Avant de sortir mon bilan (oui je prends mon temps), voici un petit fourre-tout (passant crescendo de la pop au death metal le plus burné) pour évoquer certains albums ou EP qui n’ont pas été traités comme ils l’auraient du durant l’année 2024 pour cause de sortie estivale (3 des albums ci-dessous sont en effet sortis le 23 août 2024), découverte tardive, manque de temps, flemme ou autre, ou pour plusieurs de ces raisons cumulées, et ce malgré notre satisfaction d’avoir pu continuer à proposer une chronique par jour (hors jours du saigneur et jours fériés).
Conan Gray – Found Heaven (Republic Records) – Paru le 5 avril 2024
On commence par de la pure pop pour se chauffer. Déçu par les nouvelles sorties de Taylor Swift, Bilie Eilish, et Dua Lipa, j’ai été séduit par ce nouvel album de Conan Gray, artiste américain que je ne connaissais absolument pas avant d’entendre « Lonely Dancers » dans une boutique en vacances (merci Shazam). Coup de cœur immédiat pour ce titre et pour finalement tout l’album après seulement quelques écoutes. Une approche pop évoquant parfois Elton John, un look à la Michael Jackson et un côté électro/synthpop délicieusement rétro, voilà les ingrédients de ce Found Heaven, qui aura tourné en boucle (et dont j’ai apprécié jusqu’aux balades, je dois probablement me faire vieux…) et se sera imposé comme la bande-son de nos vacances d’été 2024 en famille.
Mothica – Kissing Death (Heavy Heart Records/Rise Records) – Paru le 23 août 2024
Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemblerait sa musique si Taylor Swift était une goth tatouée au lieu d’être une country-girl devenue star planétaire de la pop sucrée? Je grossis un peu le trait, mais c’est en quelque sorte ce que nous propose Mothica, jeune américaine très tatouée et dont on sent bien une certaine attirance pour le côté obscur des choses, vous savez, la mort tout ça tout ça, mais aussi un goût certain pour la pop et les refrains qui vont bien… Son 3ème album Kissing Death, aussi court soit-il (32 minutes) se laisse bien écouter à défaut d’être incroyablement marquant et révolutionnaire (malgré cette teinte dark essentiellement perecptible dans l’imagerie, on reste musicalement clairement dans le registre de la pop). Tous les titres ne se valent certes pas, mais l’album contient quelques morceaux très réussis à l’image de l’infectieux « Afterlife ». Sympathique découverte.
Fontaines D.C. – Romance (XL Recordings) – Paru le 23 août 2024
Encore une pochette dégueulasse… Mais un album pour le coup vraiment excellent. Et pourtant jusqu’ici les irlandais et leur post-punk qui avait pourtant tout pour me plaire sur le papier, me laissaient complètement sur le bord de la route quelque soit l’album écouté parmi les 3 premiers. Romance, 4ème album avec son approche moins post-punk et plus rock, convoquant même de façon étonnante des influences brit-pop inattendues (« Favourite »), est un album qui fait en effet étalage d’un beau savoir-faire des dublinois, s’agissant du songwriting et ceci quelque soit le registre. Rendez vous compte : même les balades sont magnifiques (« Desire » et surtout « In the Modern World » et « Sundowner »). Et puis difficile d’ignorer le tube « Starbuster » que vous avez probablement entendu quelque part à un moment dans l’année… Super album qui figurera sans mal dans mes incontournables de l’année.
Cassyette – This World Fucking Sucks (23 Recordings) – Paru le 23 août 2024
Passons outre ce pseudonyme craignos, ce titre d’album putassier en diable et cette pochette absolument dégueulasse, pour découvrir un album finalement pas mal du tout, qui mérite bien quelques écoutes (voire plus) dans un registre évoquant une Pink des meilleurs jours qui se frotterait à un néo-metal/alternatif régressif et rappelle parfois aussi le pan le plus radiophonique de Bring Me the Horizon (on aime notamment cette façon décomplexée de mélanger les genres et balancer des rythmiques techno sans crier gare, cf l’interlude « Sex Metal » ou « Degenerette Nation » qui sonne presque comme du Grimes). Et si tout n’est pas parfait (en particulier les passages à la Evanescence comme les épanchements vocaux de « When She Told Me » et les titres dispensables qui auraient pu être effacés de la tracklist : « Over It », « Four Leaf Clover » et « Dear Sister ») sur le premier album de cette anglaise de 31 ans (Cassy Brooking de son vrai nom) à commencer par son look et son imagerie bimbo gothopouff botoxée, on lui reconnaîtra sans mal, en plus d’un beau grain de voix, une capacité impressionnante à balancer des tubes à la pelle (je vous recommande « Sugar Rush » en plus de celui cité juste après pour vous faire une idée) que je retiendrai sans honte dans ma playlist spotify 2024 avec en point d’orgue un « Friends in Low Places » qui a tout du hit rock de l’année. Une artiste dont on sera curieux de voir si elle sera un simple feu de paille ou si elle aura quelque chose à proposer à l’avenir.
