Radiohead – In Rainbows

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Style: pop/rockAnnee de sortie: 2007Label: Autoproduction

Difficile de passer à côté de Radiohead quand on a été ado dans les années 90, le tube « Creep », la voix de Thom Yorke, le bijou rock qu’est The Bends puis l’aventureux monument Ok Computer sont autant d’éléments qui ont marqué toute une génération. Le groupe s’est pour moi après il faut dire un peu empêtré dans sa volonté de se détacher des contraintes de l’industrie musicale et, à essayer de dépasser les frontières de sa musique par l’électronique et l’expérimentation, a produit des albums aux morceaux inégaux depuis, tout en s’arrangeant toujours pour y inclure quelques pépites.
Après 4 ans d’inactivité depuis Hail to the Thief, le groupe revient avec In Rainbows et en profite pour se détacher complètement d’une maison de disque en le proposant en téléchargement à prix libre sur le net, mais également en mettant en vente en ligne un coffret luxe assez cher (60€ quand même), ce qui est assez paradoxal, et qui apparemment leur aurait déjà rapporté de quoi couler des jours heureux ad vitam. Mais le buzz autour de cet événement, que certains voient déjà comme sonnant le glas du CD (j’en doute!), ne doit pas occulter la musique que propose le groupe.

Musicalement, on peut considérer que Radiohead revient vers un son plus pop/rock, les rythmiques et sonorités électroniques étant beaucoup moins appuyées. Ces 10 morceaux sont plus axés sur les guitares et la voix, mais ce n’est ni un retour au rock alternatif de Pablo Honey ni au rock sophistiqué d’Ok Computer, plutôt une évolution naturelle vers un rock indé intimiste qui garde en mémoire le côté bidouillage sonore de leurs derniers albums.

Bonne introduction avec « 15 step », rythmique électro quasi trip-hop mais organique surplombée de quelques accords de guitares, puis un « Bodysnatchers » entraînant et chaloupé aux guitares au son fuzz chaleureux, dont ce sera malheureusement la seule apparition. On attaque alors sur « Nude », titre pop émouvant aux mélodies ciselées, point d’orgue de l’album. Ensuite, les morceaux se suivent sans vraiment surprendre. Accords en finger picking, arpèges folk et orchestrations de cordes mêlées, rythmiques electro/rock fines, au son sec, se partagent les titres suivants mais ça ne décolle guère, à part sur la fin de « Reckoner » pour retomber aussi sec sur un « Videotape » final aux horripilants 3 accords de piano en boucle.

On a vite fait le tour de l’album et je trouve un peu dommage de devoir revenir sur le magnifique « Nude », alors qu’il m’est connu depuis 10 ans (« Big Ideas »!). Le groupe capitalise sur une ancienne face b, la réinterprétant dans le contexte de ce nouvel album mais je ne retrouve en fait aucun autre morceau de cette trempe par la suite. Il manque à cet album du contenu qui le fasse sortir du lot, et on a plutôt droit à du banal, voir du tout mou sur « House Of Cards ». Ça manque de mélodies de guitare à couper le souffle mais surtout de morceaux rock construits, à jouer à la folk autour du feu comme peuvent l’être un « Fake Plastic Trees » ou « Paranoid Android », car après tout le rendu acoustique d’un morceau est un bon élément révélateur de la solidité des compositions.

Dans mon humble opinion, on est quand même très loin du joyau que peut être OK Computer, les morceaux de In Rainbows ressemblent plus à des ébauches, des morceaux tournant autour de quelques accords pincés, embellis par des arrangements fournis. Même tout le talent des gars d’Oxford pour transformer quelques gratouilles sur une guitare en des morceaux nuancés ne réduisent pas l’aspect très répétitifs de ceux-ci. Radiohead ressemble de plus en plus pour moi à un groupe de pop/rock/electro lambda, sauf qu’eux se complaisent à mettre 4 ans pour créer une quinzaine de morceaux (2ème cd avec l’édition luxe) somme toute assez évidents, tournant autour d’un arpège de guitare ou d’une ligne de basse, et qui ne compensent que rarement par un impact émotionnel particulièrement marquant. A vrai dire seule la voix toujours aussi intense de Thom Yorke leur donne vraiment de l’intérêt mais ça m’étonnerait que ces nouveaux titres fassent autant vibrer leur public en concert qu’un « Street Spirit » ou un « Pyramid Song ».

