Jesus Lizard + Sunn O))) – 27 mai 2009 – La Villette – Paris

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Annee de sortie: 2010

Ce passage de SunnO))) à la Grande Halle de la Villette dans le cadre du festival annuel Villette Sonique fut pour moi l’occasion de rentrer pour la première fois dans une « grande » salle. Pas en terme de réputation mais d’espace. J’ai beau aller très fréquemment en concert depuis plusieurs années, j’ai toujours évité jusqu’à présent les salles de ce type. Un peu étonné par l’espace, je me retournais même pendant les concerts pour regarder le public derrière moi, assis, comme un touriste qui ne peut s’empêcher de lever le nez pour voir la Tour Eiffel à tous les coins de rue.

Le set de Men Without Pants me donna d’ailleurs l’occasion de tourner la tête de temps en temps. Non pas que leur musique soit inintéressante. Le rendu scénique de leur rock agrémenté d’une touche électronique est propice à danser. Le public par contre n’était pas d’humeur à se remuer au rythme des gesticulations du guitariste de droite, incarnation parfaite du rockeur des années 70, cheveux sur le visage, saut de cabris depuis les retours et multiples tentatives pour faire taper des mains en rythme le public. Le batteur / chanteur de Jon Spencer Blues Explosion et sa compagnie ont surement de quoi faire se remuer tout autre public qu’une combinaison de fans de doom et de noise rock, mais ce soir il ne feront se remuer que quelques têtes ouvertes d’esprit ou des couples perdus dans la mauvaise soirée.

En effet, le contraste entre leur set et celui de SunnO))) ne pourrait pas être plus grand qu’entre un groupe des petits chanteurs a la croix de bois venu ouvrir pour Integrity. Men Without Pants danse et s’amuse tandis que SunnO))) écrase et convertit de nouveaux fidèles à la cause du gros riff gras.

Certains sont même tellement converti qu’ils veulent participer et un fan montera sur scène vers la fin du set. Il finira par rouler sur scène, sa seule main arrivant a percer à travers la fumée, avant qu’un membre du staff ne se précipite pour le transporter dehors pendant que les moines finissaient d’accomplir leur rituel.

Dix ans après, le duo O’Malley/Anderson revient sur leur premier enregistrement, The Grimrobe demos et embarque le public pendant une bonne heure d’un drone lourd et monolithique, à mille lieux de leur dernier disque, varié et oppressant.

Le mur de fumée, dispensé par une machine dont le bruit est le seul qui parvient à s’élever à travers le magma sonore des amplis, s’épaissit jusqu’à survoler le public tel une corne diabolique tandis que les deux moines deviennent des fantômes dont on ne distingue que les capuches et les mains quand elles se lèvent avant de s’abattre lourdement sur les cordes. Le son résone à travers la salle et traverse les corps de la gorge jusqu’aux épaules. On vibre et on s’extasie pour certains, on s’emmerde et on se regarde en haussant les épaules pour les autres. L’expérience SunnO))) aura encore attiré les curieux mais seuls les fidèles peuvent comprendre et apprécier.

Venir à un concert de SunnO))) signifie accepter de regarder, pendant au moins une heure, deux hommes interpréter une musique venue du fond des âges, au moment où la création fut, et se laisser porter par le flot des vibrations. Rien de plus mais rien de moins non plus. Pour ma part, j’en suis à ma troisième visite et j’en redemande encore. Leur meilleur prestation, entre celle du Point Éphémère et des Caves Le Chapelais, grâce a un excellent compromis entre un son lourd et puissant, une interprétation sonique et théâtrale irréprochable et une atmosphère grandiose.

Ensuite … et bien ensuite je dus repartir au bout d’un quart d’heure de concert de Jesus Lizard car la grève ne me permettait pas d’attendre jusqu’à la fin. Je vous épargnerais les détails de mon périple pour revenir jusqu’à mon lit mais le moment où je dus me retourner pour partir vers la sortie fut difficile, bien que je ne sois pas du tout fan du groupe, après avoir vu David Yow sauter deux fois dans le public, nager dans la fosse, porté par ses fans tout en chantant « I can’t swim, I can’t swim » puis se saisir d’une jeune femme pour la serrer contre lui tandis qu’il continuait d’entonner ses paroles; tout cela en l’espace de seulement cinq chansons. Un quart d’heure qui restera autant gravé dans ma mémoire que l’heure passée en compagnie des prêtres des amplis. Maudites soit les grèves et bénis soient SunnO))) et The Jesus Lizard. !

Pour ma part, cette journée du mercredi était très attendue car elle conciliait l’expérience live toujours hors-normes de Sunn O))) et le retour de Jesus lizard porté par un David Yow que je savais toujours en très grande forme au vue des dernières prestation de Qui dans la capitale.
C’est pourtant plutôt mal que commence la soirée avec Men Without pants qui semblait assez alléchant sur le papier (mélanger Dan The automator et le batteur du Blues Explosion, ça fait envie) mais fut sans saveur sur le moment, car proposant un rock trop propre manquant de fougue et d’inventivité.

Le contraste avec Sunn 0)) sera imposant, ces derniers créant dès les premiers accords une atmosphère unique et quelque chose de jamais entendu, quitte à laisser une partie de l’auditoire perplexe et interloqué. Je ne rentrerai pas dans le débat « Sunn O))) arnaque ou musique ? », pour ma part, les voir en live est toujours un grand bonheur et cette fois aura été totalement bluffante. Jouant leur Grimmrobe Demos, le groupe utilisera la sensation physique des battements sonores créés par la présence de fréquences proches. Grâce à ce phénomène scientifique, le groupe place alors le spectateur dans un état second où l’expérience physique prévaut sur l’expérience musicale. Le résultat consistera en une heure non-stop de drone encapuchôné servi par des musiciens apparaissants dans des nuages de fumée imposants.

Le contraste fut de nouveau énorme avec l’arrivée de The Jesus Lizard. Ici, la musique est viscérale et organique, la preuve en est avec un public qui se déchaînera tout au long du concert, encouragé par un David Yow en grande forme, passant la moitié du concert dans le public et l’autre à faire des conneries sur scène, le tout en maîtrisant parfaitement ses lignes de chant. Côté setlist, c’est du méga-best-of, le concert commençant sur « Puss » pour naviguer ensuite entre des titres aussi marquants que « Then Comes Dudley », « Boilermaker », « Mouthbreader », « Killer McHann » ou « Seasick » (et son « I can’t Swim » dévastateur). Musicalement, tout est parfaitement maîtrisé grâce à Denison impérial à la guitare et Sims au regard de tueur balançant ses lignes de basses vicelardes à un public conquis.

Vous l’aurez compris, un concert qui n’aura déçu aucun fan de ce groupe phare du noise-rock et qui aura, j’imagine, fais de nouveaux adeptes au sein des curieux.

Merci à Robert Gil pour les photos

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