Interview with Porta Nigra

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Annee de sortie: 2015

[:fr]

J’ai eu l’opportunité de m’entretenir avec Gilles de Rais, guitariste et fondateur du groupe allemand Porta Nigra, à l’occasion de la sortie de leur nouvel album Kaiserschnitt.

Tout d’abord, salut ! Es-tu heureux des retours que vous avez reçus sur Kaiserschnitt jusqu’à présent ?

Gilles de Rais. Bonjour madame. Les élitistes des scènes black et death metal considèrent notre nouvel album comme étant bizarre et gay. Les gauchistes le qualifient de nationaliste et les cinglés de droite nous voient comme une sorte de groupe de punk qui a d’une certaine manière trahi leur Empereur Guillaume adoré. Pour moi ça ne pourrait pas être mieux.

A côté de ça, on a eu des chroniques vraiment extraordinaires, bien pensées et créatives.

 Il y a eu une sacrée évolution dans votre musique depuis Fin de Siècle. Comment expliquerais-tu la différence entre les deux albums ? Avez-vous changé d’influences ?

GdR. Je laisserai ces explications-là aux chroniqueurs, tu es bien mieux placée que moi pour répondre à cette question. Pour les influences : les chansons de Kaiserschnitt ont été écrites peu de temps après le 1er album donc je ne pense pas qu’on ait eu de nouvelles influences musicales. Globalement, je décrirais l’album comme plus « sobre », peut-être moins sombre que le premier mais du coup plus honnête et osé.

 Appeler un album « césarienne » est un sacré parti-pris en soi. Dirais-tu que la naissance de l’album a été difficile ?

GdR. Kaiserschnitt ne veut pas seulement dire césarienne en allemand, c’est aussi un jeu de mots. « Kaiser » veut dire empereur et « schnitt » coupure. Comme le dernier empereur allemand est né par césarienne et que cela l’a laissé handicapé, on a pensé que ce serait un bon titre pour l’album. Son handicap est considéré par certains historiens comme une des raisons pour son agressivité politique. Une idée fascinante : le plus gros désastre d’un siècle (et qui a eu pour conséquence la 2é guerre mondiale) a commencé par une naissance difficile…

L’album en soi a vu le jour de manière très facile. En fait, on avait déjà les bases quelques semaines après la sortie de Fin de Siècle. Il ne nous restait qu’à réunir des fonds et O. devait travailler son chant clair pour qu’on puisse enregistrer exactement comme on voulait.

A propos de votre processus de composition : par quoi avez-vous commencé ? Qui a fait quoi ? Comment décrirais-tu la dynamique créative entre vous deux ?

 GdR. Je suis plus le “penseur”, le gars qui fait les plans et élabore le concept. O. est très intuitif et étant le meilleur musicien de nous deux il est celui qui assure la performance même dans les situations de stress en studio quand le temps est compté. Nos quelques talents sont très complémentaires.

Etes-vous des fans d’histoire ou est-ce que les thèmes que vous avez choisis pour vos deux albums ont plus à voir avec une appréciation esthétique du passé/déception par le présent ?

GdR. Je décrirais cela comme une sorte de voyage dans le temps. Quand tu lis un vieux livre et que tu ressens une connexion avec les sentiments qu’un auteur a exprimés il y a longtemps, c’est une expérience extraordinaire. Cela montre que tout marche par cycle. Peu importe que tu vives dans un monde avec facebook et des smartphones ou dans un monde où les gens communiquent en s’envoyant des lettres, l’amour reste l’amour et la haine reste la haine. Le désespoir, la peur, la décadence comme l’excitation et le bonheur sont parties intégrantes du cosmos humain et les raisons pour lesquelles on ressent ces émotions ne changeront jamais. Du coup ça ne fait pas vraiment de différence si j’écris à propos de ma vie de tous les jours ou si je m’inspire des pensées d’un auteur mort depuis longtemps pour m’exprimer.

Bien entendu, il y a un intérêt esthétique à tout ce que nous faisons. On est toujours à la recherche de motifs et d’images peu communs. J’imagine que notre musique est plutôt « visuelle ».

Vos paroles ont une qualité très littéraire, elles semblent être particulièrement importantes pour toi. As-tu choisi d’écrire en allemand pour des raisons de sonorité ? Les paroles ont-elles été écrites tout spécialement pour se fondre avec la musique ou bien ont-elles été écrites indépendamment de/avant la musique ?

GdR. La musique est la scène et les paroles la pièce, pour ainsi dire. Des paroles spéciales nécessitent une « mise en scène » spécifique par des riffs et vice versa. Ca dépend vraiment.

Non, pas pour la sonorité. En fait, O. chante beaucoup mieux en anglais et il aurait préféré chanter plus en anglais, si ce n’est que pour la forme. Mais l’allemand est ma langue maternelle et je m’exprime tout simplement mieux en allemand. Il y a plusieurs niveaux de lecture dans mes paroles, des jeux de mots que tu ne peux pleinement comprendre que si tu es natif allemand. Je ne sais pas comment on va faire pour les prochains albums, passer en anglais pour des raisons musicales ou rester en allemand. Tout est possible.