Après tout, mon aigreur vient peut-être du fait que j’en veux au groupe d’avoir rejeté « Electioneering » (voir interviews de l’époque où ils considèrent ce morceau comme une erreur…) et décidé d’abandonner le rock dur après Ok Computer. Je regrette le jeu de guitare fourni de Johnny Greenwood, ses solos habités à la Telecaster, et les incessants accords en finger picking quasi bossa nova qui parsèment en boucle ce nouvel album me saoulent rapidement. En exagérant, on pourrait même dire qu’ils avaient déjà fait le tour de ce genre de jeu avec le superbe « Blow Out » de Pablo Honey!

La horde de maniaques de Radiohead sera forcément comblée par ces 10 titres et autant de magie insufflée par les complaintes d’un Thom Yorke toujours aussi habité, mais j’aurais préféré le voir interpréter des morceaux mettant plus à profit sa sensibilité et sa fougue. Certes In Rainbows est un album correct, loin d’être désagréable à écouter, mais j’ai du mal à m’extasier devant et je ne parle même pas de le comparer à Ok Computer alors que je le trouve déjà moins bon que Kid A et Amnesiac. Si les fans étaient un peu moins ébahi devant le moindre bootleg du groupe délirant en studio, ces feignasses de Radiohead se démèneraient pour composer de nouveaux hymnes rock, complexes, sensibles mais fédérateurs plutôt que ces quelques essais qui auraient fini en faces b de single il y a 10 ans!

  1. 15 step
  2. bodysnatchers
  3. nude
  4. weird fishes/arpeggi
  5. all i need
  6. faust arp
  7. reckoner
  8. house of cards
  9. jigsaw falling into place
  10. videotape
jonben

Chroniqueur

jonben

Krakoukass et moi avons décidé de créer Eklektik en 2004 suite à mon installation à Paris, alors que disparaissait le webzine sur le forum duquel nous échangions régulièrement, ayant tous deux un parcours musical proche entre rock et metal, et un goût pour l'ouverture musicale et la découverte perpétuelle de nouveautés. Mes goûts se sont affinés au fil du temps, je suis surtout intéressé par les groupes et styles musicaux les plus actuels, des années 90s à aujourd'hui, avec une pointe de 70s. J'ai profité pendant des années des concerts parisiens et des festivals européens. J'ai joué des années de la guitare dans le groupe Abzalon. Mes styles de prédilection sont metal/hardcore, death technique, sludge/postcore, rock/metal prog, avec des incursions dans le jazz fusion et le funk surtout, depuis une île paumée de Thaïlande. 

jonben a écrit 528 articles sur Eklektik.

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8 Commentaires

  1. mr.hutz says:

    Je suis en désaccord avec la majorité voire totalité de la chronique et pourtant je ne crirai pas au chef-d’oeuvre. C’est un bon album, je le prends pour ce qu’il est c’est à dire un autre successeur de Kid A qui est intouchable.

  2. n1tien says:

    Album énorme, peut etre moins conceptuel que ce qu’ils ont pu faire auparavant, peut etre plus accessible mais il faut savoir le prendre comme il est. Je l ai écouté en boucle et aucun chanson n est à jeter. Il est vraiment prenant, fort, enfin pour ma part, c est un petit chef d oeuvre, et je ne suis pas le genre de fan qui crie au génie dès que radiohead sort un bootleg, loin de là!
    Bref, pas trop d accord avec la chro! Sur ce, m en vais le réécouter!

  3. tom666_fr says:

    Je ne suis pas un « maniaque » de Radiohead, néanmoins je trouve cet album nettement meilleur que ce qu’en laisse deviner cette chronique….considérer cet album comme un quelconque album de post-pop electro bidule est quand même un peu exagéré. Cet album, bien que n’étant pas leur meilleur, reste quand un album majeur par rapport aux sorties actuelles (tout style confondus). Enfin bon, tous les avis sont bon à prendre, mais pour moi et pas mal d’autres personnes je pense, cet album de qualité reste dans la continuité de l’évolution du groupe. Rapppelons au passage que c’est un des rares groupes à ne pas nous ressortir la même tambouille à chaque album, ce qui est tout à leur honneur…..

