On pourrait rédiger un bilan annuel comme on écrit une liste de courses. Après tout qui irait s’en plaindre aujourd’hui ? Des caméléons portent haut les couleurs de la tendance Myspace. Le buzz musical des blogs et autres webzines marque le pas. Et la tendance consommatrice est reine.
On pourrait tout autant cracher sur cette salope de hype, rouvrir les plaies des guerres saintes de chapelle, histoire de… Tout ça en pertes et profits. Actuellement prime la bonne attitude au bon moment. Comme hier me direz-vous. Mais s’il est un phénomène tendancieux aujourd’hui, c’est qu’elle peut être sincère – car il faudra bien reconnaître que la sincérité en musique peut-être de mise de temps à autre. Alors oui il y a un fossé entre la mode et le style. De même que la vertu n’a rien à voir avec la norme. La norme est pourrie et les Melvins sont anormaux. Mais ils possèdent cette vertu de plus en plus rare d’avoir du style, de cette originalité qu’ils incarnent depuis un bail. Sans que la mode et ses hordes de connards ne leur dictent quoi jouer, quand le jouer et surtout comment le jouer. Ecoutez leur dernier album, Nude with boots, et vous verrez que ça n’a rien à voir avec ce truc de consommateur de musique. On n’est pas dans cette culture du néant. Ils existeront encore dans un an eux ! Ah mais je vois déjà les langues de putes me criez que je ne prends pas un gros risque en m’appuyant sur les Melvins pour soutenir mon propos. Peut-être. Mais leur vingt cinq ans de carrièreparle pour moi et je leur dois un mea culpa pour ma chronique de leur A Senile Animal d’il y a deux ans. Il tourne en boucle depuis au moins six mois avec justement leur dernier Nude with boots… Par contre, j’aimerai bien voir la tronche de ces enfoirés s’ils découvraient que leur nom m’inspire la vertu !
Mais passons. Je ne m’appesantirai pas sur le « trop de musique, tue la musique », les joies de la consommation, les pros de la communication qui biaisent le système en vendant certes une musique de plus en plus exigeante mais surtout de plus en plus vide de sens ou tout du moins d’originalité. Après tout, nous en sommes nous-même les dindons de la farce de temps à autre dans ces colonnes… Mais s’il y a bien un leitmotiv dans ma playlistsde cette année c’est le style.
Osez venir me dire que le retour de Portishead avec Third n’avait pas cette classe ravageuse à même de fédérer bien des publics. Que Doppler, One Second Riot, Fight Amp dans un registre noise ou Cursed dans l’expiation de sa rage à travers son crust-core ne sont pas des chantres de leur style. La preuve Cursed en est mort. Même un The Cure un peu fatigué imprime encore son style en 2008. Sans compter son sympathique 4:13 dream, il y a la sortie de la revue Fear Drop et sa compilation de noms des scènes indus, electro ou post-hardcore/noise (Nadja, Dirge, Savage Republic, Wild Shores, Year Of No Light, Kill The Thrill, Troum et Contagious Orgasm) rendant hommage à Pornography, leur album culte. Dont acte.
Mais il est clair que j’ai passé bien plus de temps dans les nappes éthérées de Nadja, le sludge rock de Harvey Milk, le rock sombre de The Gutter Twins, le rock psyché funeste de The Black Angels ou de US Christmas, la branlette de manche de The Mars Volta ou bien encore l’ascétisme folk de Steve Von Till. Je ne parle même pas du projet Helms Alee (ma plus belle révélation c’est vous !), des valeurs sûrs – Nick Cave et Earth – des belles confirmations – Black Elk, Conifer, Ufommamut, Made Out Of Babies, Torche – et des petits plaisirs comme le Amen Ra, le Boris, ou le 5ive.
Alors évidemment on peut avoir ces petits péchés mignons avec les albums de The Kills ou de Scarlett Johansson. Mais et d’un, le style n’exclut pas le plaisir et de deux, Scarlett Johansson reprend du Tom Waits avec le producteur David Sitek des TV On the Radio. Le tout avec un evoix des plus suaves. Si ce n’est pas la preuve d’un certain style ?! TV on the Radio qui eux sans me décevoir ont oublié de me scotcher avec leur soul-rock de plus en plus sautillantes.
En matière de concert, Les Young Gods ont frappé très fort (une fois encore !) avec leur tournée electro acoustique. En matière de cinéma, les frères Cohen ont imprimé ma cornée avec No country for the old man.
Je ne saurai donc trop vous conseiller d’écouter votre vertu pour ne pas avoir à vous réveiller un jour dans un bain de « Fêtes Sanglantes & Mauvais goût » pour reprendre les mots du père Lester Bangs.
Albums de l’année
The Black Angels – Directions to See a Ghost
Harvey Milk – Life… the Best Game in Town
Cursed – Iii Architects of Troubled Sleeps
U.s. Christmas – Eat the Low Dogs