Rockin’ Squat (Assassin) – Confession d’un Enfant du Siècle (Volume 1)

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Style: hip-hopAnnee de sortie: 2008Label: Livin' Astro

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce premier véritable album de Rockin’ Squat s’est sacrément fait désirer. Annoncé depuis la sortie du EP concept Libre vs démocratie fasciste à la fin de l’année 2004, ce qui devait être à la base un double album n’a cessé d’être repoussé pour diverses raisons, mettant, par la même occasion, les nerfs de nombreux fans à rude épreuve. L’attente sera en partie récompensée à l’automne dernier avec la sortie de l’excellent EP Too hot for TV (dont vous pouvez retrouver la chronique sur ce site), dont le contenu prouvait que Squat avait encore plein de choses à dire (si c’était encore à prouver), et qu’il n’était pas prêt de disparaître de la circulation. Finalement, c’est au printemps dernier que les choses vont se précipiter : un communiqué annonce enfin une date de sortie (le 29 septembre), et nous informe que le double album sortira sous la forme de deux volets. D’ailleurs, ceux qui connaissent un peu le parcours de ce rappeur – qui traine ses guêtres depuis plus de deux décennies dans le milieu du hip-hop – auront vite fait de faire le parallèle avec Le futur que nous réserve-t-il ? (Vol. 1 & 2), le premier album d’Assassin, qui avait aussi été scindé en deux volumes. Mais revenons à nos moutons, car maintenant que l’on tient enfin le précieux sésame entre nos mains, on ne va pas refaire la carrière de ce MC hors du commun, qui a toujours œuvré pour un hip-hop positif, créatif, constructif, mais aussi combatif.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais juste m’arrêter sur l’artwork et sur le contenu du livret. Commençons par la pochette qui représente Squat surplombant Paris, le regard rivé en direction du Sacré-Cœur. S’il s’agit indéniablement d’un clin d’œil au quartier de son enfance, il représente aussi clairement la facette urbaine de l’artiste, car lorsque l’on retourne le CD, on découvre notre rappeur en train d’écrire un texte assis sur les racines d’un immense arbre, dévoilant un côté nettement plus spirituel, ainsi que son attachement à cette planète qu’il aime tant et dont il prône la sauvegarde depuis ses débuts. En plus de nombreuses photos, le livret propose l’intégralité des textes (dont seul les featuring manquent à l’appel) qui composent cet album, ce qui n’est pas pour décevoir les amateurs de la plume du rappeur.
Voilà, maintenant que les présentations sont faites, je vais pouvoir revenir à ce que nous intéresse principalement, c’est-à-dire la musique (et les textes aussi dans ce cas précis). Enregistré entre les Etats-Unis, la France, et le Brésil, cet album est certainement la réalisation la plus audacieuse et la plus aventureuse qu’il m’ait été donné d’entendre dans le milieu du rap français. Bon, je n’ai peut-être pas la culture hip-hop d’Olivier Cachin (…), mais je suis prêt à parier que toute personne qui s’intéresse de près ou de loin au mouvement hip-hop succombera à la diversité musicale et à la qualité des textes proposés sur cet album.
Les ambiances distillées sur ce premier volet sont en effet aussi riches que variées, et proposent à l’auditeur un voyage musical qui l’emmènera aux quatre coins du globe. On débute l’écoute de cet album avec les sonorités brésiliennes de O mundo è para vocé, qui ouvre le bal et annonce la couleur d’emblée. Il suffit de quelques secondes pour que la magie opère et que l’auditeur se laisse envahir par cette déferlante de percussions festives et entraînantes. La force de cet album réside d’ailleurs dans sa capacité à enchaîner les ambiances et les sonorités musicales titre après titre, qui, à l’instar de la pochette, nous dévoile les diverses facettes de la personnalité de Rockin’ Squat. On retrouve donc un nombre incalculable d’influences allant de la musique Africaine à la samba, en passant par la soul, le jazz, et l’électro, qui vont vous faire vibrer durant un peu plus d’une heure. Tantôt légères, tantôt plus lourdes, les atmosphères proposées sur cet album se suivent et ne se ressemblent pas. Pour cela, Il vous suffit d’écouter le terrassant Démocratie fasciste : article 3, qui prend une dimension quasiment épique en mélangeant la musique de O fortuna de Carmina Burana à un texte dénonciateur et virulent à souhait. Dans un tout autre registre, Chance ballet lorgne quant à lui vers des ambiances nettement plus soul et jazzy et propose un discours bien plus optimiste et léger.
Cet album est d’une sincérité rare, car il offre à l’auditeur un voyage dans un univers où un nombre incalculable d’émotions et d’expériences sont retranscrites au travers de textes toujours aussi bien rédigés. On retrouve clairement la patte Squat lorsque ce dernier traite de sujets qui fâchent : qu’il s’agisse de l’exploitation du sol et des forêts africaines (France à fric), des prisonniers politiques (Free them all), de la violence gratuite (Ladrao sem causa), de l’écologie (Progress), ou encore des magouilles pratiquées dans les hautes sphères (Démocratie fasciste : article 3), le rappeur prouve une fois de plus qu’il n’a rien perdu à sa faculté de pondre des textes revendicatifs et dénonciateurs longuement pensés, fruits d’un travail de recherche indéniable. Le but n’est pas de faire un lavage de cerveau à l’auditeur ou de lui imposer un avis catégorique, mais plutôt d’éveiller l’envie chez ce dernier de se pencher sur le sujet abordé, en lui donnant un certain nombre d’informations, qui ne sont généralement pas divulguées lors du 20H de Laurence Ferrari…
Cet engagement social et politique n’est pas nouveau pour le rappeur. Ce qui l’est, c’est le teneur nettement plus personnel de certains textes, comme par exemple Enfant de la balle. Sur ce titre (qui est d’ailleurs le premier single extrait de l’album), Rockin’ Squat revient sur son enfance de fils d’artiste (Jean-Pierre Cassel était son père), ainsi que sur son premier voyage à New York, où il a découvert le hip-hop, grâce notamment à la bi-nationalité de sa mère. L’artiste ne s’était que rarement mis à nu de la sorte, et va même encore plus loin sur certains titres, comme par exemple avec Te amo… eu quero vocé ou encore Aimer sans posséder. Cela peut paraître un brin étonnant de la part d’un artiste qui a toujours tout mis en place pour protéger sa sphère privée, mais là encore, il reste seul maître à bord et décide de ce qui est écrit et dit. Ce qui nous renvoie directement à Vie privée, qui fait clairement savoir à l’auditeur ce que notre « éternel apprenti » pense de la presse people et des paparazzis en général.
Je pourrai encore disserter des heures sur le contenu des textes, ainsi que la façon dont les ambiances musicales sont arrangées de façon à toujours être en parfaite adéquation avec le sujet abordé, ainsi que le ton utilisé, mais je pense que si vous n’êtes pas totalement réfractaires au hip-hop, cet album est une expérience qu’il vous faut tenter. A cent mille kilomètres des idées reçues et des clichés rabaissant le hip-hop à un mouvement violent, machiste, et matérialiste, Rockin’ Squat nous propose de découvrir le côté humain et sensible d’un rappeur qui a eu ses haut et ses bas, qui a tout simplement vécu et couché ses expériences et ses coups de gueule sur papier, oscillant entre joie et peine, incompréhension et protestation.
Si cet album se révèle être excellent après de nombreuses écoutes, il est indéniable qu’il va en dérouter plus d’un aux premiers abords, surtout celles et ceux qui ont connu Rockin’ Squat à travers Assassin. La formule n’a pas changé, mais le ton utilisé sur certains textes, ainsi que la façon dont ils sont écrits laissent clairement entrevoir un désir d’aller de l’avant de la part du rappeur. Le côté contesta
taire et revendicatif est bien moins mis en avant que par le passé (même s’il est toujours omniprésent), au détriment de textes aux messages plus optimistes et personnels.
Pour terminer, je dirais que la réaction de chacun face à cet album dépend de sa sensibilité. Si vous recherchez des titres aux beats lourds et oppressants, autant vous replonger dans la discographie d’Assassin, car les horizons musicaux qui composent ce disque nous emmènent plus souvent au soleil que dans les catacombes parisiens. Je pense maintenant qu’il faut attendre la sortie du volume 2 (dont aucune date n’a été avancée), afin de pouvoir juger cet album dans son intégralité, mais en ce qui me concerne, je tiens déjà mon album hip-hop 2008.

