Marillion – Sounds That Can’t Be Made

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Style: rock progressifAnnee de sortie: 2012Label: Ear Music

Je ne vais pas apprendre grand chose à la plupart d’entre vous en disant cela, mais je le dis quand même : il est plus aisé de chroniquer un disque de hard rock AC/DCien qu’un disque de rock progressif. C’est banal, chacun a pu avoir l’occasion de le constater : multiplier les écoutes est plus recommandé dans le second cas que dans le premier avant de se prononcer sur la qualité de la musique.

On pourrait penser que le fait de plutôt bien connaître la discographie de Marillion m’a aidé à appréhender ce Sounds that can’t be made (très beau titre d’album, au passage). Et pourtant ce dernier m’a donné (me donne encore ?) du fil à retordre.

Après un Somewhere else très efficace et plutôt direct, voire simple dans ses structures, Hapiness is the road m’avait déjà posé quelques problèmes en 2008 et il m’avait fallu pas mal de temps, de repos et de reprises avant de pouvoir être au clair (je le trouve gâché pour tout dire).

Concernant Sounds that can’t be made – je passe sur les nécessaires 3, 4 écoutes permettant d’avoir une idée d’ensemble, il m’a fallu une bonne dizaine d’écoutes avant que disparaisse un sentiment qui relevait, disons-le sans crainte de passer pour un zozo, de l’agacement pur et simple. Il m’est en effet rapidement venu à l’esprit que j’avais affaire à un Brave sans les soli somptueux, sans la cohérence, sans les morceaux de bravoure. Rothery n’était tout simplement plus inspiré, il avait dû tout donner sur Marbles, Hogarth fatiguait et n’allait plus chercher les sommets cristallins.

Je me suis quand même dit au bout d’un moment qu’il fallait laisser encore un peu mariner avant d’envoyer une lettre d’insultes aux Anglais. La réécoute, pour comparaison, de Hapiness m’a permis de prendre le recul nécessaire. Sounds étant bien au-dessus de ce dernier, je me devais de persévérer.

Et puis, comme toujours dans ces moments-là, on tombe sur le passage qui donne la chair de poule et qui est capable d’entraîner à sa suite le reste du disque. Ce passage, c’est sur « Gaza », le titre d’ouverture, qu’on le trouve. Ce morceau de choix de plus de 17 minutes peut rappeler par certains aspects « Invisible man » bien que, parce que plus contrasté, l’enchaînement des différentes parties soit moins évident que sur le chef d’oeuvre de Marbles. Des sonorités noires, lourdes, puissantes voire torturées (Porcupine Tree ?) côtoient des passages d’une exceptionnelle fragilité. Si vous êtes restés bloqués au son de Seasons End ou Holidays in eden, vous risquez de ne pas reconnaître votre groupe préféré. Je vous invite alors à ne pas baisser les bras car, une fois qu’il a livré son âme, ce bijou est à ranger aux côtés des incontournables du quintet anglais.

L’intensité et la beauté de « Gaza » amènent dans leur cortège d’émotions une bonne dose de clémence (d’objectivité ?) et on se prend à vibrer sur le beau crescendo vocal de « Sounds that can’t be made », le solo du soul « Pour my love », la mélancolie presque étouffante de « Power », la douceur atmosphérique apaisante de Montréal (un petit côté Ocean cloud) ou l’épico-Beatlesien « Lucky man ».

Des points en demi teinte demeurent malgré tout : je n’aurais jamais cru le dire mais le chant de Hogarth sur « Invisible ink » est parfois à la limite du supportable, il a tendance à abuser du côté éraillé de sa voix. De fait, ce morceau est à classer au passif de l’album.

Pour ce qui concerne le conclusif et planant « The sky above the rain », le bémol vient d’un argument que vous jugerez peut-être comme relevant de la pure mauvaise foi : tout était présent pour qu’on se retrouve face à un point d’orgue à tomber par terre, à donner une rafale de frissons. Et qui c’est vient nous pondre un solo final aux sonorités stridentes (trop) présentes sur Hapiness is the road ? J’en veux à Steve Rothery de ne pas avoir permis à ce titre d’atteindre le sublimissime. Ça reste bien évidemment superbe malgré cette faute de goût passible de la peine de mort, vous l’aurez compris.

Exigence et mauvaise foi n’auront, de toute façon, pas raison de la qualité de Sounds that can’t be made puisque je suis bien obligé d’admettre qu’il fera probablement partie de mon top 10 cette année et que c’est leur meilleur album depuis Marbles. À moins qu’une quarantième écoute en quelques semaines ne lui soit fatale…?

Track list :
1/ Gaza
2/ Sounds that can’t be made
3/ Pour my love
4/ Power
5/ Montréal
6/ Invisible ink
7/ Lucky man
8/ The sky above the rain

Chroniqueur

Darkantisthène

Il est né, il a chroniqué, il est mort, aurait pu dire Heidegger si... j'étais mort, si Heidegger était vivant et s'il s'était intéressé à ma prose autant qu'à celle d'Aristote. Et il n'aurait pas été à une connerie près le père Martin parce qu'avant de chroniquer, et après être né, figurez-vous que j'ai vécu ; et écouté de la musique.

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6 Commentaires

  1. Kane says:

    Excellent ce nouvel album de Marillion. Je te rejoins sur le fait qu’il finira dans le top 10 2012. Plus qu’une excellente surprise, un vrai plaisir, un vrai bel album…

  2. joss says:

    Très très bel album. Je n’en attendais pas grand chose tellement j’avais été déçu par les deux albums précédents (qui faisaient suite à l’anthologik Marbles) mais là je retrouve tout ce qui m’avait plu chez Marillion. Une très bonne surprise donc.
    @ Darkouille : tu as écouté Afraid of Sunlight ? il me semble au moins aussi bien que ce STCBM…

  3. Angrom angrom says:

    Un bien beau disque. Je ne partage pas le commentaire sur l’absence de solos, il y en a moins que par le passé mais il sont superbes. Celui de Gaza est une petite merveille.
    Le meilleur Marillion depuis longtemps !

  4. joss says:

    + 1 pour le solo de Gaza. Rothery a vraiment gazé…

  5. darkantisthene says:

    joss : j’ai tout de Marillion, donc oui j’ai écouté afraid of. c’est marrant que tu parles de cet album, j’ai vu çà et là des références à ce dernier comme point de comparaison avec ce sounds et ça ne me frappe pas tant que ça.

    angry : pour les solos, comme je le suggère dans la chro, au fil des écoutes, je n’ai pu que revenir sur mes premières impressions même si celles-ci ont été plus coriaces que j’aurais pu le penser. En revanche, je persiste sur invisible ink et sur les regrets que m’inspire le final de sky above the rain

    ça finira de manière certaine dans le top 10 de cette année et il n’est pas impossible qu’il fasse même partie des 5 meilleurs albums du groupe

  6. Angrom angrom says:

    Top 10 2012 incontestable , il est vrai.

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