  4. Finnfelipe says:

    Difficile d’être d’accord avec cette critique. Déjà, ils n’ont pas choisi cette méthode de sortie pour créer un « buzz » mais plutôt pour avoir une certaine liberté artistique et moins de contraintes extérieures sur leur composition, ce qui est compréhensible, et même assez courageux vu que c’est quasiment une première.
    Ensuite je trouve qu’on entend assez peu parler de cet album pour le moment – proportionnellement à leur renommée – sur les sites de news généralistes et autres magazines qui seraient sans doute en extase si une grande maison de disque leur avait servi la soupe dans la gamelle à grands renforts de com’. Là je vois juste les passionnés gratter leurs critiques (plutôt excellentes d’ailleurs, toutes tendances confondues).
    Ensuite concernant le fond, parler de « bidouillages » pour Radiohead est un brin insultant. Déjà parce que ces gens sont assez perfectionnistes, et ensuite parce qu’il en ressort un son loin d’être « bidouillé ». A moins que cela signifie qu’ils essaient de faire des sons bizarres de manière non conventionnelle, ce qui est une marque de fabrique de Radiohead depuis bien… OK Computer? Et personnellement je trouve que ça apporte souvent en subtilité et en complexité à des compos qui savent pourtant rester très accessibles.
    C’est le cas ici, avec un album certes moins torturé et complexe que les 3 ou 4 précédents, mais qui ne cède pourtant jamais à la facilité. On n’est pas chez Muse quand même… Bien qu’il y ait effectivement quelques morceaux moins transcendants, plusieurs atteignent des sommets pas bien éloignés de ceux d’Amnesiac notamment, puisque cet album pourrait en être la suite logique en plus apaisé.
    Les plus marquantes sur le plan de la mélodie et de la fameuse « émotion » Radiohead sont selon moi 15 step, Bodysnatchers, Nude, Reckoner et Videotape (les boucles donnant un aspect hypnotique sympa…). Bref, largement de quoi être satisfait en termes de qualité, surtout pour un déjà-fan.
    Alors, on leur demande quoi? L’olympe? Ils ont déjà presque tout fait entre rock, pop, electro et touches jazzy, et de manière assez époustouflante. On va attendre leur album métal alors? Bal-musette? Non, je pense juste qu’à leur stade c’est hyper difficile de continuer à surprendre. Et à ce niveau, sortir un album de cette qualité (je tiens à préciser qu’il bat quand même fastoche 95% de la prod pop de cette année), c’est déjà pas mal. Des fois j’ai l’impression que Radiohead c’est le gouvernement de la pop, et que quand on n’est pas contents de la situation on leur demande de nous sortir un miracle. Eh bien cette fois ils se sont contentés de (très) bien faire leur boulot. Ils auraient pu se planter aussi. Alors non, on n’est pas déstabilisés, mais de ce côté-là ils n’ont plus rien à prouver. J’attends toujours que quelqu’un les rattrape en termes de gestion de l’évolution artistique. Et il n’est pas très judicieux de tout ramener à OK computer, album majeur de l’histoire de la pop… C’est comme si on vous demandait de gravir l’Everest chaque année…
    Et puis je crois que tout bon groupe a ses fans débiles en totale dévotion, qui énervent tout le monde. Il y en a des pires: regardez ceux qui en sont encore à Led Zep, et que dire de ceux qui apprennent l’allemand pour Tokio Hotel? Bref, le groupe n’y est pour rien et ne mérite pas d’être jugé là-dessus.

  5. megatron says:

    eh bin oueh c’est encore d’actualité que de vénérer led zep’ (plus grand groupe de rock de tous les temps soit dit en passant !) de nos jours coco! Concernant le cas Radiohead, et bien que ne pouvant que louer la sncérité de leur démarche et la qualité perceptible de leur musique d’album en album, j’avoue que ce In Rainbow me fait autant d’effet que d’assister à l’agonie d’une truite sous prolaxe ! C’est très gentillet, bien foutu et toujours servi par cette voix si singulière et innimitable, mais je ne ressens strictement rien (et j’ai beau essayer !) à l’écoute de ce disque sans magie et sans saveur !

  6. Finnfelipe says:

    Je ne critique pas Led Zep, je critique le fait de focaliser bêtement sur un groupe quel qu’il soit. Cumulé à une certain nostalgie « c’était mieux avant » ça rajoute encore au pathétique. Mais sinon j’adore le Zep.
    Et puis bon ce Radiohead n’est pas si éloigné des précédents, donc autant dire que ça doit être ce style de musique qui te laisse globalement indifférent…

  7. jonben jonben says:

    Je ne juge pas l’album sur les fans de Radiohead, je pense seulement qu’il est un peu léger, qu’il manque d’idées. Ce n’est pas une question de style, je suis fan de Radiohead depuis le début et j’ai suivi sur Kid A et Amnesiac, d’ailleurs j’écoute encore ce nouvel album. Je ne le trouve pas mauvais mais juste moyen.

  8. Schwardrak says:

    Là il faut que je fasse ma pute insuportable: cet album est un chef-d’oeuvre ROTDNUJU, mérite parfaitement 20/20 et le titre d’album de l’année (fin 2007). ‘Fin je sais pas. Moi je le trouve énorme c’est tout. Et si vous trouvez OK Computer si bon (meilleur album de l’histoire pour moi), pourquoi ne pas en faire une chonique anthologik? ou de The Bends, les deux sont géniaux en tous cas.

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