Corrupted – 17 octobre 2008 – Point Éphémère – Paris

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Annee de sortie: 2010

Faire jouer deux groupes arty se prenant pour des japonais en ouverture d’un des monuments du doom était aussi bien avisé que de faire jouer Eddy Mitchell en ouverture de Cannibal Corpse.

Ouverture avec Zeeck Scheck et suite avec la Chatte. Deux projets arty à souhait dont le visuel est plus travaillé que la musique. Zeeck Scheck, tout d’abord, est un groupe déguisé dont la musique free et noise s’articule autour de la projection d’un court métrage mettant en scène les personnages que les musiciennes incarnent. Mélangeant des costumes de monstres de la série Bioman et le cinéma de Bergman, le résultat est amusant puis lassant. Rien ne se passe.
Tous les petits bruits sont bien ordonnés mais, ne provoquent strictement rien. De la performance pour de la performance. En comparaison, la Chatte est pratiquement plus intéressante puisque les gros rythmes electro qui anime la performance de cette chanteuse dissimulée sur trois kilos de draps et poussant des cris aigus recouvert de delay sont dansants.
Cependant, les cris aigus … sans être horripilants (aussi surprenant que ça puisse paraitre) ne provoquent encore une fois rien. Le vide total. Que ce soit Zeeck Scheck ou la Chatte, ont sent une volonté de faire du « bizarre », de l' »arty », de l’original, voir même du japonais. Mais, en art, on ne s’invente pas une personnalité sans y mettre quelque chose de personnel. Or, la musique de ces artistes est tellement plus tournée sur la présentation que sur l’expression que leur musique à l’effet d’un pétard mouillé.

Après donc deux premières parties plus que dispensables, vient enfin le tour de Corrupted qui interprétera ce soir El mundo frio, son titre de 55 minutes le plus post rock et donc le plus décevant pour tout ceux qui étaient venus prendre du gros doom dans la tête.
Un guitariste entre en scène dans l’obscurité alors que le film projeté derrière commence. Psychédéliques, lentes et douces, les nappes de guitares qui introduisent le morceau désarçonnent tellement le public que certains protestent un peu. Des discussions animées démarrent dans le fond de la salle et couvrent en partie la musique. Des cchht fusent alors mais, ont le même effet.
Un danois venu spécialement voir Corrupted et visiblement éméché traverse le public en demandant pardon très fort pour aboutir sur le coté droit de la scène et commencer à demander où est Corrupted car il « aime le Corrupted », il « adore le Corrupted ». Grand bien lui fasse mais si il pouvait se la fermer ce serait encore mieux.
Heureusement, une envie pressante de rejoindre les toilettes le fera partir assez longtemps pour que tout se calme et que le morceau prenne de son ampleur. Quinze minutes se passent et le batteur arrive enfin. Le jeu est d’abord à l’image des guitares, doux et discret. Le rythme se fait ensuite plus lourd. Des frappes sur la grosse caisse donnent le signal du départ.
Le chanteur s’approche du micro et commence à parler en japonais d’une voix grave, douce et langoureuse. La montée en puissance se fait de plus en plus dense, la basse envahit l’espace et soudain, l’explosion. L’explosion de toute cette tension est alors irrémédiable et fascinante.
Le chanteur éructe avec un growl inhumain tandis qu’il brandit le micro et que son ombre se cambre, menaçante. Le son et le spectacle sont alors à la hauteur de l’attente du public venu spécialement pour entendre ce son massif. En tant qu’auditeur vierge de toute attente, je prends mieux conscience de la raison pour laquelle des gens viennent du Danemark pour voir le passage de Corrupted en Europe. Quand on aime le doom, on ne peut que venir prier à l’autel de ces dieux japonais. Entouré de ces mélodies douces et froides, à l’image du nom de la pièce qu’ils interprètent, ces riffs sont la quintessence de la lourdeur et de la lenteur.

L’explosion sera cependant de courte durée en comparaison avec la lente progression mélodique et le rythme reviendra ensuite aux mélodies du début. Dix minutes s’écoulent au rythme d’une ambiance post rock sombre et froide pour qu’ensuite les riffs reviennent avec toujours la même force mais, sans l’effet de surprise.
La voix se refait virulente et explose d’une rage à l’opposé même de la figure douce et calme de l’homme qui s’était présenté sur scène au départ avec son chapeau melon et son costume noir. Une dichotomie qui sied parfaitement à ces japonais experts dans l’art d’écraser leur public. Le final se fera sur la seule conclusion possible, un mur de feedback dans lequel le public se noie pendant plus de cinq minutes, perdu mais fasciné par les instruments qui déversent ce son étouffant et salvateur.

Le batteur quitte son siège, les riffs de guitares s’estompe, le chanteur remercie avec le sourire les gens qui les ont fait venir, leurs amis du Danemark, le public, puis se retire sous une nuée d’applaudissements enthousiastes. Certains seront déçus par ce manque de lourdeur et ce contraste privilégiant la mélodie aux riffs lourds et gras mais j’ai justement adoré tout cela et je n’attends qu’une seule chose, renouveler l’expérience.

Chroniqueur

Mathieu Lubrun

Hororo est chroniqueur depuis 2004 sur Eklektik, bibliothécaire de profession, passionné de musique (metal, jazz, hip hop, electro …) et de comics. Alcoolique de concert et de disques, bavard et effervescent dès qu’il rentre en contact avec un artiste qu’il apprécie. Contactez-le pour lui dire tout ce que vous voulez à son adresse personnelle xhororox [AT] gmail [DOT] com et/ou suivez-le sur Twitter.

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