Pas que je sois rancunier contre les lois du hasard, mais il y a des jours où elles feraient bien de vous oublier un peu… Outre une journée d’un intérêt proche du néant absolu, ce seront les joies de la mécanique qui s’opposeront à ce que je prenne le chemin du Sonic à une heure décente. Vous comprendrez donc mon silence sur la prestation de Jack and the Bearded Fishermen, sympathique groupe estampillé stoner, ayant l’indicible honneur d’ouvrir les hostilités ce soir. Il doit bien y avoir une page myspace qui traîne consacrée au groupe. Consolez- vous donc.
Je débarque donc sur le Sonic pour le début de la prestation de LLorah. Descente directe à fond de cales au cœur de la faune pour découvrir l’un des nouveaux phénomènes émergents de la scène lyonnaise. La minuscule scène accueille les cinq gaziers nous délivrant un post hardcore sympathique, bien exécuté mais il faut bien le reconnaître pour le moment un rien conventionnel. Les morceaux s’enchaînent mais l’ambiance ne se développe que difficilement. Il faudra attendre le finish et un long morceau pour découvrir le potentiel du groupe. En attendant ce sont les trop longs blancs entre chaque morceau et quelques réminiscences metals (comme des borborygmes illusoires…) qui les desserviront le plus. Bref à revoir plus tard.
Pour autant la chaleur continue à monter de quelques degrés et l’attente se fait de plus en plus fébrile. Fin du set. Direction le bar puis le pont histoire de se vivifier au cœur de la tempête de vent qui règne en cette soirée. Cette tempête certes impromptue aura pour effet d’ajouter une dose de tension à l’atmosphère tant la péniche du Sonic se verra en proie à ce vent rageur. Les à-coups et autres tangages s’inviteront à la soirée. Le mal de mer est ton ennemi ? Ca fera la joie de certains ce soir…
Made Out Of Babies s’installe tranquillement. Basse, batterie, guitare mais pas l’ombre d’une Julie Christmas à l’horizon. Puis venu de nulle part un coup d’épaule. La belle accoure et se jette sur la scène. Haletante, consumée dans son rôle psychotique, elle ne sera que femme-enfant martyrisée durant tout le set. Dans ces guenilles et son maquillage sombre, la riot girl va nous servir un chant outrancier, rageur, où le silence devient une tombe, les murmures maladifs et les cris un appel au secours voilé d’une colère insatiable. Les titres s’enchaînent et la salle hypnotisée par ce regard aux couleurs d’horizons lointains subit imperturbablement les assauts de Made Out Of Babies. Le rouge carmin des cales du Sonic semblent sanguinaires ce soir. La femme, sa condition, ses peurs et ses joies, tout nous est jeté à la face et nous pauvres males en proie à nos affects nous ne pouvons qu’applaudir ! Les nouveaux morceaux tels “Mandatory bed rest”, “Mr Prison shanks”, ou bien encore “Silverback”, nous claquent à la gueule. Par rapport au dernier album, c’est le son de la première moitié du show qui choquera le plus. Très clair, pas cristallin mais la saturation semble avoir mis une sourdine et il faudra attendre ce long silence, le groupe statufié, la salle fascinée, pendue aux lèvres de Julie puis le sourire sardonique de la belle et l’explosion du groupe, les cris et les riffs acérés toutes griffes dehors pour voir toute la puissance du son nous annihiler et la furie nous gagner ! La chaleur est insoutenable et le groupe met un terme au show dans une moiteur étouffante après seulement deux morceaux de cette énergie dévastatrice. Ils reviendront sous les acclamations d’un public subjugué et qui en redemande encore tant le set nous semble court. Et manifestement il sera. A peine une heure rappel compris. Mais cette heure aura vu la seconde prestation de Made Out Of Babies dans la capitale des Gaules, une prestation rageuse, habitée où la simplicité et la gentillesse de ses acteurs, des compositions solides ainsi qu’une prestation un rien théâtrale transfigureront une journée sans lendemain.