Débuts du rock progressif : UK + 70s

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Annee de sortie: 2013

Lors de l’arrivée sur les ondes anglaises à la fin des années 60 du rock progressif, les Beatles atteignent à la fois leur apogée et leur séparation, ils ont avec les Rolling Stones répandu le rock dans la jeunesse du mouvement hippie, les Doors, Jimi Hendrix, les Who, Jefferson Airplane, Grateful Dead leur ont emboîté le pas. Pink Floyd est dans sa période Syd Barrett/psychédélisme. A côté de ça, Franck Zappa est déjà en plein délire, le funk et le jazz fusion sont à leur pic (In a Silent Way de Miles Davis en 1969, Sex Machine de James Brown en 1970). Cette nouvelle étape dans l’histoire du rock arrive comme un point de convergence entre ces musiques, dans une époque saturée en substances psycho-actives et en expérimentations débridées de toutes sortes.

Cet article se propose d’aborder les groupes majeurs ayant forgé le mouvement, en quelques morceaux marquants à écouter dans le mix de 12 morceaux de King Crimson, Yes, Gentle Giant, ELP, Camel et Genesis qui le conclue.

Un tour d’horizon du prog anglais des débuts 70s.

king-crimson

En 1969, la sortie de In The Court Of The Crimson King de King Crimson démarrent 6 années où une série de groupes, essentiellement anglais manifesteront une créativité débridée et une productivité étonnante, la plupart enregistrant au moins un si ce n’est plusieurs albums par an. Certains de ces groupes, malgré une musique complexe et peu adaptée à la radio (très longs morceaux), réussirent à devenir les stars du rock de l’époque (certes souvent en ayant des ballades ou des versions « edit » de diffusées en radio).

Le nom de King Crimson lui-même résonne comme l’emblème du rock progressif, c’est également le groupe avec le plus de longévité qui ne se soit pas transformé en un avatar commercial (voir Genesis, Yes, et beaucoup d’autres ayant versé dans le kitsch 80s). King Crimson a subi de nombreux changements de line-up et plusieurs périodes d’inactivité, mais la figure marquante est restée le guitariste Robert Fripp. Ce premier album In the Court of the Crimson King fut un succès et un des albums les plus influents de cette période, j’ai choisi plutôt 2 morceaux d’albums arrivés peu après, In the Wake of Poseidon (1970) et Larks’ Tongues in Aspic (1973).

Le prog comporte une part de prétention sans équivoque, dont l’origine provient en partie de musiciens frustrés de la simplicité du rock après avoir suivi une formation instrumentale classique ou jazz. La virtuosité des musiciens en est donc une composante primordiale, il n’y a pas de prog digne de ce nom qui soit joué par des manches. King Crimson joue un rock éminemment complexe, utilisent des instruments alors peu utilisés dans le rock (instruments à vent, trompette, flûte  les premiers synthétiseurs aux sonorités encore emblématiques aujourd’hui), et forgent un rock dit progressif car évoluant au sein de morceaux à rallonge passant par de nombreux plans différents (sur parfois 25 minutes, la durée d’une face de vinyle), ou si on prend le terme dans son sens anglais « progressiste », c’est à dire aux idées avant-gardistes et à l’influence d’autres styles (jazz, musique classique, folk médiéval).

yes

J’avais toujours eu un préjugé sur leur nom à la con et sur le côté pompeux du prog symphonique, jusqu’à vraiment écouter la musique de Yes. Et il n’y a pas à dire, rares sont les groupes qui conjuguent complexité, rock bien groovy, et un esprit positif, des mélodies entraînantes. Là où King Crimson sonne plus sérieux, sombre, et Pink Floyd d’un planant parfois léthargique, Yes balancent des morceaux au tempo élevé, chargés en basse, en synthétiseurs et en voix suraigües tripées.

