La fourmillante scène “experimetal” de San Francisco – chez nous on dirait la scène bobo – accouche régulièrement de petits groupes bien sympas que le décalage calendaire fait échouer sur nos plages, via le Gulf Stream, quelques mois après qu’ils ont produit leur petite commotion là-bas. Worm Ouroboros est le dernier venu à répondre à cette définition. Ne cherchez pas trop la référence au roman fleuve d’E.R. Eddison, sorte de brouillon du Seigneur des Anneaux, elle n’est pas visible dans la musique, à moins de créer un transfert volontaire type B.O. fantasmée, auquel cas pourquoi pas. Le trio emmené par la bassiste et chanteuse Lorraine Rath – bien connue des trois pelés et deux tondus qui ont un jour reçu par erreur dans leur commande un album d’Amber Asylum ou de The Gault – puise son identité par grands fonds.
En fait, lors du premier contact, beaucoup de choses ramènent au Giant Squid de Metridium Fields, de l’artwork aquatique jusqu’aux vastes ambiances nacrées, dont le rapport au temps semble être celui du monde du silence. Mais si mimétisme il y a avec les courants pacifiques des gros calmars, c’est aussi le point de schisme entre les deux groupes. Car là où les uns font ronfler la rock attitude la plupart du temps, les seconds (ceux qui nous intéressent, vous suivez ?) restent continuellement bien au-dessous de la vague, sculptant des rivières de corail à vous chambouler une belle hippocampe. Finalement très naïade dans ses intonations, Lorraine tire de son bagage principal les trésors de feeling nécessaires à habiter d’insondables cantiques, préservés des redondances du post-rock et du néo-classique “classiques” par leur capacité à accorder le meilleur des deux univers, grâce notamment au liant offert par une guitare aussi imposante que gracieuse – non je ne ferai pas l’analogie avec une baleine… disons plutôt une raie manta. Cette même guitare qui, bien que loin d’occuper tout le périmètre, n’hésite pas lors de ses apparitions à glisser de forts belles harmoniques en mode slow motion, cadencées avec caractère, saluant de la nageoire l’ombre des seigneurs du genre : Dirge. Une flûte s’y invite parfois le temps de ballets aux relents nuptiaux et au mix heureusement impeccable.
Cet album éponyme présente un groupe à l’osmose très affirmée, qui n’a pas fléchi à l’heure de réaliser une œuvre complète, très expressive, dont le côté stylistiquement monolithique ne constitue aucunement une gêne. Worm Ouroboros attend goulûment les amateurs de plongée en eaux infestées de sirènes.
- through glass
- a birth a death
- winter
- goldeneye
- failing moon
- riverbed
- brittle heart
- pearls
- a death a birth
j’ai un album (très bon) de Amber Asylum… oui c’est vrai je suis tondu…
à noter que la page myspace du groupe les mecs parlent de ta chronique: ils ont essayé de la traduire avec google, ont rien pigé et demandent si un francophone pourrait pas leur traduire!
Haha, effectivement, ils sont paumés avec la chronique de notre collègue. Faut dire que même en parlant français on a des fois du mal à comprendre :-p Allez Matt Ellestiloose, fait nous la version anglaise de ta chronique !