Wold – Screech Owl

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Style: black metalAnnee de sortie: 2007Label: Profound Lore

Dès les premières effluves du liquide noirâtre qui s’écoule des enceintes on le sait, Screech Owl ne sera certainement pas un album facile à écouter, derrière la première salve de barbelés aussi tranchants que des rasoirs, on sait que le sacro saint refrain ne viendra pas délivrer le populo pour un tour de franche communion, autour de paroles facilement assimilables; génératrices de grandes envolées et d’émancipation conditionnée sur chaque pièce de l’album.

Dès « An habitation of dragons and a court for owls », premier titre du disque, Wold revient plus furieux que jamais. Là où son prédécesseur appuyait le trait de caractère, le nouvel album gerbe sa corrosion marquée par l’avènement de l’indicible, de l’abrasif exil.
La nature de Screech Owl est insoupçonnable au premier abord, ô certes LOTMP (la « Lodge of the Mytho-Poetic ») avait par le passé déjà entamé la purification par le feu de sa poésie, de nos chers conduits auditifs; exerçant avec un certain brio l’expérience de faire de la musique un terrain d’expérimentations assez singulier pour trouver écho auprès des amateurs de noirceur et de bizarreries en tout genre. Assez confidentielle expérience, mais elle avait donné à certains l’envie de suivre l’histoire en marche.
Le caractère Lo-Fi de Wold n’est plus sur Screech Owl une révélation, mais un témoin de ce qu’engendre une telle recherche.
Car il faut bien le reconnaître, la musique est avant tout une affaire de musiciens qui se cherchent, et quand ils se trouvent généralement nous sommes les premiers à les accueillir dans leur consistance et leur nature.
Wold c’est un son, un son qui fait écho à la profondeur de l’impalpable, dématérialisé et pourtant dense et féroce, accrocheur et crystalin malgré son usure grossière et son gras dégoulinant sur les pans de murs accoustiques qui servent l’espace des canadiens et de leurs instruments. Il n’est pas question de destruction à travers le synopsis de Screech Owl, mais plutôt de cette lente érosion, asphyxiante, où tous les points de vue se mêlent pour sortir du simple postulat manichéen.
La musique de Wold n’est pas bonne ou ne s’en donne pas l’air, elle n’est pas non plus mauvaise même si elle peut sembler s’en attribuer les codes, elle est juste là, présente, tapie, puante et génératrice de vide ou de trop plein, nauséabonde dans sa parure insalubre mais jamais ordurière, complètement à propos, glissant dans l’air comme venue du début des temps, primitive et nuancée, dans un souffle qui semble avoir remonté le temps pour venir exploser dans l’atmosphère. Elle est précise, focaliste et hypnotique; rituelle, passés les premiers barrages, elle devient alors aérienne et légère aussi surprenant que cela puisse paraître…

 

 

Odieuse musique, forte, se suffisant à elle même, nihiliste dans son essor, Screech Owl apparait alors comme une volonté, une affirmation, un plein d’égo lubrique dans le paysage musical, ne sacrifiant pas à une esthétique plus commune dans l’underground, mais jouant tout de même sur ses terres, c’est un choix conscient du groupe, qu’il avait déjà entamé en formant LOTMP, un caractère qui lui a valu les plus bêtes fabulations.
Musicalement on peut très bien rapprocher certaines pistes de cet album d’un Sunn O))) par exemple sans que cela n’ait d’incidence sur la singularité du disque.
« A sword becomes red by fury » laisse échapper une odorifiante substance dans l’air, de ce substrat crépitant sortent les atomes noirs du Drone dans sa substance vibrante et metallique. Oui je dis aucune incidence, car il sera évident pour les amateurs que le rapprochement peut être fait, à l’écoute du disque cependant vous remarquerez que les chemins divergent, le lourd et encombrant fardeau du doom dronien de O ))) ne semblant pas être la seule vocation et la seule envie que Wold entend poursuivre à travers sa musique, il reste cependant que l’accoustique et le goût pour cette absorption distante par le flux et le reflux trouvent le même écho chez les deux groupes, monolithique de la perception diraient certains, étalage fondateur diraient d’autres…