Après 2 albums fin 60s, le groupe se révèle avec The Yes Album (1971), et l’arrivée de l’excellent guitariste Steve Howe, qui complète un line-up composé exclusivement de musiciens virtuoses qui s’appliquent à chacun apposer leur marque à la musique du groupe, la basse de Chris Squire est particulièrement présente, quasiment slapée, les claviers sont omniprésents (Orgue Hammond, Mellotron, Moog) et le batteur Bill Bruford marqua son temps par son jeu jazz. La créativité des groupes de l’époque était incroyable, la même année 1971 sort Fragile qui comporte le tube intersidéral « Roundabout » puis Close to the Edge en 1972, albums dont sont tirés les 2 morceaux que j’ai choisi.

De la liste de groupe que j’ai mentionné, Yes est clairement celui que je préfère désormais, les fortes personnalités qui composent le groupe lui ont permis de se surpasser pendant quelques années, sur ces 3 albums en particulier. Chacun des musiciens participaient à la composition, produisant des morceaux complexes, sans cesse en mouvement, où chacun des musiciens cherche à son tour à intégrer ses idées. Ça ne pouvait durer, après le succès planétaire de Close to the Edge, le choc des egos amena le groupe à se déliter peu à peu, le chanteur Jon Anderson et le bassiste Squire bataillant pour imposer une vision de plus en plus mégalomaniaque de ce que devait devenir la musique du groupe, le batteur Bill Bruford partit rejoindre King Crimson, puis le clavier Rick Wakeman après leur album suivant Tales from Topographic Oceans, constitué de quatre chansons d’environ 20 minutes chacune. Yes continua cependant à sortir des albums régulièrement, sans retrouver la qualité de la période 1971/1974.

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Un autre grand nom de l’époque, Gentle Giant, dont l’écoute de quelques titres épars à différents moments m’avaient toujours rebuté. Il faut dire que le groupe a une facette à la fois très soft et expérimentale, avec de nombreuses harmonies vocales, des influences médiévales qui sont clairement spéciales et permettent de reconnaître la musique du groupe aisément. Gentle Giant ce sont 6 musiciens chantant presque tous et changeant régulièrement d’instruments (saxophone, trompette, violoncelle, claviers et synthétiseur, violon en plus des instruments classiques du rock) pour produire une musique complexe qui se nourrit aussi bien de la musique folklorique anglaise que du rock de leur époque en passant par le classique et le jazz. Plus confidentiel, ce groupe fut également assez décrié en son temps, ils subirent entre autre une tournée catastrophique en première partie de Black Sabbath à se faire huer par les fans de ces derniers.

Je préfère quand le groupe forge des titres rock, progressifs dans le sens le plus primaire du terme, où claviers et guitares s’entrechoquent, les délires et les voix particulières du groupe passent bien mieux, comme sur ces 2 morceaux tirés d’Octopus (1972) et The Power and the Glory (1974).

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ELP (Emerson, Lake & Palmer) fut un super-groupe, composé de 3 musiciens à l’époque déjà bien connus du public, Keith Emerson, clavier de The Nice, Greg Lake, bassiste membre fondateur de King Crimson, et Carl Palmer à la batterie. Ils proposèrent une musique parfois pompeuse et prétentieuse où l’ego des musiciens prévalait sur le travail de groupe mais ils ont aussi eu leurs bons moments. Leurs albums eurent un grand succès malgré une musique aussi complexe, avec des claviers aux sonorités pionnières à l’époque (premier groupe à tourner avec un Moog), et fortement influencée par la musique classique, beaucoup de leurs morceaux empruntant directement des mélodies de pièces classiques.

« Knife-Edge » comporte carrément une interlude de Bach, le morceau est sur le premier album éponyme du groupe, de 1970, qui rencontra le succès grâce à la ballade qui le conclue. L’année suivante, le second album du groupe, Tarkus, fut un véritable album-concept prog. Le 1er morceau de 20 minutes en est le fleuron, mais c’est le titre « Bitches Crystal » que j’ai sélectionné.

