me présente, Lucifer, l’ange déchu, mais vous me connaissez aussi sous le nom de Satan. Enfin entre nous vous pouvez m’appeler Lulu. Depuis que j’ai quitté le Paradis, du moins depuis que j’en ai été exclu, des générations entières d’humains ont conté mes exploits. J’en ai inspiré des artistes au cours des siècles… Des peintres, des sculpteurs, des romanciers ou encore des musiciens. En matière de reproduction picturale on peut dire que j’ai été rarement gâté. Tantôt de couleur écarlate avec une longue queue pointue ou encore grimé d’horribles cornes disgracieuses. Certains ont même été jusqu’à me donner des allures de dandy avec une cape et un petit bouc pointu. Pas la joie. Enfin c’est tout de même ces 20 dernières années que j’ai eu mes plus grosses crises de fou rire. Depuis quelques temps, de jeunes groupe de musique pop ne cessent de chanter de petites ritournelles en mon honneur. Entre eux ils appellent ça du black métal. Mais moi les étiquettes vous savez… À mes yeux il n’existe que deux genre de musiques, la grande musique et le reste, la pop quoi, enfin passons. Donc voilà, toute une ribambelle de groupes qui aiment utiliser mon image pour faire peur à leurs semblables et autant dire que le résultat est souvent bien plus que grotesque. De la musique inaudible sans subtilité en passant par les maquillages baveux ou encore l’attirail sponsorisé par Bricorama pour leur représentations scéniques, on est plus proche du cirque Pinder qu’autre chose.

Et puis il y a ce groupe, Elend, qui navigue pourtant dans les mêmes sphères que les guignols dont je viens de parler. Moi qui n’aime pas les étiquettes, j’ai été d’autant plus surpris d’apprendre que leur label qualifiait leur musique de Gothic Dark Symphonique. C’est symptomatique chez les humains de vouloir absolument tout classifier. Le détail extrait de la Vierge aux Rochers de Leonard de Vinci en couverture est déjà synonyme de bon goût. Je voue une admiration sans borne à ce Léonardo et je suis donc ravi de constater ce choix pour l’Artwork de cet album. Avec en arrière plan, une peinture de Victor Hugo je me dis que ce petit groupe à décidément bon goût. Enfin c’est en feuilletant le livret intérieur que je suis tombé littéralement des nues : des reproductions de gravure de Gustave Doré, celle-là même qui avait illustré le Paradis Perdu de John Milton. Vous savez, le poème qui raconta mon éviction du Paradis, ma terrible chute et la solitude que j’eus à subir ensuite. (Passons sur mes déboires avec Adam et sa meuf, le serpent, la pomme, tout ça… On a beaucoup médit sur moi à ce sujet).

Mais venons-en à la musique proprement dite. Tout commence par des chœurs angéliques, assez proches on va dire de ce que vous appelez musique sacrée. C’est très beau et ça me rappelle ces moments de paix qui ont précédé la grande bataille contre les anges. Un synthé très discret vient souligner tout ça de la plus belle manière. Soudain tout s’assombrit. “But here, there is no light”. Les chœurs deviennent inquiétants, tourmentés, pendant que les différents synthés font s’enchevêtrer les notes jusqu’au terrible grondement. J’ai cru que c’était l’orage mais c’est bien une voix. Terrifiante, possédée, à des lieues des borborygmes amplifiés qu’éructent les clowns du noir métal. Les notes continuent de tourbillonner et cela me rappelle ces combats dans le ciel et la chute qui s’ensuivit. Le vent est déchaîné, les éclairs transpercent le ciel, la bataille fait rage et je hurle de douleur pendant que des hordes d’eau innondent les cieux. Je suis vaincu. C’est dur pour moi d’écouter ce titre colossal de près d’un quart d’heure car il me rappelle trop de mauvais souvenir. C’est éprouvant mais ça retranscrit à merveille ce que j’ai vécu. De loin le titre le plus violent de l’album. Pourtant le reste n’est pas avare en moment fort. Ce groupe sait à merveille alterner parties intenses et accalmies, nous effrayer pour nous rassurer ensuite. Cette terrible voix qui frôle par moments la démence laisse place aux vocalises enjôleuses de Nathalie Barbary et Eve Gabrielle Siskind. Ces moments de grâce qui arrivent à point nommé pour nous sortir du chaos sont absolument somptueux, sûrement parmi les plus belles choses qu’il m’ait été donné d’entendre en pop musique lors de ce dernier siècle. (Bon je sais que de nombreux lecteurs vont crier au scandale avec ma méconnaissance des étiquettes, mais promis je me documenterai pour ma prochaine chronique). Et que dire du duo Hasnawi (le Français)/Tschirner (l’Autrichien), les deux membres fondateurs et cerveaux d’Elend, se partageant les différents instruments et voix. Je crois que l’on a affaire à deux visionnaires. Iskandar Hasnawi et Renaud Tschirner se sont rencontrés alors qu’ils jouaient tous deux dans un orchestre baroque. C’est Iskandar qui fit découvrir le black/death à Renaud et lui proposa d’inclure des vocaux hurlés à une musique d’inspiration classique et baroque. Un pari assez fou car les chances de rencontrer le bon public paraissaient alors assez minces.
Voilà pourquoi je me suis pris d’une grande sympathie pour ces deux humains, car en plus de m’avoir rendu le plus bel hommage musical qu’il soit, ceux-ci (et ça se confirmera d’avantage avec la suite de leur carrière) ne font aucun compromis (enfin si l’on excepte le CD Weeping Nights qui reprend la quasi-intégralité de ces Ténèbres du dehors amputés des vocaux hurlés, une sortie voulue par la maison de disques) et se fichent éperdument du succès commercial de leur art.