Blanck Mass – Bloodhound/You (Weirding Way) – Paru le 6 décembre 2024
Echappons nous des univers rock/pop pour monter crescendo dans la violence… Je voue une vraie admiration au DJ Benjamin Powers, moitié de Fuck Buttons qui a rejoint en 2022 le groupe Editors et lui a permis de sortir son meilleur album grâce au renfort vitaminé de son alias Blanck Mass. Et même si je reste un inconditionnel de Dumb Flesh, son deuxième album solo, ce petit EP de deux titres m’a complètement conquis et tourne en boucle depuis sa sortie début décembre. C’est bien simple je ne suis pas loin de penser qu’il a là sorti deux de ces meilleurs titres. Un côté yin/yang avec d’abord un « Bloodhound » plutôt frondeur avec des incursions presque post-black (notamment dans le chant) complété par un « You » à l’abord très mélodique mais qui contient là encore quelques aspérités appréciables. Et puis j’adore la pochette avec cette photo que je trouve particulièrement puissante (photo d’un hunt saboteur face à un policier, signée Andrew Testa). Espérons maintenant l’arrivée d’un nouvel album qui s’inscrive dans ce même registre (et reprenne ces deux titres sur la tracklist d’ailleurs, ils méritent de ne pas être des simples one-shots).
Tribulation – Sub Rosa In Æternum (Century Media Records) – Paru le 1er novembre 2024
« Surprise, Tribulation a sorti un album pas chiant dis-donc! Rhoo t’es méchant Krakou… ». Sérieusement je suis le seul à penser qu’après Children of the Night les finlandais ont sorti deux fois le même album inutile? Et puis le chant monotone (pour ne pas dire monocorde) de Johannes Andersson commençait à devenir pénible à la longue non ? Ça tombe bien le bassiste/chanteur nous propose cette fois un registre beaucoup plus varié, usant au moins en quantité équivalente, d’une voix claire théatrale évoquant le Fernando Ribeiro (Moonspell) des grands jours. Et ça change tout… L’album est beaucoup plus intéressant que les précédents et sa petite touche Ghost mélangée à une approche plus death rock/gothique fait mouche, avec des compos particulièrement prenantes et accrocheuses, qui ont même des allures de bangers absolus : « Saturn Coming Down » ou « Time & the Vivid Ore » par exemple, et ma préférée « Drink the Love of God ».
Shrapnel – In Gravity (Candlelight Records) – Paru le 31 mai 2024
Inconnu aux bataillons pour ma part, ce groupe anglais qui proposait jusqu’ici (c’est-à-dire sur ses 3 premiers albums) un thrash metal plutôt classique (mais apprécié par quelques amateurs), s’aventure sur In Gravity son 4ème album, sur des terres plus mélodiques et éloignées de la rage classique de ses débuts (ce qui se traduit également par une pochette très éloignée des précédentes) y compris avec davantage de voix claire (sachant que le chanteur du groupe Jae Hadley est très à l’aise dans les deux registres), mais avec toujours des riffs irrésistibles et des solos de guitare du meilleur effet. Une prise de risque qui a valu au groupe quelques critiques acerbes auxquelles je ne me joindrai pas, trouvant pour ma part In Gravity très réussi, avec en guise de parfaite tête de gondole le monstrueux « Guardian » qui envoie du très lourd tout en restant sévèrement accrocheur. A tester!
Kodama – Telos (autoproduction) – Paru le 2 août 2024
Paru en plein été dans l’indifférence la plus totale (ou quasi), ce Telos, premier album des anglais de Kodama vaut pourtant qu’on s’y penche. Malgré un premier abord monolithique qui laisse à tort penser qu’on aurait affaire à un disque monotone, on se retrouve conquis après plusieurs écoutes. Le registre pratiqué évoque un un power (groove) metal qui rappelle pas mal ce que fait Lamb of God. Avec toutefois quelques subtilités, et notamment des leads de guitare cristallins et très mélodiques qui constituent justement les quelques éléments accrocheurs à défaut de refrains immédiats qui auraient pu être de mise comme c’est souvent le cas dans le genre pratiqué. A suivre, le prochain album pourrait faire mal!
