Steven R. Smith – Crown of Marches

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Style: atmosphericAnnee de sortie: 2005Label: Catsup Plate

Ce sont parfois les décisions les plus fortuites qui font les œuvres les plus marquantes. Le jour où il a choisi de faire de Crown of Marches un album monolithique de 40 minutes pour un morceau unique, Steven R. Smith n’avait probablement que peu de notion du résultat final. Et de fait il n’a pas véritablement révolutionné son modus operandi dans l’optique de ce format spécial, se contentant d’enchaîner sur quelques jours les sessions d’improvisation autour d’une épine dorsale et de boucles préenregistrées, puis de les raccorder après coup, overdubs discrets à l’appui. Etant donné le style pratiqué on pouvait craindre que, toute qualité considérée, la mécanique se mette trop rapidement à radoter, et que l’impossibilité de jongler entre des pistes ne place l’auditeur en position d’attente végétative. A l’arrivée on est tellement à l’opposé de cette théorie que c’en est comique…

Croyez en mon inexpérience, Crown of Marches est juché sur les sommets des musiques faisant appel aussi bien à la caresse des atmosphères qu’à la sécheresse des aspérités propres au drone. Dans un procédé esthétique voisin d’un The Angelic Process, les vocaux et la cadence en moins, Steven R. Smith confond des émotions d’apparence contradictoire à grands traits d’une guitare travaillée au corps, de laquelle parvient à la fois la tension rauque des frottés et l’imperturbable écoulement des minutes. S’il est facile d’emmener l’imagination divaguer dans des endroits suggérés par un texte, une image volée ou une simple impression subjective, force est d’admettre qu’en compagnon d’immersion, Crown of Marches est un caméléon. Miroir doré sur une plaine marécageuse, rideau de feuilles d’automne, eaux-fortes urbaines même… Le morceau est évocations multiples et ne vit que pour ça.

Ce drone soft, zébré de mélodies diffuses. Cette enveloppe de friture délicieuse et de soupirs de bois creusé qui compacte l’ouïe en un parpaing supermassif. Cette cérémonie de sons écaillés qui refuse obstinément de soûler son homme malgré sa grande longueur, c’est une inertie magnifique, une intraveineuse de bien-être qu’on quitte avec un réel pincement d’amertume, soudain dans la peau du morphinomane qui refait surface et prend conscience de l’illusion de son trip. De bêtes éloges sont impuissants à rendre justice. Crown of Marches est un putain de chef d’œuvre et voilà son seul enseignement.

  1. crown of marches
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