Depuis la sortie de Miss Machine il y a déjà 3 ans, the Dillinger Escape Plan a connu une passe difficile qui leur a vu perdre un guitariste, Brian Benoit, souffrant de problèmes nerveux dans la main, et surtout leur exceptionnel batteur Chris Pennie, membre fondateur du groupe, parti en court d’enregistrement rejoindre curieusement le groupe Coheed and Cambria. La bande à Ben Weinman avait donc du pain sur la planche entre le recrutement de nouveaux membres et la composition, d’autant qu’ils étaient attendus au tournant. Précurseurs du mathcore, Dillinger est devenu un des groupes les plus marquants de ses dernières années, et est à l’origine de nombreuses vocations de groupes reprenant leur style de metal/hardcore violent, rapide, technique, destructuré. Le groupe a depuis 10 ans toujours eu l’ambition de faire évoluer la musique en général, de proposer quelque chose de neuf à chaque album, repousser les frontières entre l’audible et le génial… est-ce que ce Ire Works répond à ces exigences?
On comprend rapidement que Dillinger est bien parti pour nous démontrer qu’il compte toujours être un électron libre et s’éloigne ici encore plus de la musique que paradoxalement beaucoup de groupes influencés par leurs premiers albums jouent. La violence et le chaos sont toujours de mise, le groupe n’a pas du tout perdu de sa rage et sa folie, mais il l’exprime musicalement par d’autres biais. Aucun morceau d’Ire Works ne risque de pouvoir être qualifié de pop, aucun ne peut raisonnablement être écouté au boulot sans subir les regards interloqués de vos collègues, tous présentent cette patte reconnaissable. Dillinger Escape Plan propose toujours une musique détonnante à la folie sous-jacente, aux rythmiques cahotantes, aux guitares acérées, leur musique est toujours aussi créative, intense, maniaque, proposant une profusion de sons divers, toujours aussi difficile à cerner et à assimiler, mais de nouveaux éléments s’y imbriquent petit à petit, éléments mélodiques qui rendent leur musique plus digeste.
Ire Works n’est pas le genre d’album qui s’appréhende facilement, il faut débusquer dans cet assemblage hétéroclite de morceaux en majorité assez courts (5 font moins de 2 minutes) les moments de génie. L’album débute en trombe avec « Fix Your Face », morceau chaotique caractéristique du groupe, du genre à hérisser les cheveux sur la tête dans des spasmes d’hystérie avancée. Deuxième attaque frontale avec « Lurch », du chaos en veux tu, en voilà avec quand même ce côté rock n’roll qui émaille le style du groupe dernièrement. Je ne vois pas ce que peut attendre de plus un amateur du DEP des débuts, c’est le titre rappelant le plus Calculating Infinity. Le nouveau batteur du groupe, Gil Sharone (de Stolen Babies) y démontre amplement qu’il n’a pas volé sa place. Changement complet d’ambiance ensuite, pour ce qui est sans hésiter le tube radiophoniquement acceptable de l’album, « Black Bubblegum » est également le titre le plus pattonesque et me fait penser immanquablement à l’album de Peeping Tom, tout en possédant cette touche un peu timbrée façon Dillinger. Le morceau le plus abordable du groupe, limite soul niveaux voix, j’y entend même un côté Lenny Kravitz barré dans la voix de Greg Puciato, qui flirte avec conviction vers des eaux plus rock. Sur tout l’album, l’apport du chanteur est de plus en plus évident, même si sa voix claire était déjà bien plus mise en avant sur les morceaux les moins agressifs de Miss Machine, Puciato est désormais LA voix qu’on associe à DEP et il démontre qu’il est on ne peut plus à l’aise à sa place.
« Sick On Sunday » arrive ensuite, une sorte de trip breackcore/metal zarb mais soft, rythmiques synthétiques ultra-speedées mais sans agressivité, Weinman brode des dizaines de notes à la seconde puis arrive un riff saccadé, une voix claire venue de nulle part, orginal! « When Acting As A Particle » sert d’intro au titre suivant et pourrait figurer sur un album de Fantomas, contrairement au très court mais jouissif « Non Eye Gong », qui est du pur Dillinger. « When Acting As A Wave » n’a pas grand chose à voir, faisant figure d’exercice technique de rythmique, peut-être histoire de prouver qu’ils n’ont pas dégoté un manchot derrière les fûts.
