Cynic – Focus

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Style: deazz (death jazz) metal techniqueAnnee de sortie: 1993Label: Roadrunner Records

Si l’on pousse toujours plus à l’extrême sur le globe de l’anticipation ou de l’inspiration, c’est uniquement pour découvrir de nouvelles terres, de nouveaux continents encore vierges de toute espèce de duplication humaine.

Les grands courants progressifs dans le métal ont amené des musiciens inspirés à s’essayer à l’expérimentation dans certains domaines balisés par le rationalisme inquisiteur du dogme et de la bienséance, et quel défi de se lancer à corps perdu dans une aventure, quoi de plus revigorant que de s’attaquer à l’inconnu avec comme seule compétence, la quasi divination de son instrument de prédilection et une marge de manœuvre quasi illimitée ?

L’hérésie progressive fait cohabiter les univers les plus improbables entre eux, les déclinant à l’infini avec le souci musical du travail bien fait, Dream Theater et d’autres sont déjà dans les blocks à faire suer le rock’n’roll à grosses gouttes, décimant peu à peu les derniers doutes sur l’avenir du genre.
Cynic, Atheist, Death, Pestilence sont de ces groupes qui ont incorporé à leur musique débridée des touches, des courants, qui ne laissaient aucunement présager d’une alchimie aussi réussie, des précurseurs, des athées du genre, des prédicateurs d’un death singulier, si loin de l’univers stéréotypé de leurs congénères…

 

 

Mais pour le cas présent parlons de ce Focus
Les quatre azimutés de Cynic, osent avec leur premier album, l’incursion dans le monde qu’ils ont inventé pour leurs escapades, avec un tel rendu de liberté, d’imagination et d’aboutissement qu’on ne peut que se sentir interloqué par une telle démesure.

Les surprises sont nombreuses quand on pose une oreille attentive sur la musique de ce groupe. Les phases d’appréciation sont dépréciées par des mouvements d’humeur oscillant entre le rejet et la contemplation, cette musicalité si efficiente et sa saturation granuleuse opposent une résistance à la première écoute, la mélodisation totale du death metal est elle alors possible se demande-t-on ?

Premier titre: « Veil of Maya », premier parachutage dans l’inconnu, l’univers de Cynic se dévoile dès les premières notes, dès les premières paroles du titre, on se heurte à un sentiment d’être en plein film de science fiction.
La voix vocodée de Paul Masvidal est filtrée au synthétiseur pour un rendu coulé et futuriste très original. Sean Reinert véritable moulin maçonnique, générateur de flux et reflux du groupe, décompose son jeu, faisant teinter sa ride, flirtant avec son charley comme une libellule au dessus d’un étang. Il argumentera à la double l’appui d’un Sean Malone passablement aussi déchaîné que lui, saisissant de groove; sous les attaques de riffs stratosphériques de Jason Gobel. Quand les quatre fusionnent, difficile de résister à l’ouragan mélodique qui vient s’abattre malicieusement sur nous, c’est Gargantua qui vous invite à sa table pour un menu avant gardiste à rassasier une légion.

Car oui, c’est insidieux, mais ce groupe est ainsi fait, pour son, jusque là, unique et ultime album : il nous livre un message qui a tout du message révolutionnaire, dans sa forme et dans son fond.
L’utilisation quasi continue des synthétiseurs œuvre pour la démarcation, c’est un trait de caractère remarquable tant on sait que la scène abhorrait cet instrument, l’emploi de la basse fretless et la palpable envie de rendre ce disque quasi mystique dans ses ambiances en font une œuvre définitivement singulière. Tellement singulière que beaucoup de puristes cracheront sur le disque, et crieront au scandale, comment arraêter la musique quand elle est en marche ?

Si Pink Floyd a oeuvré pour le « post rock » et le rock expérimental dès son The Piper at the Gates of Dawn, Cynic, lui, opte pour la sacralisation du plan Jazz, un escalier de verre qu’il s’autorise à utiliser sans défaillir, avec technique, groove, tant de persuasion et d’acharnement qu’on se sent propulsé à la vitesse de l’album dans des continuum rarement traversés à l’écoute d’un album de metal des années 90,le dépaysement est total.

