Ignominious Incarceration – Veil Of Maya

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Style: deathcore techniqueAnnee de sortie: 2009 - 2010

Durant mon adolescence, en ces années quatre-vingt bénies et baignées de Heavy-Metal, de Thrash-Metal et des premiers vomis du Death-Metal, je connaissais par cœur tout ce que l’on pouvait savoir sur les groupes que j’adorais. Titres des albums et années de parutions, évidemment, titres des morceaux et durées approximatives, nom des musiciens, matériel utilisé, et je bavais dans les magazines spécialisés sur leurs tignasses que je rêvais un jour d’arborer. Je collectionnais en VHS des clips passées aux heures tardives sur la seule chaîne daignant s’intéresser au sujet. Mais à quatorze ans, difficile de faire comprendre à quel point ressembler à ses idoles était trop cool. Faire coudre le logo de Metallica dans le dos de ma veste en Jean’s un peu déchirée avait demandé du temps et de l’obstination, et mes T-shirts souvent explicites étaient soumis à l’avis parental avant d’être portés. Sur mes supplications pour laisser pousser mes cheveux, l’avis parental était resté intransigeant : « passe d’abord ton Bac ».

Aujourd’hui, la crinière choyée a tendance à se faire la malle (la traîtresse), et je suis devenu tout à fait ignorant de la plupart des détails concernant les groupes que j’écoute. La musique s’est détachée de ses créateurs pour n’être qu’elle-même, non pas anonyme mais autonome. Toujours est-il qu’une vérité absolue et un peu terrifiante s’installe un peu plus chaque jour, notamment lorsque je prends la peine de me renseigner sur les auteurs des albums que je chronique. Quand j’étais gamin, mes héros étaient des « vieux », et maintenant que la trentaine s’est bien installée dans mon quotidien, je me rend compte que pas mal des groupes que je découvre actuellement sont composés de moins de vingt-ans. Simple vue de l’esprit et inconscience, bien entendu, lorsqu’on se rappelle (exemple parmi tant d’autres) que la bande à Heltfield avait à peine cet âge lorsque sort Kill’em All en 1983, et Steve Harris à peine plus en 1979 pour la sortie de Iron Maiden.

Il n’empêche que ce changement de perspective fait bizarre, comme cela doit faire bizarre d’être professeur, ou parent.

Ignominious Incarceration – Of winter born
Bons résultats mais dissipé et influençable, attention !

On Winter BornLes jeunes lecteurs d’Eklektik me pardonneront donc ce ton paternalisto-casse-couilles mais l’apanage d’être aîné, tout de même, est de pouvoir se permettre certaines choses, comme les claques dans la gueule et les sermons. Je ne vais pas me gêner en houspillant sans plus attendre Ignominious Incarceration, qui après avoir sorti un Of winter born tout à fait prometteur s’est renommé The Soulless. Putain, Ignominious Incarceration, ça c’était du nom, véhiculant une image forte et affirmant une appartenance certaine à cette catégorie musicale brutale que j’apprécie tant. Sans doute ce nom de groupe a-t-il orienté mon choix d’écoute, celui-là plus qu’un autre, parmi la foule des jeunes bambins clonés et poussés par leurs labels à se fondre dans les moules lucratifs de la productivité de masse. Bim-bam dans vos tronches, donc, une calotte pour avoir changé de nom. En revanche, musicalement, c’est les bons points qui tombent et lorsque j’affirme que cet album est recommandable, c’est que si je l’avais découvert à sa sortie, il aurait illico rejoint mon Top 10 annuel. Earache a eu le nez creux, car cette galette noyée sous les étiquettes et les signatures à la pelle d’autres groupes jouant dans la même cours est une réussite. Riffs tranchants, headbanging féroces, blastbeats réguliers, Death-Metal teinté de Thrash moshisant et d’un petit côté chevaleresque (triple-galop jusqu’à la ligne d’arrivée) qui n’est pas sans rappeler le Heavy-Metal. Recyclage, assimilation, mais avec brio. Ainsi, les titres ont souvent tendance à casser la nuque tout en proposant des mélodies épiques, on a envie de bomber le torse tout en hochant la tête ce qui, objectivement, est une posture inconfortable. Le jeu et la production sont plutôt froids, mettant en valeur les qualités techniques des musiciens. L’album étant relativement court (45 minutes tout mouillé par les embruns du sud de l’Angleterre), l’on a pas vraiment le temps de se lasser, d’autant plus que les titres, bien qu’uniformes, ont tous un petit quelque chose (un break, un riff, un moshpart) qui les différencie et leur donne consistance.

Une chouette réussite donc, et pourtant, j’ai peur que le changement de nom du groupe (maintenant The Soulless, je rappelle pour les distraits) ne soit douloureusement significatif. L’écoute de Earthbound disponible sur Myspace me laisse un sale goût dans l’oreille. A force de draguer la princesse et de chahuter le dragon, on perd en brutalité pour compter fleurette et faire de l’oeil au bon vieux Metalcore plan-plan. Manquerait plus qu’un petit refrain en chant clair pour mériter une nouvelle torgnole, au lit sans souper.