 Les thèmes féminins sont assez présents dans vos paroles et pourtant votre musique sonne très masculine donc pourquoi toutes ces références aux femmes dans les paroles et titres ?

GdR. Ça peut sonner un peu guimauve mais la tension entre les hommes et les femmes restera éternellement la source des événements les plus intéressants de nos vies.

 Comment avez-vous eu l’idée pour la pochette de Kaiserschnitt? Avez-vous dit à Metastazis ce que vous vouliez ou lui avez-vous laissé carte blanche pour créer ce qu’il voulait ?

GdR. Je pense qu’il serait honnête de dire que ça a été un travail d’équipe. On s’entend bien. Evidemment au final il est le seul responsable de la création en elle-même. Je pense qu’il aime faire des choses peu communes, tout comme nous. Même si peu de gens vont apprécier ou aimer.

 Il y a changement de son prononcé (surtout sur la batterie) entre votre 1er album et celui-ci : tout sonne plus direct mais moins organique. Etait-ce un choix délibéré ? Si oui, pourquoi ?

GdR. Là je ne suis pas d’accord. Je pense que la batterie sonne beaucoup plus organique et on a beaucoup travaillé la production, on est allés dans un gros studio etc. Sur le premier album le son de la batterie était beaucoup plus retravaillé. Mais toute opinion sur le sujet est valide, bien entendu ;)

En écoutant l’album j’ai eu une forte impression de retenue/tension, surtout dans le son et dans la manière de jouer les guitares. Dans l’ensemble, Kaiserschnitt semble être un album sur le conflit : la guerre, bien entendu, mais aussi le conflit homme/femme et les conflits intérieurs comme le montrent Ich Zerfall ou Hepatitis Libido. D’abord, est-ce que tu es d’accord avec ça ? Si oui, pourquoi avoir choisi de garder l’album sur le fil, prêt à imploser, plutôt que de libérer la tension ?

GdR. Je n’y ai jamais pensé de cette manière-là mais si c’est ça que tu entends, alors je pense que c’est un reflet de notre état d’esprit et de notre personnalité. Peut-être qu’il y a pas mal de tensions dans nos vies qu’on n’arrive pas à désamorcer correctement. Il n’y avait pas de plan d’ensemble pour faire un album spécifiquement « nerveux ». Je suppose qu’en général la plupart des choses en musique ne répondent pas à un plan spécifique, elles arrivent comme ça. Cependant, tu pourrais trouver une vérité cachée dans toute cette anarchie si tu écoutes attentivement.

A l’avenir, allez-vous continuer dans la même veine thématique ou allez-vous explorer d’autres périodes de l’histoire ? Etes-vous en train de travailler sur des nouveaux morceaux ? Aimeriez-vous faire des concerts ?

GdR. Tout est possible. Il est très probable qu’il y ait un changement de direction plus ou moins important dans notre musique à l’avenir. On a choisi de ne pas être une marque comme Coca-Cola avec qui tu sais toujours à quoi t’attendre. On va rester imprévisibles (j’espère).

 Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me répondre, les derniers mots sont à toi.

GdR. Merci pour ton intérêt pour le groupe et nos opinions. On a été très touchés par la qualité des chroniques et des retours qu’on a eus sur l’album. Ça montre qu’il y a encore beaucoup de gens qui se jettent à corps perdu dans de nouvelles musiques pour rendre cette vie plus aventureuse. Je pense vraiment que tu en fais partie. Pour les autres : si vous aimez l’album, jetez un œil au digibook, c’est un très bel objet. Il nous reste des exemplaires donc vous pouvez nous envoyer un mail à aborym[at]gmx[dot]net. Salutations.

[:gb]

I had the opportunity to have a talk with Gilles de Rais, guitarist and founder of the German band Porta Nigra, about the release of their new album Kaiserschnitt.

  • Well, first of all, hi! Are you happy with the feedback you’ve received on your new album Kaiserchnitt so far?

Gilles de Rais – Bonjour madame.

The black and death metal elitists consider our new album as weird and gay, the political left fundamentalists label it nationalistic and the right wing freaks see us as some kind of punk band that somewhat betrayed their beloved Kaiser Wilhelm. It could not be any better.

Besides that, we received quite some really overwhelming reviews. Well thought-out /written and creative.

  • There’s been quite an evolution in your music since Fin de Siècle? How would you explain the difference between the two albums? Has there been a change in influences?

GdR – I would really leave explanations like that to the critics. You are by far a better person to answer that. About influences: The songs were made pretty soon after the first album, so I don’t think there has been new influences musically. In general I would describe the album as more “sober”, maybe not so dark as the debut but therefore more honest and brave.

  • Naming an album after a C-section is quite a statement in itself, would you say Kaiserchnitt’s birth has been difficult?

