Ulver – 09 septembre 2009 – Queen Elisabeth Hall – Londres

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Vous m’auriez dit l’année dernière que je verrais Ulver deux fois dans l’année, je ne vous aurais pas cru. Vous auriez pourtant eu raison et je me demande alors quelle machine vous auriez pu utiliser pour obtenir cette information. L’idée d’une interprétation live de ces titres composés en studio devait alors n’être qu’à l’état de graine dans l’esprit du groupe puisque la proposition de l’organisateur du festival littéraire de Lillehammern Stig Saeterbakken, où le groupe s’est produit après 15 ans d’absence des planches, remonte à cette époque. Quinze ans d’absence et aujourd’hui six concerts au compteur, le deuxième ayant eu lieu en République Tchèque dans le cadre du Brutal Assault tandis que les trois suivants se sont déroulés en Norvège. Cette date du 9 octobre 2009 marque donc le début de la carrière d’Ulver sur le sol britannique, terre beaucoup plus propice à la venu de fans de toute l’Europe. Ce seront donc plusieurs centaines de metaleux qui investiront ce soir le Queen Elisabeth Hall, salle de concert où se produiront Henry Rollins, Tortoise, un Concerto for Beatbox and Orchestra, le London Jazz festival ou Rashid Taha. Salle plutôt inhabituelle pour ce type de public mais parfaite pour la musique de Ulver et de Mothlite, chargé d’ouvrir le bal.

La configuration de la salle est, tout d’abord, celle d’une salle de théâtre. Les sièges en cuir et la propreté immaculé sont des traits appréciables du lieu et toutes les conditions sont réunies pour passer une bonne soirée puisque l’acoustique de la salle se révélera irréprochable pour les deux prestations. Pas de temps perdu non plus dans l’organisation. Le billet indique 20H et le concert débutera donc un tout petit peu après 20H. La salle se remplira donc encore pendant le set de Mothlite qui ne recevra pas un accueil très enthousiaste au départ malgré toutes les qualités indéniables de leur musique. Intégralement composé par Daniel O’Sullivan (Aethenor, Guapo, Miasma and the Carousel of Headless Horses) et Antti Uusimaki (producteur de disques allant de Soft Cell au groupe de death metal progressif anglais Däm) et interprété sur scène par pas moins de sept musiciens : un chanteur (O’Sullivan) avec deux micros aux effets différents, une chanteuse, un guitariste, un batteur, un délégué aux machines (deux Mac Book et un sampler), un claviériste (avec trois claviers pour lui tout seul) et un clarinettiste jouant aussi des percussions.

L’orchestre ainsi réuni interprète les titres de The flax of reverie avec précision et charme progressivement une bonne partie de l’auditoire avec un mélange de mélodies aux consonances new wave et de compositions riches. Le registre de O’Sullivan est impressionnant, d’autant plus quand on connait le nombre de corde que l’artiste a de dresser à son arc. Bien que sa présence scénique soit réservé, tout comme celle de ses compagnons, la musique dégage suffisamment de personnalité pour que toute l’attention se porte vers la scène. Le rendu sonore de Mothlite permet aussi de s’enthousiasmer du spectacle a venir et Garm vient même interpréter un couplet sous les applaudissements d’un public déjà heureux de voir venir un des héros de la soirée. Tout leur répertoire épuisé (le groupe n’en est qu’à son premier album de six chansons), le groupe prend congé et la scène peut être préparée pour Ulver.

Pendant que s’affiche à l’écran Ulver, avec en dessous Queen Elisabeth Hall, marquant ainsi le côté exceptionnel de l’événement, le personnel s’active pour installer le matériel. Pas de clavier pour Daniel O’Sullivan mais seulement une guitare (alors qu’en République Tchèque il assurait guitare, basse et clavier). Pas une batterie mais deux! Disposés en cercle avec une place centrale pour le micro de Garm, son ordinateur portable et de quoi assurer des percussions. La configuration est donc plus recherchée que lors de leur concert en festival. Le groupe a amené en plus de ses instruments des tubes de lumière disposés autour de la scène, projetant ainsi des couleurs à travers l’obscurité et permettant aux musiciens de voir sans être vu. Nul donc besoin de fumer tout un paquet pour se calmer les nerfs. Les projections durant les morceaux seront aussi les mêmes, tout comme la set list pratiquement identique a celle en République Tchèque. Tout serait donc parfait pour une redite du concert précèdent à l’exception que le lieu se prête à une prestation beaucoup plus impressionnante.

L’acoustique, comme je le disais, est propice à l’interprétation et la diffusion d’une musique complexe et riche. Chose qu’il était difficile d’obtenir en extérieur et lors d’un festival. Les premières notes de « Little blue bird » sonnent donc avec deux fois plus de force et de conviction qu’en République Tchèque et il en sera de même pour les titres suivants comme durant « Rock massif » où la projection d’images mélangées de généraux Nazis et de l’holocauste décuplent la force de ce titre à la rythmique puissante enveloppé d’une lumière rouge perçante.

