Une remarque pour commencer dirigée aux organisateurs : quand on programme une soirée, on ne la met pas le cul entre deux chaises avec un début à 19H30 et une conclusion tardive, après le départ des RER et des métros. Soit on commence tôt et on finit vers minuit pour que tout le monde puisse rentrer et se reposer avant de partir au boulot le vendredi (oui, bizarrement, il y a des gens qui vont aux concerts et travaillent le lendemain) ou on fait une soirée complète et on commence tard pour finir avec les premiers métros et bus. Logique mais pas tant que ça pour une organisation dont le concert s’est terminé avec les derniers moyens de transport. Pratique quand on bosse le lendemain et que l’on habite pas sur Paris! Merci à l’ami qui m’a hébergé sinon je n’aurais pas pu rester jusqu’au bout à cause de cette élitisme débile. Les concerts sont pour tout le monde, pas juste les parisiens.
Nous fûmes, moi et mon compagnon de route, bien avisés (mais pas totalement) d’arriver vers 20h30 et ainsi de louper un peu le début de la soirée quand on a constaté ce que l’on nous avait réservé. De la musique de club, fade et niaise. La salle remplie de bras croisés et de timides hochements de tête nous incitant à sortir en attendant mieux. Même topo pour les deux autres Dj d’ouverture malgré des allés et retour dans la salle de temps à autre avec un minimum d’espoir (mention spéciale au passage d’une chanson pop année 80 que j’avais oublié, à juste titre, et que l’on m’a remis dans la tête)
Nosaj Thing commence enfin vers 22H40 devant une animation de fond d’écran Windows complètement incohérente avec l’IDM qu’il nous présente, dix fois plus riche et dynamique que les trois Dj précédents. Meilleure réception aussi de la part du public qui ne le lui cachera pas avec moultes applaudissement en fin de set. Entre Flying Lotus et Four Tet, ce jeune asiatique californien flotte près de la tête d’affiche de ce soir, mais sans en atteindre la fraicheur. Les sonorités lumineuses qu’il projette sont dominées par une rythmique IDM assez house pour convenir à une atmosphère de club. Parfait pour le public de ce soir mais en revanche, passé une demi-heure son set m’a très vite ennuyé.
Enfin, après un déplacement de projecteur et le retard accumulé, Flying Lotus peut commencer vers minuit son set d’une heure et me rassurer de ne pas avoir perdu mon temps ce soir. Souriant et énergique, Steven Ellison aka Flying Lotus n’aura de cesse de réinventer ses morceaux dans des versions encore plus intelligentes, riches et denses. En nageant entre le cérébral et le dansant, il obtient un IDM ne reniant pas ses racines Drum and bass, gonflé d’éléments empruntés au rap et à la soul. La déconstruction commence dès le premier morceau avec une rythmique brisée et étouffante évoquant Dälek remixé par Venetian Snares. Le reste du set sera largement plus mélodique mais l’entrée en matière suffit à faire oublier l’heure, le public, l’agacement et de prendre son plaisir en sa compagnie.
Dansant avec son mix de manière à ce que chaque pulsation de son corps semble être transmise dans les machines qu’il manipule constamment, la projection d’images de Tetsuo, le chef d’oeuvre cyber punk de Shinya Tsukamoto derrière lui ne fait pas de doute quand à l’image qu’il se fait de son rapport à la machine. Il est lui-même homme machine, en symbiose avec son instrument. Décrit par certains sur les sites Rate Your Music et Last.fm comme du hip hop instrumental, les capacités de Wilson à remixer son propre travail et à le projeter dans un ailleurs rafraichissant lui permettent d’échapper à une catégorie aussi vague.
Son remix de Madvillain, transformé encore une fois ce soir là, ne permet pas d’en douter. Pourquoi alors le neveu de Alice Coltrane aurait-il choisit un titre empruntant un texte de Sun Ra, l’extra terrestre du free jazz déterminé à emmener le peuple noir dans les étoiles, où Madlib énonce « The wisdom of the past is the light of the past, the light which is to be the wisdom of the future, the light of the future casts the shadow of tomorrow » ? Difficile de ne pas y voir la transcription de la règle que suivent Madlib et Flying Lotus, emprunter au passé pour créer le présent. Un présent des plus enthousiasmant à l’aube d’un nouveau disque pour ce prodige à l’avenir rayonnant puisque le dernier titre, joué en rappel, sera l’un de son prochain album, Cosmogramma, à paraître le 3 Mai.