Kulturoblog

À rebours

Au début fût le style. Celui du seul et unique personnage principal tout d’abord, Des Esseintes, qui afin d’échapper à une société trop grossière pour lui, se cloître dans la solitude d’une demeure fantasmagorique où il expérimente son « art de vivre ». Style littéraire aussi et surtout, d’une richesse linguistique inouïe, travail d’orfèvre halluciné qui porte l’œuvre de bout en bout à travers cette écriture nerveuse et jubilatoire.
On se heurte ainsi à des descriptions d’une méticulosité vertigineuse lors des soliloques de Des Esseintes: peinture, art floral, musique, littérature, les œuvres d’art sont décortiquées, analysées, encensées parfois. Et rarement critiques [...]

The Master

Se perdre dans l’espace-temps ou s’enfoncer dans l’ennui, se laisser bercer par la mise en scène ou bien regretter l’immobilité du récit : c’est le propre des œuvres immersives que de diviser, d’autant plus que la plongée ou non dans l’univers créé dépend en grande partie de notre humeur, de notre état d’esprit, du simple moment présent. Contemplatif et insaisissable, The Master divisera, éclairant certains spectateurs de sa lueur trouble, en laissant d’autres dans les pénombres de leur lassitude.
Que sa beauté nous envahisse ou nous échappe, on ne peut nier la prise de risque de Paul [...]

Treme – L’esprit de la Nouvelle Orléans

Mon estimé collègue ayant traité de la série-phare de David Simon, l’excellent The Wire je me suis dit qu’il serait dommage de passer sous silence une autre des oeuvres de David Simon, la série Treme, diffusée depuis début 2010 sur la chaine américaine HBO, la quatrième saison étant attendue pour 2013.
Treme c’est un quartier de la Nouvelle Orléans, et c’est cette ville, et plus précisément cette ville après le passage de l’ouragan Katrina en 2005, qui est le principal protagoniste de la série, à l’instar de Baltimore dans The Wire. Treme, prononcé à la française « Trémé », est un [...]

Django Unchained

Le nouveau Tarantino sera-t-il à la hauteur ? S’agit-il de son meilleur film ? De son œuvre de maturité ? Film après film, les questions restent les mêmes, tandis que le cinéphile boulimique américain élargit sa filmographie. Les fans du réalisateur sont rarement déçus. Et pour cause : burlesque, extravagante, violente et empreinte de références, la patte du cinéaste reste reconnaissable entre mille. Les aficionados y voient la création d’un véritable style, d’autres un condensé talentueux d’ingurgitations cinématographiques, les plus sceptiques critiquent celui qu’ils voient comme un usurpateur se contentant de pomper et de repomper les œuvres de ses [...]

Qui a peur de Virginia Woolf ? (Mike Nichols)

C’est l’histoire d’une guerre conjugale. D’une bataille cruelle, drôle et intelligente qui éclate une nuit de beuverie pour finir avec celle-ci, à l’aube. D’un âpre combat sismique dont aucun des deux couples de l’histoire ne sortira indemne, pas plus que les spectateurs.
Scène d’ouverture : un couple visiblement éméché regagne son domicile. « Quel trou infect », marmonne une Elizabeth Taylor dépitée de s’apercevoir de l’état de son salon. La légendaire star glamour d’Hollywood est méconnaissable tant elle apparaît âgée et bouffie, sardonique et lapidaire. Dès ces premières minutes, l’irritation est palpable, la tension s’installe entre les deux protagonistes [...]

Ghosts… of the Civil Dead

Deux notes de guitare, suivies d’inquiétants bruitages qui rythment l’introduction musicale dérangeante de Nick Cave, ponctuée de sonorités stridentes et oppressantes… La caméra se fixe sur le désert australien, avant de se diriger lentement vers la centrale de haute-sécurité… De celle-ci, on ne sortira plus. Ou presque. Car au-delà du quasi huis-clos que représente la suite du film, c’est aussi et surtout l’immersion progressive dans cette prison qui va nous enrober, nous enfermer, jusqu’à la claustrophobie, jusqu’au cauchemar…

Bilbo le hobbit

On ne change pas une équipe qui gagne (de l’argent) : en adaptant une nouvelle fois un roman de Tolkien (pourtant bien plus court) sous forme de trilogie, en utilisant les mêmes recettes cinématographiques, Peter Jackson n’a clairement pas choisi la voie de l’originalité. D’autant plus que le réalisateur amorce une nouvelle fois son récit par un prologue plutôt drôle et réussi, avant que ne débute la véritable quête. Plus simple que celle du Seigneur des Anneaux, celle-ci peut cette fois se résumer à une chasse au trésor. Par essence moins dramatiques que celles de son prédécesseur où l’avenir [...]

Le grand soir

Delépine et Kervern filmant Poelvoorde et Dupontel : en bref, la promesse d’un film loufoque et de dialogues grinçants.  Et en découvrant que le récit relate des bribes d’existence de l’auto-proclamé « plus vieux punk à chien d’Europe » et de son frère, on se dit que l’on tient peut-être là une œuvre plus proche des fulgurances corrosivo-poétiques de Bernie que de la fadeur bien-pensante qui caractérise malheureusement trop souvent le genre de la comédie française.
Seulement, le sujet atypique se retrouve rapidement rattrapé par un scénario assez prévisible. La critique de l’autorité et de la société de consommation sombre rapidement dans [...]

Le ruban blanc

Chronique d’un village allemand à l’aube de la première Guerre Mondiale, Le ruban blanc se dessine comme une fresque réaliste qui revendique son classicisme, inspiré par les films de Bergman ou par La Nuit du chasseur de Laughton (le personnage du pasteur). On est frappé d’emblée par cette photographie en noir et blanc, par ces costumes et ces décors d’époque, habitués que nous étions à voir évoluer les personnages d’Haneke dans la société contemporaine. Autre changement majeur par rapport aux œuvres précédentes du cinéaste autrichien, le passage de l’observation d’un microcosme (avec pour noyau la famille dans Benny’s Video, [...]

Ex Drummer

La genèse des films cultes est souvent difficile. Ex Drummer n’échappe pas à la règle puisqu’il aura fallu près de 8 ans à Koen Mortier pour réaliser son premier long-métrage, et ce avec un budget microscopique. À l’origine, il y a ce roman homonyme publié par Herman Brusselmans, intitulé Ex Drummer. Celui-ci relate la (courte) existence d’un groupe de rock formé par trois handicapés-loseurs rejoints par un écrivain à succès. Rapidement, Koen Mortier plante le décor : hangars désaffectés, champs à l’abandon, voies ferrées désolées, appartements glauques… Avec sa réalisation épileptique, le réalisateur flamand capte rapidement l’attention du spectateur pour [...]