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Camel représente une version à la fois plus blues/rock et plus psyché du prog, ces membres sont issus de l’École de Canterbury, beaucoup plus obscure aux yeux du grand public, qui voit depuis le milieu des 60s quelques groupes, se partageant souvent les mêmes musiciens, expérimenter un jazz rock free, psychédélique, parfois très barré (Soft MachineGong puis dans les 70s CaravanNucleus). Pour compléter le paysage, alors que je n’ai ici sélectionné que des groupes anglais, il y avait également à cette époque une scène en Allemagne qui s’est elle-même qualifiée de krautrock pour se différencier de la scène anglaise (Can, Popol Vuh, Klaus Schulze, Faust, Kraftwerk, Tangerine Dream, Amon Düül II, Ash Ra Tempel) et plus axé sur l’expérimentation à base de synthétiseurs, le psychédélisme et les sonorités ambiantes. Il y eut également des scènes prog en France (Magma, Ange), en Italie (Goblin, Museo RosenbachLe Orme, Premiata Forneria Marconi) et en Amérique (principalement Kansas et Rush).

L’album Mirage en 1974 est le plus gros succès du groupe, qui propose une musique alambiquées mais plus accessible. Autre succès avec en 1975 le concept album The Snow Goose qui propulse le groupe au top des ventes d’albums. Les 2 morceaux choisis sont sur ces albums.

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Ce qui a fait le succès du Genesis première période, la dramaturgie, les réminiscences folkloriques et la voix théâtrale et britannique de Peter Gabriel, la connexion entre les parties de guitare de Steve Hackett et les claviers de Tony Banks. Le groupe atteint son apogée avec Selling England By the Pound en 1973, avant que le charismatique leader du groupe Peter Gabriel le quitte en 1975. Genesis continuera avec leur batteur Phil Collins au chant, et réussira à créer un autre album remarquable, A Trick Of The Tail, avant de sombrer dans une simplification outrancière de leur musique qui leur valut également le succès auprès du grand public. Les 2 morceaux que j’ai choisi sont tirés des albums cités, j’ai personnellement un peu de mal avec la voix de Peter Gabriel, son accent exagéré, son ton maniéré, je préfère à vrai dire Phil Collins qui chante sur le 2ème morceau.

Genesis représente assez bien les travers du rock progressif, les paroles farfelues, les albums concepts, le cirque scénique, l’habillement délirant, autant d’angles d’attaque pour ses détracteurs. Arrive rapidement fin 70s la période punk, genre pensé comme l’opposé musical du rock progressif qui récupère le devant de la scène et rejette ce dernier, ayant il est vrai sombré dans la démesure, dans un oubli momentané. Quelques groupes poursuivirent quand même chacun à leur tour l’oeuvre des précurseurs des 70s, Queensrÿche, Marillion, Dream Theater et les années 2000 ont certainement vu un revival du genre, avec toute une série de groupes réunis sous le terme néo-prog et le metal progressif qui repris l’ouverture d’esprit du rock progressif appliqué à une musique plus dure.

English Progressive Rock 70s by Jonben on Mixcloud

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Chroniqueur

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Krakoukass et moi avons décidé de créer Eklektik en 2004 suite à mon installation à Paris, alors que disparaissait le webzine sur le forum duquel nous échangions régulièrement, ayant tous deux un parcours musical proche entre rock et metal, et un goût pour l'ouverture musicale et la découverte perpétuelle de nouveautés. Mes goûts se sont affinés au fil du temps, je suis surtout intéressé par les groupes et styles musicaux les plus actuels, des années 90s à aujourd'hui, avec une pointe de 70s. J'ai profité pendant des années des concerts parisiens et des festivals européens. J'ai joué des années de la guitare dans le groupe Abzalon. Mes styles de prédilection sont metal/hardcore, death technique, sludge/postcore, rock/metal prog, avec des incursions dans le jazz fusion et le funk surtout, depuis une île paumée de Thaïlande. 

jonben a écrit 528 articles sur Eklektik.

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