Si c’est un homme de Primo Levi

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Annee de sortie: 2010

1945 : au sortir d’Auschwitz, Primo Levi est chargé par les Alliés d’écrire un rapport sur ce qu’il a vécu. Les premières pages de Si c’est un homme sont littéralement poignantes : l’écrivain explique le long voyage durant lequel hommes, femmes, enfants, vieillards sont entassés comme du bétail dans des wagons plombés. L’arrivée au camp ne laisse aucun doute sur le sort de ceux que l’auteur ne reverra jamais.

Pour les autres, dont il fait partie : le travail forcé, un univers concentrationnaire inhumain, un système avilissant qui ravale l’homme au rang de l’animal. Un seul mot d’ordre pour les prisonniers : survivre, coûte que coûte. Levi dresse un constat cruel, sans concession. Le vol, le troc, le marchandage sont de mise. Qui ne connait pas les rouages complexes du fonctionnement du camps se condamne à mort à plus ou moins brève échéance. La solidarité n’a plus sa place, chacun lutte pour sa propre existence.

La vie quotidienne exténuante, les violences des gardiens, les bassesses de leurs sous-fifres, la maladie, la sourde menace des chambres à gaz, tout a été pensé pour briser les volontés : « Une loque ne se révolte pas ». La faim et le froid permanents rongent les organismes et obsèdent les esprits. Ne compte que la petite flamme de vie qu’il faut entretenir. En attendant, la mécanique implacable fonctionne à plein régime : ceux qui tombent sont remplacés « grâce » à l’arrivée de nouveaux convois.

Tous sont sursitaires au coeur d’un milieu hostile, impitoyable et inextricable. La liberté viendra pour quelques survivants, échappant miraculeusement à la marche de la mort. Document historique précis et implacable, entrecoupé d’instantanés saisissants, Si c’est un homme est le témoignage cru et bouleversant de ce que des hommes ont pu faire subir à d’autres hommes.

« Vous qui vivez en toute sécurité
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c’est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un morceau de pain,
Qui meurt pour un oui ou pour un non.
Considérez si c’est une femme
Qui ne se rappelle plus son nom et qui n’a plus ses cheveux
Et qui a perdu jusqu’à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N’oubliez pas que cela fut,
Non, ne l’oubliez pas
Gravez ces paroles dans votre cœur,
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant ;
Répétez-les à vos enfants,
Ou que votre maison s’écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous. »

Chroniqueur

alchemist

Chroniqueur inter mi-temps, amateur de chats, de Metal mélodique sous toutes ses formes, de fromages de caractère, de bons bouquins, de radios intelligibles... et de zombies.

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4 Commentaires

  1. dimegoat says:

    Sa suite, La Trêve, est aussi un bouquin exceptionnel. On voit Primo Levi revenir chez lui après un parcours incroyable en Europe. Le ton est plus distancié et mélange les difficultés incroyables et la douce folie de ce voyage qui semble se dérouler comme un rêve grotesque. Un vrai livre d’aventure et une bouffée d’optimisme après Si c’est un homme.

  2. alchemist says:

    Je note cette précieuse référence. J’avais également apprécié le ton léger et drôle d’Histoires naturelles.

  3. ellestin says:

    +1 pour La Trève

  4. Angrom angrom says:

    Excellent livre. A lire également « Une journée d’Ivan Denissovitch » d’Alexandre Soljenitsyne pour voir qu’il n’y a pas eu que ces camps là

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