Bohren Und Der Club Of Gore – Dolores

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Style: doom jazzAnnee de sortie: 2008Label: Pias

On a beau connaître le chemin…

… c’est tellement plus cool de se laisser guider par la main, encore une fois. Depuis Geisterfaust, qui semblait marquer le bout du fond en matière de désossement de la musique organique, Bohren & der Club of Gore sont toujours allemands, toujours quatre, et effectivement ce nouvel album semble vouloir amorcer le long et prudent retour vers la lumière. Il lui fallait bien un prénom de femme pour cela. Dolores. Mais Dolores c’est aussi les douleurs. Parce que ça fait bobo aux yeux de regarder trop longtemps vers la lumière quand on a passé le plus clair de sa vie à arpenter, whisky en gabardine et sax en bandoulière, les venelles des orphelins du jour, où les lampadaires ne risquent pas un halo.

On dit ce qu’on veut de Bohren, ambient, blues, drone, brume. L’essentiel c’est d’être seul. Ou à défaut de se sentir seul. Sinon ça marche moins bien. A genoux devant l’Angelo Badalamenti de Twin Peaks, mais aussi à genoux devant les premiers albums de Beherit (et qui ne l’est pas, qu’on l’éviscère), les quatre oiseaux de Cologne bichonnent leur partition avec l’attention d’une mère de famille pour ses vases en porcelaine. Bien que n’étant ni leur album le plus glauque (c’est Midnight Radio), ni le plus dépeuplé (c’est Geisterfaust), ni le plus night club (c’est Sunset Mission), ce qui nous laisse Black Earth (c’est le meilleur), Dolores trouve sans problème son utilité dans la constellation Bohren. Il en reprend toutes les manières. Le vibraphone se pose en pivot, dont les mesures sous sédatifs recoupent toutes les x secondes un coup de cymbales nonchalant, une note de basse solitaire, ou une saccade de grosse caisse en sourdine, parfois les trois, pour ce qui se rapproche le plus d’accords à plusieurs voix. Le saxophone, quasiment absent de Geisterfaust, opère un retour en grâce sur plusieurs titres mais reste à l’économie. Le groupe évite d’en faire une formule et c’est plutôt bien. C’est sur “Unkerich” qu’il a son rôle titre avec une mélodie particulièrement poignante, mais toute en spleen, sans gravité. Signalons aussi la présence de très beaux effets de voix – reproduits en concert – à mi-chemin entre oraison monastique et murmure du vent dans les combles. Laiteux à souhait, cet album colle au ventre comme une toile d’araignée, et diffuse dans tout l’organisme une impression de légèreté à la limite de la dissociation corps/esprit. C’est peut-être bien leur album le plus mystique, si on veut lui accoler une distinction. Et en fermant les yeux, parce qu’il le faut, on verrait bien tournoyer les lucioles de la pochette, à la recherche d’une âme livide à réchauffer, quelques secondes. Slow and low, always

Jouer une seule note suffit lorsqu’elle est belle”, a dit Arvo Pärt, qui sait précisément de quoi il parle. Avec Dolores, Bohren & der Club of Gore ne se réinventent pas. Pas au-delà de ce besoin, timide, “d’ouvrir les fenêtres”, pour reprendre la description utilisée par Christoph Clöser (guitare, saxophone) lui-même. Peut-être aussi commencent-ils à entrevoir les murs qui vont leur renvoyer, de plus en plus vite, l’écho d’un univers musical fini. Un univers qui, en l’état, ne supportera pas beaucoup d’autres combinaisons avant de voir s’écailler son pouvoir de fascination. Pour autant, depuis son royaume de morphine, Dolores nous ouvre son étreinte, et il n’y a plus d’alternative au confort de sa poitrine. Sa poitrine s’ouvre à son tour, et l’on glisse sans se mouvoir, au rythme distant de son souffle. Derrière la lune. Film noir. Minimalisme et sièges de velours. Placenta. Bohren.

  1. faul
  2. karin
  3. schwarze biene (black maja)
  4. staub
  5. still am tresen
  6. unkerich
  7. urgelblut
  8. von schnäbeln
  9. welk
  10. welten
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2 Commentaires

  1. heavydevy says:

    Peut etre ayant encore des fumets (?) de Barbar (délice de mon pays) dans le cerveau,je suis plus sensible aux emphases de Matt,,n’empeche ta chro est superbe et j’ai écouté 2-3 fois bohren,c’est vraiment interessant et tu me donne envie de réécouter,ton but est atteint :-)

  2. guim says:

    Toujours pas acheté, mais ça donne envie.

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