Déjà quatre ans que l’on attend une suite à Lines Breaking Circles, premier album torturé du trio lavallois As We Draw. Si leur postcore leur permettait jusqu’alors de ravir les fans de Cult of Luna comme ceux de Breach et Will Haven, il manquait tout de même encore un petit quelque chose à As We Draw pour les faire basculer dans l’aura de leurs collègues Birds In Row. Un petit quelque chose qui ressemblerait à des Mirages ?
Ce nouvel album s’ouvre sur The Window, titre de quasiment 11 minutes nous présentant As We Draw cuvée 2014: une progression contemplative évoluant dans un paysage faussement paisible. Comme il est coutume chez le trio lavallois, de très nombreuses idées viennent s’articuler autour de cette base, multipliant les (fausses) pistes. D’accalmies intimistes à de fabuleuses montées en puissances jusqu’à l’explosion cathartique tant attendue. Sur ce titre, le style se voit respecté à la lettre mais agrémenté de subtilités comme l’usage d’un synthé discret (un mirage, lui aussi ?) contribuant à l’atmosphère douce-amère ainsi que de plans de guitare/basse aussi inventifs que déroutants. Bref, en un seul titre, la barre est déjà placée très haut !
La durée des morceaux suivants redevient ensuite plus conventionnelle mais ce n’est pas pour autant que As We Draw va tomber dans un modèle couplet-refrain facile, bien au contraire. Le power trio aime en effet alambiquer son propos, multiplier les plans partagés entre frénésie acérée et sérénité aérienne (et bien souvent faire se télescoper ces deux visages). Une densité qu’on leur connaissait sur leurs précédents efforts mais qui fonctionne toujours aussi bien. Cependant le groupe se permet d’intéressants contrepieds comme par exemple pendant Fata Morgana à l’intro plutôt douce, pas vraiment annonciatrice de la puissance émotionnelle qui va suivre: les hurlements (et même un petit passage en voix claire) accompagnant parfaitement la rythmique hachée de ce titre un peu à part.
Mis à part ce titre ainsi que les courtes respirations atmosphériques (Blackout, Acceptance), les autres Mirages demandent un sacré investissement de la part de l’auditeur se prenant en pleine poire les incessants enchainements de plans à la densité telle que s’y perdre devient inévitable. Mais voilà, il y a deux sortes d’album dans lequel se perdre: l’album trop introspectif et/ou branlette devant lequel on restera forcément hermétique, et l’album où l’égarement n’est pas si important puisqu’au fil des écoutes, les difficultés d’écoutes s’amenuisent, l’ensemble en devenant, lentement mais sûrement, compréhensible. Mirages fait partie de cette seconde catégorie.
Tels de vrais mirages, ces onze nouveaux titres d’As We Draw nous apparaissent d’abord comme trop flous pour y distinguer quelque chose d’évident. Mais au-dessus de cette densité se déchiffrant petit à petit, il y a cette ambiance qui t’agrippe et qui ne te lâche plus. La persévérance fait ensuite ses preuves, ces mirages cachant finalement une oasis de toute beauté. Une oasis qui s’appelle Laval, ville définitivement pourvoyeuse du meilleur de la scène hardcore française.
- The Window
- Losing Ground
- Blackout
- Blackmail
- Fata Morgana
- Denial
- Acceptance
- Fata Bromosa
- Panic
- Shipwreck
- Limbo