Aorlhac – Opus I

L’un des bons côtés d’Aorlhac, c’est que, bien que partageant avec le groupe un périmètre géographique sentimental, je ne suis même pas forcé de vous faire le coup du chroniqueur improvisé camelot qui vient placer quelques lignes à l’enthousiasme un peu gonflé pour faire plaisir au groupe de son village. Aorlhac n’ont pas besoin d’avocat bien intentionné. En matière de bons côtés, Aorlhac sont un polygone dont je n’arrive pas à quantifier le préfixe. Quitte à me montrer aussi expéditif que la guillotine qui fait du petit bois sur un de leurs meilleurs titres, je dirais que la musique [...]

Heirs – Alchera

“Le temps est nécessaire à l’homme pour assouvir sa personnalité” (Andrei Tarkovski)
Tous les groupes, toutes les musiques, fonctionnent selon un impératif bien précis par rapport au temps, cette unité insaisissable qui emmène les chansons vers le silence, défait leurs moments forts aussi sûrement que la mémoire les immortalise. Dans la plupart des styles contemporains, le rapport au temps est domestiqué par des segmentations solidement éprouvées, digérées et même attendues par les auditeurs. Dans d’autres styles plus rares, on sait tous desquels on parle, le temps n’est pas une donnée encombrante à mettre en conserves. Il n’est que ce [...]

Wolves In The Throne Room – Black Cascade

Quatre morceaux, encore… Les loups d’Olympia ont le sens du filon. Mais pas du recyclage. Trois albums, trois visions contrastées d’un même environnement sublime et imprenable. Diadem of 12 Stars, sanguin et progressif, était la contre-plongée utopique, le refuge de toutes les imaginations et de toutes les légendes. Two Hunters présentait ce monde de l’intérieur sous son aspect “touristique.” Tamisées par la sève, ses rages les plus extrêmes avaient l’allure de caresses. Les sous-bois laissaient filtrer une lumière apaisante. On pouvait se laisser dériver sans crainte.
Black Cascade reprend cette perspective, mais en construit en quelque sorte le négatif, [...]

Der Weg Einer Freiheit – Der Weg Einer Freiheit

Au chapitre des gros coups de tatane dans la fournaise assoupie des merveilles en jachère, un improbable duo venant tout juste de composter sa puberté aurait pu provoquer une secousse façon Richter. A un ou deux détails près. S’arrêter à l’aspect d’un album est parfois piégeux. Mais souvent ça suffit à brosser les contours avec une marge d’erreur raisonnable. Qu’avons-nous là ? Pochette paysagère : check. Monochromie : check. Logo réglementaire : check. Musiciens à la tronche de geek : check. Boîte à rythme : check. L’algorithme mouline trois dixièmes de seconde et affiche, le torse gonflé de certitude [...]

Cobalt – Gin

Du black metal pour des gens qui n’écoutent pas de black metal. Une description un peu cynique, souvent accolée à des groupes comme Cobalt, Wolves in the Throne Room, Nachtmystium, etc., qui n’ont plus de scrupule à fricoter avec des zones “fréquentables” des scènes indépendantes, que ce soit via leurs concerts ou leurs choix de collaboration. La mèche supplantant nettement la crinière sur les têtes venant s’agiter devant leurs récitals, il y a visiblement du vrai. Cela n’a jamais empêché le binôme de Denver, qui d’ailleurs ne tourne pas, de mordre à la jugulaire du conformisme avec une hargne [...]

Beherit – Engram

On a tous en tête plusieurs exemples qui auraient dû nous vacciner des come-back à tout jamais. Mais on a tous la faiblesse de replonger à la première occasion. Dès que s’avance le museau fripé de la légende, la poitrine se change en fourmilière. L’espoir vole l’apparence de la nostalgie. Dans quel ennui serait-on, d’ailleurs, sans ces petites déraisons.
Concernant Beherit, l’appréhension vis-à-vis de la qualité n’était pas la seule inconnue à l’équation. Il fallait encore que le groupe soit revenu de son orbite electro dézinguée qui, quoique très tolérable, avait largement rompu les attaches avec la nécropole grouillante [...]

Kerbenok – O

Est-ce l’héritage génique du romantisme ? Toujours est-il que le metal extrême le plus propice à la fuite vers les mondes perdus est souvent pangermanique. Le Celephaïs de Cryogenic, le Bitter ist’s dem Tod zu dienen de Dornenreich, le The Art of Dreaming de Golden Dawn… Des albums frappés d’un onirisme surpuissant ; chacun à sa manière, chacun avec ses références et ses visuels. Sur ce dernier point Kerbenok ne se foutent pas du monde. La gangue ornementale de cet album envahit les yeux et en transforme l’iris en piscine kaléidoscopique. Surfaces psychés, explosions végétales, arabesques déchiquetées, enchevêtrements [...]

Dictator – Dysangelist

Les tyrans sont toujours plus seuls au monde qu’on ne le pense. La toute puissance isole. Chypre aussi. Pas spécialement réputée pour être un vivier de groupes à gros son, la république insulaire doit s’apparenter à un désert sans oasis pour quiconque cherche à y monter un line up, a fortiori dans un style aussi exclusif que le doom, a fortiori funéraire.
Dictator est donc l’affaire d’un seul esprit, et d’un esprit seul à juger de l’éloignement duquel il s’époumone. Dysangelist est de la caste des œuvres pour lesquelles l’adjectif ‘extrême’ ignore la vulgarisation pragmatique qui en fait le [...]

Jóhann Jóhannsson – FordlâNdia

Si, ces dernières années, vous avez suivi de près ou de loin les diverses réalisations de Jóhann Jóhannsson, vous en savez plus que moi, qui le découvre ici. Compositeur de son Etat, qui est l’Islande, Jóhannsson pourvoit depuis déjà de nombreuses années les amoureux de créations chevauchant les frontières du néo-classique d’agrément et des musiques électroniques. Or, lassé sans doute des volcans assoupis et des banques en éruption, cet homme avait besoin de nouvelles latitudes sous ses partitions.
C’est ainsi qu’il les déplace jusqu’au Brésil profond, pour un étonnant concept sur Fordlândia, cette folle idée, signée Henry Ford, de [...]

Ars Moriendi – L’Oppression du Rien

Qui s’appelle Ars quelque chose prend un risque. On peut attendre des directions, voire des fulgurances. On ne fait pas de l’art, fût-il de la mort, sans montrer son âme à tout le monde. Heureusement Bastien, one-man man derrière ce projet montferrandais, n’a pas la confidence farouche. On peut même dire qu’en matière d’indices sur ses appétences musicales, ça dégorge. Sherlock Holmes en serait insulté.
Dans la continuité de ses démos et albums précédents, Ars Moriendi conserve comme aire d’ancrage une base black/doom, ce qui lui vaudra peut-être d’être assimilé à la scène black/doom. La façon dont les vocaux [...]