Ulver enchaîne ensuite avec « For the love of God » et commence alors a user du talent des musiciens présent pour recomposer partialement ses titres. Les lignes de chant de Garm ne seront ici pas augmentés d’un effet d’écho (regrettable) mais différeront fréquemment de leur version studio. Manifestation volontaire de l’artiste de s’adapter à la structure plus allongée de ses morceaux que l’énergie et la richesse du jeu des batteurs des machines permet d’agrandir dans des versions où les mélodies se mélangent. Les titres en ressortiront donc semblable à leurs versions studios mais beaucoup plus adaptés à un rendu live et plus riche que les arrangements studio car remplacés par d’autres ce qui ne fait perdre a aucun des titres de sa qualité.

Mieux encore, l’arrivée sur scène d’une invité, Pamélia Kurstin (collaboratrice de David Byrne, Foetus ou Sebastien Tellier) pour une interprétation de « Funebre » augmenté d’un solo magistrale. Cet instrument magique, pour l’ignare que je suis du procédé permettant la production de tel sonorités, réduira au silence le plus complet l’intégralité de la salle durant sa longue prestation. Accueilli avec de timides applaudissement, son retour vers la fin du concert (pour « Like music ») sera accompagné de beaucoup plus d’enthousiasme de la part du public satisfait de profiter une seconde fois des talents de cette petite musicienne / magicienne.

« Silence teaches you how to sing », « Porn pieces and the scars of cold kisses », « Plates 16-17 » et « In the red ». Chaque titre se suit et ne se ressemble pas. Très dense, le jeu entre les musiciens oscille entre la coordination et l’improvisation ce qui donne aux titres une énergie différente mais provoque parfois des conclusions un peu maladroite seulement annoncé par quelque frappes de cymbales. Tous les musiciens ne sont pas encore totalement habitués à jouer ensemble et il est même très probable que les deux batteurs (When, dont les disques étaient en ventes au stand de merchandising et ce que je présume être le batteur de Mothlite) n’ont pas eu beaucoup de temps pour répéter ensemble. La petite confusion qui peut donc régner par instant sur scène n’est toutefois que très légère et n’endommage en rien la performance. En revanche, il est permet de songer qu’avec plus d’expérience scénique, le groupe pourra briller encore plus que ce soir. De quoi en faire rêver plus d’un tant le niveau est déjà élevé.

« Hallways of always », délicieusement allongé, « Like music » et cette deuxième intervention de Pamélia Kurstin accompagné des notes de clavier de ce titre de « Shadows of the sun », puis « Not saved ». L’enfant regarde de nouveau le public de ses yeux absents sur la toile de projection et le groupe s’efface enfin dans l’obscurité. Une sortie de scène assez anti-climatique qui en aura laissé perplexe plus d’un puisqu’après avoir débuté en trombe, les applaudissements s’arrêtent alors que la salle est encore plongée dans l’obscurité et que l’on peut s’attendre à ce que le groupe retourne sur scène. La lumière s’allume, les applaudissements reprennent et le groupe revient alors sur scène pour saluer son public satisfait et enthousiaste. L’atmosphère est bon enfant et Garm prend alors le micro pour annoncer qu’ils n’ont pas prévu de rappel.

Je songe alors à ce stand de merchandising qui avait pris d’assaut avant le concert et ma petite déception quand je me suis rendu compte que le temps que j’arrive à me frayer un chemin jusqu’à la table toutes les tailles et tee shirt et de sweat Blood Inside avait été achetés et qu’il ne restait que des tee shirt de taille S et XL pour le modèle qui commémorait ce concert au Queen Elisabeth Hall. Pas assez de merchandising, pas assez de chanson. Ulver ne sait pas encore bien géré ses prestations sur ce type d’évènement. Pour un sixième concert, on excusera facilement ce manque d’inexpérience qui est de toute manière largement comblé par une prestation sublime. Il leur reste cependant encore beaucoup de marge pour s’améliorer, d’autant que le groupe ne semble pas vouloir s’arrêter en si bon chemin et a déjà deux concerts de prévus (en Grèce et en Hongrie). De quoi satisfaire les fans et les curieux.

Little Blue Bird / Rock Massif
For The Love Of God
Funebre (Theremin)
Pamelia Solo
Let The Children Go
Silence Teaches You How To Sing
Porn Piece Or The Scars Of Cold Kisses
Plates 16-17
In The Red
Hallways Of Always
Like Music
Not Saved

Chroniqueur

Mathieu Lubrun

Hororo est chroniqueur depuis 2004 sur Eklektik, bibliothécaire de profession, passionné de musique (metal, jazz, hip hop, electro …) et de comics. Alcoolique de concert et de disques, bavard et effervescent dès qu’il rentre en contact avec un artiste qu’il apprécie. Contactez-le pour lui dire tout ce que vous voulez à son adresse personnelle xhororox [AT] gmail [DOT] com et/ou suivez-le sur Twitter.

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