Veil Of Maya – [ id]
Très bon travail d’analyse et d’appropriation, persévérez !

[id]En revanche, tous mes espoirs restent fondés avec Veil Of Maya qui confirme en 2010, avec leur album id, tout le bien que je pense d’eux.  Du bon miam pour les oreilles, goûtu, virulent et racé. Sous prétexte d’être signés chez Sumerian Records on les assimile à une quelconque scène Neodeathcore machin-truc, et pourtant ici, pas de Death suédois à l’américaine avec un chant hardcore, pas de refrain en chant clair, pas de blasts hystériques et vulgairement techniques pour impressionner les kids, d’ambiances dancefloor et autres fioritures à la mode pour faire passer le goût du mille fois entendu. Avec Veil Of Maya, nous sommes en terrain certes connu (structures déphasées et moshparts juvéniles) mais la pilule est d’autant plus facile à avaler que compositions et exécution sont de premier ordre, et avec une véritable personnalité. Outre un brailleur tout à fait à l’aise dans sa caverne et un batteur efficace et rigoureux à défaut d’avoir un jeu personnel (et d’être sans doute triggé jusqu’à l’olive), le groupe possède un six-cordiste vraiment impressionnant. Seul au poste, il assure aussi bien les rythmiques massives, ciselées et lancinantes (j’ai pris connaissance du mot « Djent » il y a peu, mais je prend le risque de dire que cette technique est régulièrement utilisée dans Veil Of Maya) que les riffs ultra-mélodiques (voire franchement empruntés à la musique classique, comme sur les titres « Conquer » et « Resistance »), les nappes d’arpèges dissonantes, les accords riches et complexes bref, tout les gris-gris de shreders aptes à repeindre chaque titre de manière efficace. Comme chez ses petits camarades d’Ignominious, le son est assez froid, sec, la basse est aux abonnés absents du mix général et le double pédalage sonne comme une machine à écrire. On aime ou on aime pas, vous voilà prévenu.

Avec son album précédent, The common’s man collapse, l’élève Veil Of Maya lorgnait régulièrement sur ses petits camarades de jeu (Born Of Osiris, The Black Dahlia Murder) tout en esquissant les contours d’une véritable personnalité. En 2010 il nous montre qu’avec du travail et du talent, il est tout à fait possible de rendre une copie excellente sans prétendre réinventer le monde. Les ancêtres ont bien bossé (Meshuggah en tête en ce qui concerne les rythmiques, référence aujourd’hui pour bien des poulains) et il est temps maintenant d’en récolter les fruits. L’album est court (35 minutes tout mouillé… ah zut je l’ai déjà faite), les titres également, et pourtant on sent un petit quelque chose de « prog » dans certaines structures, certaines ambiances. C’est peut-être dans cette direction, du moins je le souhaite, que le groupe portera son attention, avec des riffs encore plus déstructurés, des passages plus complexes, sans oublier les respirations casse-nuques, et qu’ils n’iront pas comme leurs copains The Soulless (ma pov’dame, j’vous jure) patauger dans la facilité.

Jimi Hendrix et Jim Morrison sont morts à vingt-huit ans, Kurt Cobain à vingt-sept, Randy Rhoads à vingt-six. Ça n’a rien à voir avec la choucroute mais notons-le tout de même, pour garder en tête que la valeur n’attend pas le nombre des années. Ceci dit, et ce sera ma dernière digression, l’évolution des techniques de production et de communication ont facilité l’émergence d’une chiée de groupes qui, de mon temps (ma brave dame) auraient eu peu de chance de sortir de leur garage de répétition. Hier, être signé et distribué était en soi un événement. Hier, il fallait acheter pour écouter et les magazines faisaient office de conseil à la dépense. Aujourd’hui, avec un peu de doigté et de jugeote, on peut écouter des heures de musique sans dépenser un centime, sinon celui de l’abonnement internet, et l’on peut exposer n’importe quelle combo aux ouïes de tout un chacun. La façon de consommer évolue et de fait, c’est mon opinion, le travail du journaliste également. Dans la famille « mon fils joue dans un groupe de Rock » j’ai donc pioché ce qui me semble être deux albums de très bonne facture, qui ne révolutionnent rien (est-il encore possible de réellement révolutionner le Metal ?) mais assurent que la relève est bien là, dans ce fouillis incommensurable qu’est l’industrie actuelle de la musique. Deux élèves brillants, le premier sur la sellette, le second sur la bonne voie, dont j’attends le prochain carnet de note, pardon, le prochain album, avec intérêt.

http://www.youtube.com/watch?v=en0aCKXu1NE
http://www.youtube.com/watch?v=ASzIvMddyxA

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Commentaire

  1. krakoukass krakoukass says:

    Je ne partage pas forcément ton enthousiasme mais très chouette chronique!

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