C’est bizarrement en fait dans les titres rappelant le plus leurs anciens albums, tels « 82588 » ou « Party Smasher » que l’on est le moins surpris, on sait effectivement à quoi s’attendre même si le groupe présente ici des titres tout en technicité et concision, essayant d’éviter la redite. En fait ce sont les morceaux qui ressemblent le plus à des sortes de tubes rock anti-conventionnels comme « Black Bubblegum », ou « Milk Lizard » qui marquent le plus. Ce dernier et ses allures de rock 60s façon bande son de Dick Tracy sur lequel Puciato s’arrache les cordes vocales pour déboucher sur un refrain à entonner en choeur est des plus réussis dans le genre. « Dead As History » également, dont les 2 premières minutes pourraient faire penser aux ambiances du Ulver dernière période, mais pas du tout la suite, qui voit le groupe reprendre la voie d’un rock/metal electro à la rythmique hystérique, aux voix alternées entre hurlements psychotiques et refrain mélodique puissant. Ensuite « Horse Hunter » commence en trombe par du pur chaos Dillinger mais dans une version guindée limite jazzy, pour ensuite alterner différents passages aux élans rageurs, puis refrain version Dillinger 2007. L’album se termine sur un dernier morceau décalé, tournant manifestement autour des influences jazz et world du nouveau batteur du groupe, pour terminer sur un refrain mélodique bien metal où Puciato déballe encore une fois un chant bien léché.
Pour un groupe qu’on annonçait fini suite à la perte de 2 membres, je trouve qu’ils se démerdent plutôt bien et proposent un album varié mais bien construit, avec des titres bien agressifs et chaotiques, d’autres plus rock, mais intéressant du début à la fin. Certes, la rage démente du groupe s’est émoussée, même les passages agressifs sont moins spontanés, s’enfoncent dans des émotions moins extrêmes. D’ailleurs contrairement à l’atmosphère de stress dans laquelle ces morceaux ont été enregistrés selon le groupe, l’impression que dégage l’album est celle d’un groupe qui se fait plaisir. Le groupe évolue ainsi dans le bon sens à mon avis, gardant sa marque de fabrique sur certains titres mais évitant de la reproduire telle qu’elle, préférant s’ouvrir à d’autres musiques, n’hésitant pas à faire ce que bon lui semble, et mettant en valeur la voix multi-facettes de son chanteur. J’ai tout de même du mal à considérer Ire Works comme meilleur que Miss Machine qu’il poursuit naturellement, il pêche en comparaison car plus court et comportant moins de morceaux phares mais on ne peut pas accuser le groupe d’avoir perdu de la créativité ou de la virtuosité, d’autant qu’Ire Works profite au contraire d’être plus concis et digeste, et ainsi un peu moins usant que Miss Machine. Album donc hautement recommandé, qui mérite réellement une écoute approfondie, the Dillinger Escape Plan reste un groupe marquant qui, en finalement peu d’albums, est en train de poser sa marque durablement dans le rock du 20ème siècle. On parie qu’il résistera à l’épreuve du temps? Cela dit, si vous n’avez pas aimé « Unretrofied », fuyez, le génialement tubesque « Black Bubblegum » vous achèverait!
Tracklist :
- fix your face
- lurch
- black bubblegum
- sick on sunday
- when acting as a particle
- nong eye gong
- when acting as a wave
- 82588
- milk lizard
- party smasher
- dead as history
- horse hunter
- mouth of ghosts
je m’attendais au pire, finalement je suis surpris en bien. J’attend encore quelques écoute pour vraiment me faire une idée bien précise. Mais le fait d’être surpris en bien ne dit pas que je trouve ça excellent. Et surtout pas le « black bubblegum » :-)
J’adore cet album. J’avais bien aimé Miss Machine (que j’avais acheté après m’être pris ma baffe en live) mais je trouvais ça trop linéaire, enfin pas assez varié à mon goût. Là il y a du bourrin, du technique, de l’expérimental, des trucs plus easy-listening, du rock n’ roll, du beau(les magnifiques choeurs féminins à la fin de dead as history)… enfin bref de quoi capter mon attention du début à la fin. Dans mon top 10 de l’année à coup sûr. Et surtout pour « Black bubblegum“ :-p
Chaotique metal ouais
bien sympa ce disque
Pas encore eu le temps de digèrer cet album de A à Z, mais ce que j’en ai entendu m’a bien botté !
Il y aura toujours les gardiens du temple pour venir chier dans les bottes de DEP. En ce qui me concerne un bien bon album varié, catchy, maîtrisé. Un album à l’image de ce qu’est la scène rock dans son acceptation générale aujourd’hui: violent, créatif, émotionnel.
mis à part la 3e piste, tout passe nickel! Un bon « Yeah »! Une évolution tranquille pour DEP qui avec cet album arrivera à contenter les fans de la première heure et des nouvelles oreilles en les amadouant avec ces titres plus « pop » (ou « rock ») et en les fascinant avec ces pointes de violence furibardes et techniques!
Excellent disque. Je trouve pour ma part qu’il est un ton au dessus de Miss Machine car plus varié. Ca me donne vraiment envie de revoir le groupe en concert… Tout comme joss, je pense qu’il se fera une place dans mon top 10 de 2007
Belle chro Jonben. Je me laisserai bien tenté, les extraits sur myspace sont vraiment bons. A méditer.
Je n’attendais pas cet album et j’en suis ressorti satisfait, un peu surpris parfois. Dillinger s’affirme, deviens plus mature tout en experimentant encore et toujours. Pure réussite.
D’abord sceptique, j’ai accroché sur les titres plus accessibles ou mélodiques avant de finir conquis par les titres plus directs dans la plus pure tradition de Dillinger. J’adore !