Dødheimsgard – Black Medium Current

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Style: Possiblement Avant-Garde Black MetalAnnee de sortie: 2023Label: Peaceville Records

La formation norvégienne Dødheimsgard ou DHG, qui se fait fort depuis plus de 20 ans de malmener le black metal traditionnel après l’avoir embrassé à plein sur ses premières oeuvres (Kronet Til Konge en 1995, Monumental Possession en 1996 et l’EP Satanic Art en 1998), est enfin de retour en 2023 (8 ans après son précédent album) avec une nouvelle offrande qui a tout pour devenir un nouveau mètre étalon du genre. De quel genre parle-t-on d’ailleurs ici, la question mérite d’être posée… Vicotnik (Yusaf Parvez de son vrai nom), leader de la bande, présente en tout cas sur Black Medium Current, une version beaucoup plus apaisée et étonnamment presque « facile » d’accès de DHG après le très complexe A Umbra Omega sorti en 2015. Mais cette facilité (relative) ne veut pas dire que le Norvégien a tiré un trait sur son goût pour les expérimentations et l’originalité : DHG reste en effet en 2023 un groupe qui défie une fois encore les lois de la catégorisation et des étiquettes.

Vicotnik a toujours su s’entourer notamment vocalement, et les chanteurs se sont succédés chez DHG, qu’il s’agisse de Fenriz (Darkthrone) aux tous débuts du groupe, en passant par Matt McNerney (Kvohst, anciennement chanteur de <Code>, autre groupe marquant dans le domaine black/avant-garde, et aujourd’hui leader de Grave Pleasures) qui officie sur Supervillain Outcast. Mais le vocaliste le plus emblématique à avoir officié chez Dødheimsgard est probablement Aldrahn, dont on retrouve les vocaux hallucinés et à la variété insurpassable sur les albums les plus côtés du groupe : Monumental Possession, Satanic Art, 666 International, ou A Umbra Omega. Or, sur ce cru 2023, Aldrahn n’est plus de la partie ce qui ne manquera pas de décevoir peut-être les fans du personnage. Mais on leur conseillera quand même de faire confiance au talent et à l’inspiration de Vicotnik, qui pour la première fois tient seul le poste de chanteur sur Black Medium Current.

C’est l’un des changements majeurs (même s’il poussait déjà la chansonnette par-ci par-là sur les précédents albums du groupe), bien que le norvégien ne révolutionne pas la recette DHG : il use toujours d’un chant théâtral (caractéristique accentuée par le chant en norvégien très largement présent sur l’album) dans la lignée de celui de ses prédécesseurs, souvent doublé par lui-même, alternant néanmoins les vocalises plaintives (à l’image du début très mélancolique de « Tankespinnerens Smerte ») ou beaucoup plus agressives façon black metal (sur le démarrage de « Tomme Kalde Morke ») et ce parfois au sein du même morceau (à nouveau « Tankespinnerens Smerte »). Son chant est complété par des chuchotements ou des chœurs du plus bel effet (à l’image de ces « ouhouhou » bizarroido phantomatiques qu’on trouve sur « Abyss Perihelion Transit »), qui viennent accentuer à la fois le côté étrange mais aussi mélancolique de nombreux passages.

Evidemment la musique extrêmement originale, avant-gardiste (si ce terme veut encore dire quelque chose) est toujours de la partie, ça tombe bien c’est exactement ce que l’on attend des norvégiens : l’électronique se marie donc toujours discrètement à l’organique (guitares et claviers) pour un résultat qui sonne comme du pur DHG, dans une version cependant bien moins « frénétique » que par le passé, avec quelques clins d’œil ou réminiscences évoquant ici le « Babouchka » de Kate Bush sur la fin de « Halow », le Tiamat de Wildhoney sur le début d' »Abyss Perihelion Transit » lequel convoquerait même presque l’esprit du Flamand Rose lui-même, le tout infusé à la sauce DHG évidemment. Sur « It Does Not Follow » on en vient même à penser de façon a priori improbable, au Faith No More époque King for a Day, avec notamment cette basse groovy en diable, complétée d’un synthé que n’aurait pas renié la bande à Patton.

Tout cela permet à l’auditeur de voyager beaucoup sur Black Medium Current, et diantre que le voyage est beau ! A l’image de cette petite mélodie de piano belle à pleurer sur la fin de « Et Smelter » (autour de la 7ème minute), qui s’enchaîne -n’oublions pas qu’on est chez Dødheimsgard- avec un passage presque cyber black metal, là où le procédé serait quasiment inverse sur « Tomme Kalde Morke » qui commence de façon brutal pour s’apaiser en cours de chemin. Ce côté mouvant, est un pattern récurrent chez DHG, et c’est encore le cas sur cet album, avec cette capacité qu’a le groupe d’enchaîner (parfois d’une façon qui peut paraître de prime abord assez abrupte) des passages et des ambiances très différents, tout en restant remarquablement cohérent et en permettant aux mélodies de revenir au moment le moins prévisible, pour poursuivre leur travail d’incrustation dans les cerveaux. Chaque morceau pourrait ainsi être cité en guise d’illustration (à l’exception de « Voyager » et « Requiem Aeternum » qui sont davantage des interlude ou pièce de conclusion, avec le piano pour maître d’oeuvre principal) : « Tankespinnerens Smerte » prend ainsi une tournure « mouvementée » après un démarrage très mélancolique, idem pour « It Does Not Follow » qui finit par s’enflammer et révéler son côté black après un début bien différent, pour même voir débouler en fin de titre, un passage dont la mélodie possède de faux airs Beatlessiens.

On ne poursuivra pas la démonstration en citant et décortiquant chacun des titres de l’album : ce serait entamer plus qu’il ne le faudrait le plaisir de la découverte, un plaisir qui s’incarne dans les écoutes répétées de l’album, d’abord nécessaires pour s’immerger dans l’oeuvre et bien en appréhender les tenants et aboutissants, puis simplement nécessaires pour jouir de cette musique aussi folle que belle, qui devient rapidement addictive.

C’est bien là le talent de Vicotnik, réussir à captiver près de 70 minutes durant et donner envie de revenir encore et toujours vers cette grande œuvre, probablement tout simplement le meilleur album de l’année à l’heure où j’écris ces lignes et peut-être bien (le temps le confirmera) le plus ultime chef d’œuvre des norvégiens.

Tout simplement magistral et indispensable aux amateurs de metal avant-gardiste et sophistiqué à la Arcturus ou <Code>, mais également recommandé à tout individu de bon goût, ayant l’esprit suffisamment ouvert pour accepter et embrasser la bizarrerie prodigieuse de Dødheimsgard.

Tracklist :
01 – Et Smelter
02 – Tankespinnerens Smerte
03 – Interstellar Nexus
04 – It Does Not Follow
05 – Voyager
06 – Halow
07 – Det Tomme Kalde Morke
08 – Abyss Perihelion Transit
09 – Requiem Aeternum

krakoukass

Chroniqueur

krakoukass

Co-fondateur du webzine en 2004 avec Jonben.

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