Dark Tranquillity – Endtime Signals (Century Media) – Paru le 16 août 2024
Si je parle du dernier album des suédois ici, c’est que j’ai flashé sur le tout nouvel album de the Halo Effect, (énième) side-project de Mikael Stanne, chanteur de DT, associé ici à des anciens membres d’In Flames, Jesper Strömblad et Niclas Engelin en particulier. On reparlera de THE et de cet excellent nouvel album, mais en revenant sur des albums de DT que j’avais survolés bien trop vite, j’ai réalisé que Atoma (le cru 2016) est superbe (et peut-être même mon DT préféré), mais aussi que Endtime Signals est un très bon cru également, avec quelques pépites absolues qui intégreront sans mal le « best of » du groupe : « Shivers and Voids », « Neuronal Fire », « Unforgivable » ou « Not Nothing » notamment. Ce groupe déçoit rarement, et ce dernier album est à mon sens meilleur que l’avant-dernier qui est peut-être le moins bon des sorties récentes (Moment sorti en 2020), sans atteindre toutefois la qualité d’Atoma, mais le challenge était difficile à relever. Une valeur sûre en somme…
Borknagar – Fall (Century Media) – Paru le 23 février 2024
Je n’ai finalement jamais terminé ma chronique de cet album commencée pourtant peu après la sortie de ce nouvel album des norvégiens de Borknagar. Il serait néanmoins dommage d’oublier ce Fall de très belle facture, surtout au moment d’élaborer le bilan de l’année écoulée. Un album qui les voit revenir au top de leur forme après quelques albums un peu moins forts qui avaient suivi le superbe Urd. Un régal mélodique en particulier sur le plan vocal avec les interventions partagées entre les deux pointures de la scène norvégienne que sont Simen Hestnæs (aka ICS Vortex) et Lars A. Nedland (aka Lazare) mais aussi grâce à ses élans progressifs, l’album n’est pas non plus avare en passages bien burnés dans la pure tradition viking/black du groupe. Un cocktail détonnant qui devrait ravir les amateurs du groupe et peut lui offrir une belle place dans le top annuel (bien que la concurrence, en particulier avec le Iotunn, soit assez féroce).
Kanonenfieber – Die Urkatastrophe (Century Media) – Paru le 20 septembre 2024
Malgré une pochette évocatrice et qui ne laisse pas indifférent, j’avoue ne pas du tout m’être intéressé au moment de sa sortie à ce deuxième album de Kanonenfieber, one-man band (en tout cas en studio, car ils sont bien 4 sur scène) que l’on doit à un mystérieux allemand répondant au pseudonyme Noise (et également à la manœuvre dans au moins deux autres projets plus frontalement black : Leiþa et Non Est Deus). Bien mal m’en a pris tant cette découverte tardive s’avère marquante. Racontant les horreurs de la première guerre mondiale du point de vue de la chair à canon allemande, Noise balance un black death à la production impeccable, chanté en allemand, à la fois furibard mais extrêmement accrocheur avec pour point d’orgue un « Ausblutungsschlacht » sur lequel, à grand renfort d’orchestration symphonique, il nous conte la bataille de Verdun de façon assez saisissante et incroyablement épique. On n’aura jamais autant aimé détester les horreurs de cette monstrueuse « grande guerre ».
Necrot – Lifeless Birth (Tankcrimes) – Paru le 12 avril 2024
On arrive sur du velu avec le troisième album des américains de Necrot. Du bas du front, du primitif, du death metal bien lourd avec des refrains bien cons et basiques, qu’on aime hurler à la lune (« Drill the Skull!!! »). Les amateurs de Bloodbath en manque d’un album digne de la légende du groupe (on les comprend) devraient être comblés par cette sortie qui coche toutes les cases du genre. On regrette peut-être simplement que l’album soit un peu monotone après quelques titres (bien qu’il n’y ait que 7 titres pour 40 minutes de musique) et que le groupe n’ait pas trouvé bon de faire preuve d’un peu plus d’inventivité pour proposer des variations qui seraient bienvenues. Vous l’avez compris : pour la subtilité ce sera la porte à côté, ici on fait dans l’efficace et parfois on a besoin juste de ça.
Noxis – Inherent Violence in the System (Dawnbreed Records, Rotted Life Records) – Paru le 28 juin 2024
Last but not least… En voilà un autre que j’ai complètement raté à sa sortie. Heureusement que le webzine Yourlastrites l’a mis en avant dans le top annuel de l’équipe, car ce premier album longue durée des américains de Noxis est une petite pépite. Un peu l’équivalent du monumental album d’Afterbirth sorti l’an dernier pour donner une idée. Inventif (peut-être même trop, vous en jugerez sur le très spécial « Horns Echo over Chorazim« ), brutal, et accrocheur, il faut le faire pour arriver à cumuler toutes ces qualités sur un même album de death metal, et ce sans s’abaisser à la moindre concession putassière. Ajoutons à cela une basse très audible et en avant, véritable figure de proue de la musique de Noxis. Au final, difficile de trouver à redire face à l’un des meilleurs albums de death metal de l’année 2024.
Ce titre de Blanck Mass ressemble à du Youth Code ou du Hocico, c’est surprenant. Je suis également d’avis que sa collaboration avec Editors a accouché de leur probable meilleur album à ce jour.
L’analyse de la disco’ antérieure de Tribulation fait écho aux raisons que donne Jonathan Hultén de son départ… Ceci étant je n’ai pas été transporté par ce qu’il fait en live et comme par hasard son ancien groupe repart en avant une fois qu’il n’est plus là.
Bien d’accord pour le Ködama, il me fait plaisir à chaque fois que je le mets, avec son côté séduisant mais pas immédiat. Je n’avais pas pensé à Lamb of God (que je n’aime guère) mais le rapprochement se défend, ça sonne assez proche mais en mieux à mon goût. Cela faisait des lustres que je n’avais pas acheté un album dans ce créneau Post-Thrash.
Quant à Necrot (quel nom…) et Noxis, je n’ai pas accroché chacun dans leur style.