  1. o mundo è para vocé (feat. olodum)
  2. instoppable
  3. key of life (feat. krs one)
  4. france à fric (feat. cheick tidiane seck)
  5. enfant de la balle
  6. vie privée
  7. ladrao sem causa
  8. progress (feat. agallah the don bishop)
  9. clubbish
  10. démocratie fasciste : article 3 (feat. medine)
  11. free them all
  12. can i do my thang ?!
  13. te amo… eu quero vocé
  14. amer sans posséder
  15. chance ballet (feat. gimenez e.)
  16. une façon de vivre
  17. éternel apprenti
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7 Commentaires

  1. jonben jonben says:

    Mouaih. J’ai pas tout écouté, juste lu les paroles que je trouve ineptes et en plus prétentieuses.

  2. OYC says:

    Je trouve le phrasé est vraiment pas terrible… le chant sur les mélodies est même faux parfois. Enfin, autant la musique n’est pas trop mal par moment, autant le tout est amha pas fameux.

  3. Neurotool says:

    Un moment d’esseulement pour notre cher Wakos… lol

  4. jonben jonben says:

    C’est ça les suisses, trop neutres! :)

  5. wakos says:

    Bah tant pis, je ne peux forcer personne à aimer cet album. Moi j’aime bien et je trouve que c’est nettement au dessus (tant au niveau musical, qu’au niveau des textes) de ce qui se fait dans le rap français actuellement… Après, les goûts et les couleurs, chacun fait ce qu’il veut… ;o)

  6. Yaya says:

    Pour ma part je trouve cet album d’une grande reussite, il y a des morceaux tellement incroyables que cet artiste est tout simplement atypique dans l’industrie mondiale.
    Quelle sensibilité, quelle conscience, quelle liberté !!!
    « Aimer sans Posseder », « Progress », « Enfant de la Balle », « Eternel Aprenti », « Une Façon de vivre »…pour ne citer qu’eux repousse 99% des rappeurs français à la maternelle.
    Moi aussi je tiens mon album Hip Hop 2008 !!!
    Merci Rockin’ Squat, merci d’exister !

  7. Scar says:

    Franchement super ta chronique !
    Pour être original je dirais moi aussi mon album Hip-Hop de l’année 2008.
    Pour ceux qui ont pas aimés , écouté le plusieurs fois , cet album on l’apprécie encore plus a chaque nouvelle écoute !

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