 GdR – “Kaiserschnitt” not only means C-section but is a quite difficult wordplay in the German language. “Kaiser” means emperor and “Schnitt” means cut. As the last German emperor was born under the circumstances of a C-section, which made him a cripple, we thought this might be a fitting album title. The handicap of the emperor was seen by some historians as one reason for his political aggression. A fascinating idea: The disaster of a whole century (the first and in consequence the second World War) started with a complicated birth…

The album itself came up very easily. In fact the basics were ready a few weeks after the release of “Fin de Siècle”. We only had to collect some money and O. had to work on his clean vocals so we could record the album the way we wanted it.

  • I was wondering about your composition process: what did you start with? Who did what? How would you describe the work dynamics going on with the two of you?

GdR – I am more the “thinker”, the guy who is making the plan and overall concept. O. is very intuitive and I think the better musician who can bring the necessary performance even in a stressful studio-situation with the clock ticking. Our few talents complement pretty well.

  • Are you two history nuts or do the themes you chose for your two albums have more to do with an aesthetic appreciation of the past/disappointment in current times?

GdR – I would describe it as a sort of “time traveling”. When you read an old book and you have the feeling that you really can relate to the feelings an author expressed many years ago, that’s pretty mind-blowing. It shows, that everything goes in cycles. It doesn’t matter if you live in a world with facebook and smartphones or in a world where people communicated via letters. Love remains love, hate remains hate and despair, fear, decay as well as excitement and joy are part of the human cosmos. And the reasons why those emotions occur will never change. So it doesn’t really matter if I write about my daily life or if I take the thoughts from another long dead spirit to express myself.

Of course there is an aesthetic interest in all what we do. We are always searching for unusual motives and pictures. Our music is pretty “visual” I assume.

  • Your lyrics have a very literary quality, they seem to be very important to you. Did you choose to write in German for sonority’s sake? Were the lyrics especially crafted to fit the music or were they written independently/before the music?

GdR – The music is the stage and the lyrics the play so to speak. Specific lyrics demand a special type of “stage-setting”/riffs and vice versa. It really depends.

Not for reasons of sonority. In fact O. can sing way better in English and only for the musical shape he would have liked it more to sing in English. But German is my mother tongue and I simply can express myself better with it. There are also various levels in the lyrics, a play with words you only can fully understand as a native German. I don’t know how we will handle it in the future. Going for musical reasons to English or stay with German. Everything is possible.

  • Feminine themes are quite noticeable in your lyrics, yet the music in itself sounds very male so what’s with all the references to women in the lyrics/song titles?

 GdR – It might sound cheesy, but the tension between both sexes will forever remain the root for the more interesting things that are going on in our lives.

  • How did you come up with the artwork for Kaiserschnitt? Did you tell Metastazis what you wanted or did you give him a free hand to create whatever he felt like?

GdR – I think it’s fair to say that it was a teamwork. We have a pretty good connection. Of course in the end he alone is responsible for the realization. I think he likes to do unusual stuff, just like we do. Even if not many people will appreciate or like it.

  • There’s a definite change in sound (especially drums) from the last album: everything sounds more direct but less organic, was it a deliberate choice? If so, why?

GdR – I have to disagree. I think the drums sound way more organic and we put a lot into the production, like going into a big studio etc. Drums on the first record have been far more embellished. But of course, every opinion is legitimate ;)

  • While listening to the album I got a pretty strong impression of restraint/tension, especially in the sound and the way you play your guitars. Overall, Kaiserschnitt seems to be an album about conflict: war of course, but also male/female, and inner conflicts as demonstrated by Ich Zerfall or Hepatitis Libido. First, would you agree with this statement? If so, why did you choose to keep the album on edge, close to bursting, and not release the tension?

GdR – I never thought about that but if you hear something like that I think it’s a reflection of our mindset and personality. Maybe there are a lot of tensions in our real life that do not find its proper release. There was no masterplan to make an album “on edge”. In general I assume most things that happen in music are not planned but simply happen. But in this anarchy you might find some hidden truth if you listen carefully enough.

  • In the future, will you continue in the same thematic vein or do you want to explore different time periods? Are you working on new material? Do you want to play live, why or why not?

GdR – Everything can happen. It’s most likely that there will be a more or less drastic change in our music. We have chosen not to be a brand like Coca-Cola, where you always know for sure what to expect. We will remain unpredictable (I hope).

  • Thanks a lot for taking the time answer these, the last words are yours.

GdR – Thank you for your interest in the band and our thoughts. We have been overwhelmed by the quality of the reviews and the stuff that was written about the album. It shows that there are still a lot people who really dive deep into new music to make this life a bit more adventurous. I think you definitely belong to that group. To the rest: If you like the album, check out the physical copy which looks pretty nice. We still have some copies left, so drop us a mail at aborym[at]gmx[dot]net. Salute.

[:fr]

Chroniqueur

Ennoia

Amatrice de chats, de zombies, de littérature, de black metal en particulier et surtout de musique en général.

Ennoia a écrit 34 articles sur Eklektik.

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Commentaire

  1. EsperalemTkane says:

    Merci beaucoup pour cette interview

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