La démarche de Cynic est clairement déroutante, sa musique à la fois si oppressante et fluide frôle le génie, un titre comme « Textures » est clairement sublime, si loin de ce qu’on peut entendre ou imaginer, en perpétuel décalage, réalisé avec tant de finesse que ça en devient pratiquement jubilatoire.
Un album culte et un des chefs d’oeuvre de l’histoire du  metal dont l’écoute est plus que jamais d’actualité alors que le groupe s’est récemment reformé pour une tournée en cette année 2007 (la question subsidiaire étant : cela débouchera-t-il sur la publication d’un nouvel album, sachant que le groupe joue un nouveau titre sur scène ? Wait and see…). En tout cas il sera difficile de faire mieux que cet album, on peut en être sûr.

 

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7 Commentaires

  1. Faya says:

    Comme me l’a dit un pote, Cynic c’est la musique des Elfes. Un metal qui vient de territoires inconnus et jamais entendus. Difficile d’approche et d’accroche, mais le voyage en vaut le détour. Tout le monde se doit d’écouter ce disque.

  2. shaq says:

    Cet album m’a retourné, bouleversé comme aucun autre. J’ai du mal à me faire à l’idée qu’on ne puisse adorer cet album, mais je me soigne :)

  3. Ars Moriendi says:

    Bien ma foi ça m’a l’air tout à fait convaincant ! la question est de savoir si les non initiés (dont je fais parti) voir détracteurs de death de manière générale sont suscéptibles d’adhérer à cet ouvrage apparement non dénué de charme !?

  4. guim says:

    C’est fort possible,si tu fais abstraction de la production datée et des voix vocodées (à part si ça ne te dérange pas) je pense que ça peut te procurer une bonne surprise.

  5. Ars Moriendi says:

    Les petits détails irritants donnent souvent du cachet à un album. Merci pour le conseil.

  6. Monster says:

    J’apprecie énormément cette oeuvre toujours aussi étrange même 14 ans plus tard. Il est vrai que je préfére Atheist qui, oeuvrant dans un registre proche, a une approche plus death metal de la chose et aussi parce que je suis pas trop fan des voix vododées. Les voix vocodées et la production datée c’est d’ailleurs ce qui donne son charme à l’objet et je préfére ça mille fois à cette recherche du « gros son » formaté tant à la mode de nos jours. Cependant, je pense que Cynic ça a plus de chances de plaire aux amateurs de metal progressif qu’aux puristes du death metal.

  7. guim says:

    C’est vrai ce que tu dis concernant le fait qu’il puisse plaire en priorité aux amateurs de metal progressif,les scènes ayant beaucoup évolué et le goût pour le death aussi avec l’essor du mélodique…Moi je me rappelle que c’est le grand frère d’un de mes potes qui m’a un jour foutu l’album sur cassette en me disant de la hauteur de ses 18 ans : »Ecoute ça petit,ça c’est de la vraie musique ».Je pense qu’à l’époque tous les amateurs de death avait posé une oreille sur ce truc et que ça avait vraiment un caracatère unique,le genre de truc que tout le monde se copie et se refourgue,et c’était bien des gros deatheux amateur de reek of putrefaction qui vouaient à la démo en premier lieu leur admiration.Avec le temps Cynic c’est devenu de l’histoire mais ce sont ces mêmes ex amateur de reek qui en vieillissant ont aussi fait sa renommée.Avec le temps Focus a perdu de son impact,un peu comme mon oncle qui quand il passe Sabbath sur son tourne disque croit que c’est le plus gros son au monde qui sort de ses enceintes,y a des choses qui ne changent pas et pour certains comme tu le disais tout le charme vient de cette production datée.En tout cas en comparaison de ce qui se fait à l’heure actuelle en matière de death je pense qu’un groupe comme Coprofago ne peut que remercier Cynic d’avoir sorti ce Focus ;)

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