Wold frôle l’indus mais jamais ne se laisse emporter par le flot, l’emploi des boites à rythmes étant toujours absorbé par l’aquatique chaos de sons en mouvement dans un vortex de bruits affamés, prêts à dévorer sans une once de regret la moindre seconde d’inattention. C’est donc dans ce magma noir aux ampleurs parfois synthétiques que se fractalisent les résonances éclaboussantes, taillées dans le vif par les shriek de Fortress Crookedjaw, on est bien loin des prémices indus d’un Sort Vokter ou d’un Dodheimsgard, il n’y a qu’à écouter « I’m the Chisel » pour s’en rendre compte.
Féroce et instransigeant, indomptable, Screech Owl se calfeutre dans l’abris où il se sent le plus sûr, là ou personne ne viendra parler de plagiat ou de simple bis ou énième maillon de la chaîne sans saveur. Né sous le signe de la double ascendance minérale et électronique, l’album accomplit le tour de force de scander dans une veine naturelle et organique ce que la machine ne parvient pas à dire et inversement.
C’est au travers d’un certain point de vue, de ce goût de la contemplation obscure par l’infini, d’une atmosphérique paradoxale mais que l’on peut affilier à un certain penchant de la scène américaine pour le genre, Leviathan en tête (ne pas croire que la musique du groupe se rapproche de celle de Leviathan ce n’est pas ce que j’ai dit); que se décante la saveur de l’album, dur comme la pierre, aussi rétif qu’un Ganzmord (pensez à Purity of Stone) et hypnotique qu’un Abruptum, Wold ne cache pas ses origines, son admiration pour les grands espaces, et une quasi liberté de ton dans ce black metal redimensionné à la démesure de l’instant, indiens de la pierre et du verbe électrovibrant, farouches expérimentateurs à l’écart du monde urbain, on ne sait plus trop bien.
Les guitares font pleuvoir des murs de cordes, les hallucinations apparaissent derrière chaque oscillation, les cascades assourdissantes se dessinent dans le vacarme des basses sursaturées tournoyant dans cette apocalypse sonore majestueuse, farouche, au décor intransigeant, ragaillardi par l’urbanisation de l’outil, branche invisible de l’évolution naturelle, outil de propagande de l’abscons dans la taille de l’écorce musicale, amoindri par les vapeurs d’eau, presque assimilé au paysage et à sa force. C’est dans cette tectonique aqueuse, douloureuse et relevant d’un certain panache, que la chouette prend son envol.

Il ne servirait pas à grand chose de psalmodier sur les goûts et les couleurs de chacun, sachez qu’en matière de Black il existe un groupe du nom de Wold qui a sorti cette année 2007 Screech Owl, ne cherchez pas le blast, ne cherchez pas le riff qui tue, vous ne le trouverez pas, ne cherchez pas le break, le refrain ou la grand messe solennelle du malin que l’on vous offre chaque dimanche elle est bien loin, derrière les arches, aux portes du désert des conventions, si vous faites le premier pas, peut-être qu’une ombre bienveillante voudra vous draper le front et vous épargner les brûlures qui vous attendent derrière la première dune. « Gather Under Her Shadow ».

 

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9 Commentaires

  1. dah-neir says:

    La voilà cette fameuse chronique. Alors plusieurs choses a dire sur le sujet:
    Primo, a la première ecoute j’ai verifié le cablage de ma chaine, pensant que le cd deconnait. Chose qui ne m’étais jamais arrivé à l’écoute d’aucun disque. Ensuite c’est un sentiment d’agression permanente à laquelle je n’ai pas (encore) reussi a faire face. Mais a la lecture de cette chronique je vais poursuivre mes efforts. En tout cas, rarement vu un disque aussi hermétique. Et dieu sait que sa pochette cache bien son jeu avec son piti fantome tout mignon dans sa foret (marais?). Excellente chro en tout cas Guim

  2. guim says:

    @Saeh : héhé ouép c’est aussi ce que je t’avais conseillé au départ vu l’ampleur de la furreur de S.O;ne pas croire au passage que LOTMP est une partie de plaisir (par contre moi je l’ai trouvé un poil plus accessible que S.O comme quoi..),je dis ça aux amateurs qui passent par là,mais j’ai préféré,égoïstement,chroniquer le cd que je préfère du groupe.Merci,en tout cas, pour ton commentaire Atä,à noter qu’on peut aussi trouver sur le net la démo tape Badb qui dégage aussi un fumet des plus ignobles.
    @Dah : J’espère que tu poursuivras tes efforts!et même si tu n’apprécies que modérément j’espère que tu entreverras ces passages doux et aériens comme Saeh le faisait aussi remarquer c’est à mon sens ces moments qui font basculer l’écoute du disque dans une optique inespérée.

  3. guim says:

    Plus simple : Ecoutez Wold.Laissez infuser et passez à l’étape suivante : Ecoutez Wold.On peut très bien écouter Zyklus sans avoir à passer par Andacht ;) .Après c’est à chacun de voir comment il envisage les choses.Les Deux albums sont très recommendables de toutes façons n’est ce pas ? (Zyklus et Andacht aussi héhé)

  4. krakoukass Krakoukass says:

    Evidemment sans surprise, ce n’est pas du tout ma came… Et dire que je me plaignais du son de « Nattens Madrigal »… A côté de celui de Wold, c’est pourtant du Tue Madsen! :)

  5. guim says:

    C’est clair on est encore plus loin que Nattens,là c’est plus du Ulver meets Merzbow on lysergik streets ;)

  6. Ellestin says:

    Ca m’intéresse, merci pour le tuyau!

  7. guim says:

    Ton avis sur la chose m’intéresse aussi héhé

  8. Nocturnalpriest says:

    Excellente chronique, tout aussi allumée que cet album.
    J’ai beau avoir une discothèque bien fournie en atrocités noirâtres, il faut bien reconnaître que Wold remporte la palme de l’ignoble.
    Ce rituel noise/tribal aux distortions poussées à leur paroxysme finit par envenimer l’âme de l’auditeur qui, comme le dit bien Guim, devra avoir assez de courage et de patience pour affronter l’ignoble rideau de barbelé qui restreint l’accès à ce disque, mais lui confère également un charme unique. Les morceaux forment un magma dronisant, déchiquetté par des cris métalliques et possédés.
    A réserver aux plus grands masochistes, qui ne tarderont pas à y prendre un plaisir certain ;-)

  9. guim says:

    Voilà un bel atroupement de pervers,pour l’instant trois,mais qui sait… héhé ;)

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