Avec Ghost les amateurs de cache-cache vont en avoir pour leurs deniers.
A trop chercher dans le miroir on peut parfois se perdre dans les fractales complexes de l’Histoire, un coup d’œil dans le rétro d’Opus Eponymous et on se dit que les suédois n’ont pas fini de remonter l’autoroute du temps depuis leur paroisse à l’air austère et, étrangement, farouchement baroque.
Ghost c’est le flonflon, la flanelle, le velours pourpre des rideaux du petit théâtre du courant alternatif, la machine à fumée du rocky horror picture show; le missile du cabaret à paillettes glam-doomy monté sur roulettes progressives à géométrie invariable.
Une petite pièce d’artillerie qui suinte le vintage, bariolée de couleurs comme un bon vieux Dario Argento mais au fond aussi noir que l’ébène.
Le maquillage fait sourire, la suramplification du référencement à l’affiliation au genre donne un cachet désuet à l’ensemble de l’œuvre, l’écriture et la narration ont beau être lourdes, le malin sait toujours s’installer dans les strates de l’image psychique qu’elles renvoient.
C’est un peu la trame du cinéma gothique italien qui trouve un écho favorable dans la musique de Ghost, comme si le Black Sabbath de Mario Bavia de 1963 pouvait encore donner des suées aux plus jeunes générations d’amateurs de la Troma ou des flingueries HK d’Herman Yau qui inspirent encore la musique Thrash, Death ou Grind aujourd’hui.
C’est cette dimension gothique qui donne à la musique de Ghost cette saveur si particulière, de sa mise en scène à son exécution, tout tire vers le discours suranné, un peu comme si grand père vous parlait de la Guerre, celle qu’il a fait pas celle des livres, étrange paradoxe quand on sait que la moyenne d’âge du groupe ne doit pas dépasser la quarantaine mais exercice vivifiant pour la musique qu’ils pratiquent.
Suranné, peut-être mais l’exercice de style est réellement convaincant, il n’existe pas de tolérance conditionnelle pour apprécier un album, seulement des blocages modaux qui varient suivant les époques et qui alimentent les postulats de renouvellement supposés ou non des genres, avec Opus Eponymous et sa latinité complaisante, on parcourt plus d’un demi siècle de musique rock à la vitesse d’un flash, comme l’impression de revivre les débuts du heavy à travers l’hygiaphone, un arrière goût de pop corn en bonus pour faire les choses comme il faut.
La première fois que j’ai écouté l’EP de Ghost, disque paru au début de l’année et distribué comme l’ostie un jour de messe, je me suis dit : « Tiens voilà ce à quoi aurait pu ressembler le Shoot out the Lights de Diamond Head si c’était Death SS qui l’avait écrit ». Et souvent j’y suis revenu, compos à l’accroche facile, taillées pour le classique, des balles traçantes qui s’invitent sur la platine sans crier gare…
Et puis on retrouve aussi cette nostalgie du discours progressif comme celui d’un Black Widow avec Ghost, voix pleines, une jouissance lumineuse du ton clair à la manière d’un Legend sur le retour et de la rondeur des sonorités des instruments mais un discours derrière cette rondeur beaucoup plus imprégné, brûlé, penser à un titre comme « Come to The Sabbat », au niveau de l’intention on tire très certainement dans la même direction, même sil faut reconnaître que Ghost nage assez loin des rockeurs anglais de la fin des années 60, certainement une passion pour le heavy qui a fait son œuvre entretemps et découpé dans les influences de l’époque, reste que l’on sent que le sillage des cabalistes au flutiau a été chassé, la piste est d’ailleurs bien suivie et nous entraine irrémédiablement chasser d’autres animaux fantastiques de la steppe d’alors, et quand « Genesis » retentit à la fin de l’album, on sent aussi que le clin d’oeil frappé d’un Hammond tout en montée n’est pas là par hasard, même Vangelis pourrait en aimer la substance, c’est dire.
Mélodique et acidulé, fantasque et raffiné, indéniablement rock et kitsch, Opus Eponymous est certainement la première pierre d’un groupe qu’il faudra surveiller de près.
Aussi fun qu’un vieux film d’horreur qu’on se materait avec les potes et que l’on commenterait depuis le canapé, son langage exotique a tout du voyage dans le temps, un disque généreux, rond, aux titres accrocheurs, une véritable réussite. Classique.
Première impression : c’est quoi ce truc tout kitsch!?
Après plusieurs écoutes, je suis accro, c’est vraiment très bien foutu, toujours un peu kitsch, mais l’ambiance est bien rendue et les morceaux irrésistibles.
Je commence à rentrer dedans également. De très bonnes idées malgré parfois un côté hard fm. C’est effectivement kitsch mais ça se laisse écouter avec plaisir.
Très chouette pochette au passage.
Ma découverte 2010, grâce aux membres du forum !
Excellente chronique. Reviens guim, tu nous manques
Ouaip super chronique et super disque. J’ai eu un peu de mal au départ mais une fois rentré dans le trip c’est du tout bon. Curieux de voir ce qu’ils vont faire par la suite…