Deftones – Gore

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Style: Doom RockAnnee de sortie: 2016Label: RepriseProducteur: Warner Bros

Oh que ces flamands roses ont pu me tourmenter! J’ai douté, je le confesse, douté de ce qui est pourtant probablement mon groupe préféré. On a traversé les années ensemble, grandi ensemble, évolué, on s’est aimé, même si on a parfois pris un peu de recul (avec l’album éponyme, que je commence cependant à réhabiliter quelque peu) pour mieux se retrouver (dès le suivant, Saturday Night Wrist). Même si l’album précédent des américains, Koi No Yokan, avait lui aussi demandé des écoutes attentives avant de succomber, je n’avais encore jamais éprouvé cette étrange répulsion que j’ai ressenti à la première écoute de Gore.

Difficile d’expliquer pourquoi un tel sentiment de rejet de prime abord, d’autant qu’après plusieurs écoutes supplémentaires, le rejet s’est finalement transformé en passion absolue et viscérale. De la haine à l’amour il n’y a finalement qu’un pas, et ma relation avec Gore le prouve. Il faut dire que l’ouverture du disque n’aide pas, incarnée à mon sens par le morceau le plus faible de l’album (alors que le groupe a plutôt l’habitude de balancer du lourd dès le début) « Prayers/Triangle » que j’ai eu du mal à apprécier, la faute à un refrain pataud et pas très intéressant à mon sens.

Mais ce sont pourtant des Deftones fidèles à eux-mêmes qu’on retrouve en 2016 balançant toujours ce rock/metal puissant soutenu par la guitare massive de Stephen Carpenter, les vocalises passionnées de Moreno, les claviers discrets mais désormais indispensables de Franck Delgado, et la virtuosité d’Abe Cunningham derrière ses fûts.

Je ne suis pas le seul à avoir ressenti ce rejet… Car ce qu’on ne peut pas forcément deviner à l’écoute de ce nouvel album, c’est à quel point il fut un combat interne pour Stephen qui a depuis largement expliqué dans la presse qu’il lui avait été très difficile de s’impliquer dans un disque dans lequel il avait du mal à se reconnaître (puisqu’on sait que Carpenter est sans doute le plus amateur de metal et de gros sons dans l’équipe) et qu’il rejetait lui aussi initialement, jusqu’à envisager de ne pas y participer… Un combat donc pour exister, poser sa patte malgré tout : et le résultat est juste fabuleux, les riffs de 40 tonnes de sa 8 cordes sont tellement indispensables à la beauté et qualité de l’ensemble, que ce serait juste un cauchemar de l’imaginer jeter l’éponge et quitter le groupe. Il est le seul à pouvoir contrebalancer comme il le fait les penchants mélodiques des autres, et notamment de Moreno, qu’on sait influencé de longue date par la new wave, et qui aurait vraisemblablement à cœur de faire partir le groupe toujours plus loin dans cette voie. Mais Moreno a l’intelligence d’accepter le compromis et de laisser Carpenter exister aussi dans leur musique. Et c’est clairement la conjonction de ces personnalités et de ces goûts quelque peu antagonistes qui caractérise au plus haut point le groupe, ce qui fait LA personnalité globale du groupe, son ADN en somme. Ne vous avisez pas de venir foutre le bordel là-dedans Messieurs, on a besoin de tout le monde à bord pour continuer à recevoir les albums dantesques que vous pondez.

Et son combat, Stephen l’a tellement gagné, qu’à mon sens ce sont ses riffs qu’on retient dans un album pourtant hautement mélodique : à l’image de « (L)MIRL », un morceau qui commence en douceur et s’achève par des riffs énormes, qui font dire que par moments Deftones fait quasiment du doom rock maintenant. Idem sur « Gore », le morceau-titre, et avec « Doomed User », le morceau le plus agressif de la galette, sur lequel Chino hurle comme il sait si bien le faire, avec en arrière-plan (tendez l’oreille… écoute au casque recommandée) les claviers de Delgado qui posent l’ambiance. Ambiance qui devient pesante et complètement doom sur la dernière minute du morceau, quand le tempo ralentit et que Moreno hurle son dernier souffle.

Même sur un titre très mélodique (et superbe) comme « Phantom Bride » (sur lequel Jerry Cantrell vient poser un solo magnifique), le final s’alourdit là encore, et Carpenter change là encore le rock en doom. C’est aussi sur les riffs de Carpenter que l’album se termine sur « Rubicon », signe évident que Carpenter malgré son rejet de l’album, a réussi finalement à s’en imprégner et à lui donner l’agressivité et la lourdeur qu’il fallait pour le transcender.

S’il y a des titres qui sortent légèrement du lot après quelques écoutes comme les sombres et obsédants « Acid Hologram » et « Geometric Headdress », ou encore le plus direct « Pittura Infamante » et ses riffs diaboliques, Gore forme d’abord un tout cohérent et homogène, comme son grand frère Koi No Yokan. Sa fluidité et l’intelligence des enchaînements (le début magnifique et atmosphérique de « Hearts/Wires » qui suit « Geometric Headdress » en est peut-être le meilleur exemple, avec le démarrage de « (L)MIRL ») ne peut s’apprécier qu’en écoutant l’album du début à la fin.

Après le rejet, la passion donc, et le sentiment d’avoir affaire a minima au meilleur album de Deftones depuis… Koi No Yokan (et peut-être au-delà, l’avenir le dira). La constance dans la qualité. Pardonnez-moi d’avoir douté Messieurs, on ne m’y reprendra plus. Vous venez encore d’ajouter un chef d’oeuvre à votre impressionnante discographie qui figurera évidemment en bonne place dans le top de l’année. Fabuleux.

Tracklist :
1. Prayers/Triangles
2. Acid Hologram
3. Doomed User
4. Geometric Headdress
5. Hearts/Wires
6. Pittura Infamante
7. Xenon
8. (L)MIRL
9. Gore
10. Phantom Bride
11. Rubicon

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Commentaire

  1. jonben jonben says:

    Je ne suis franchement pas emballé de mon coté, Deftones se perdent petit à petit, il y a à peine quelques riffs corrects en tout, certains morceaux me donnent meme juste envie de zapper direct.

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