Bon je vous laisse, j’ai appris que les jeunes Dimmu Borgir avaient tenu à me représenter sur leur nouvel artwork, je vais donc m’empresser de chopper ce visuel pour mettre ça en déco dans la chambre de ma petite-nièce à la place de ses posters des Télétubies. Ces gros personnages colorés lui faisaient un peu peur.

PS : Le tracklisting en suite est celui de l’édition originale de 1996. Cette édition est épuisée mais l’album est réédité avec un titre bonus « Birds of Dawn » qui vient s’intercaler entre les deux dernier titres. L’artwork initialement de dominante bleue à été décliné en rouge pour cette seconde édition.

  1. nocturne
  2. ethereal journeys
  3. the luciferian revolution
  4. eden (the angel in the garden)
  5. the silence of light
  6. antienne
  7. dancing under the closed eyes of paradise
  8. les ténèbres du dehors
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11 Commentaires

  1. krakoukass Krakoukass says:

    Terrible ta kronique camarade. Je n’ai jamais écouté ce disque, mais ça donne envie…

  2. guim says:

    Elend c’est la tourmente feutrée et viscérale,après son leçon de ténèbres,il ne restait plus qu’à rechercher les émotions plus loin au dehors,la religion de la chapelle du groupe amène le fidel à se laisser aller sur cette musique forte,bienvenue dans les abysses.C’est vrai t’as pas démérité sur ta chronique Joss (à part pour le côté pop peut être héhé).Notez aussi que la suite de la disco est tout à l’honneur et à l’image de ce groupe,intègre et tout aussi recherché.

  3. darkantisthene says:

    cet album m’emmerde mais m’emmerde… me suis fait baisé par la propagande holy recordienne de l’époque!

  4. Julien says:

    Chro originale et qui donne envie !

  5. Joss says:

    C’est le but ;-)

  6. Gort'h says:

    Acheté à sa sortie il y a 10 ans… Je voulais écouter un morceau « pour voir » et je n’ai pas réussis à décocher de l’album.
    Une oeuvre magistrale, un groupe hors du commun,inspiré et tanlenteux.
    Vivement le prochain.

  7. Ellestin says:

    L’album a pris quelques rides malgré la classe et la pureté qui lui reste chevillée au corps. Il y a 5-6 ans je ne jurais que par lui, maintenant je lui préfère de loin « The Umbersun », plus abouti et flippant à l’extrême mais aussi plus beau dans ses moments de relâche, bien sûr « Winds Devouring Men », voire même « Leçons de Ténèbres » pour son côté naturellement touchant. Sympa ta kro sinon, Joss :o)

  8. guim says:

    Pareil pour moi je trouve que the umbersun est le meilleur disque de la disco

  9. Joss says:

    J’ai pas encore réussi à vraiment rentrer dans « the Umbersun »… je lui préfère les deux derniers « Winds… » et « Sunwar… » En tout cas ce groupe est géant. Vivement le nouvel album qui sort prochainement

  10. Monster says:

    J’ai pas encore écouté ce disque (ça ne saurait tardé) mais je me prosterne devant le genie de ce groupe à chaque fois que j’ecoute « Winds Devouring Men ». « Sunwar » aussi a l’air enorme (peu écouté celui là). Vivement le prochain.

  11. nepenthes says:

    Sympa de remettre un coup de projecteur sur ce groupe qui le mérite bien !!
    Je crois que Les ténèbres du dehors est, avec Sunwar the dead, mon album préféré d’ELEND… même si j’adore tous leurs albums (sauf peut-être Winds devouring men que je ne trouve pas assez violent, pas assez sombre…).

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