Si j’étais honnête intellectuellement, je vous avouerais ne pas avoir particulièrement prêté attention au premier album d’Oathbreaker que j’avais paresseusement classé avec Deafheaven parmi tous les groupes de post / black / shoegaze, chapelle musicale aussi excitante qu’un brunch un dimanche matin à Châteauroux.
J’ai eu visiblement tort, puisqu’à travers Rheia, les belges se démarquent brillamment des leurs monotones congénères en grande partie grâce à la voix possédée de Caro Tanghe qui alterne avec une intensité rare les hurlements à glacer le sang et les parties chantées dans un registre voisin de celui Julie Christmas (Made out of Babies, Battle of Mice…). Vertigineux, les titres « Second Son of R », « Being able to feel nothing » ou « Needles in your skin » naviguent entre la colère et la mélancolie en quelques mesures, entrelacent et superposent les tensions et de brèves accalmies qui ne trouvent d’issue que dans un nouvel accès de rage désespérée. Rheia est d’une sincérité désarmante et d’une urgence étouffante, assène coups sur coups à l’auditeur, le berce brièvement avant de l’emporter à nouveau dans de nouvelles convulsions. Le groupe joue comme s’il était en permanence au bord de la rupture, rétablit son équilibre alors qu’on le croyait à deux doigts de se casser la figure et se relève brusquement pour donner le coup de grâce.
Si j’avais un seul reproche à faire à ce disque, il concernerait les parties post-rock éthérées de « Where I leave » ou « Immortals », à mon goût forcément un peu plus fades que le reste (repensez au brunch dominical à Châteauroux et vous aurez compris l’idée), qui diluent son intensité. Cette contrariété mise à part, Rheia est un très beau disque, éprouvant et lumineux.
post-scriptum : non, inutile d’insister, je n’écouterai pas à nouveau un album de Deafheaven, il y a des limites.