Neurosis – Given to the Rising

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Style: metal/hardcore ambiantAnnee de sortie: 2007Label: Neurot Recordings

Rien. Nulle sensation. Même pas le plus profond ennui pour justifier cet état. Non je ne ressentais rien. Et ce durant de longues heures passées à tenter l’impossible : m’immerger dans cette œuvre, un disque déjà annoncé comme monument taillé pour la postérité. Ca fait désordre. Surtout lorsque votre frêle carcasse voudrait être touchée, ne serait-ce que du doigt, par cette postérité. Mais pour ainsi dire je m’en foutais. Je ne m’en excusais même pas. Je ne me voyais pas sucer la bite de mecs affublés d’un statut d’idole pour le principe. Ca ne m’apportait rien et eux ne s’en portaient pas plus mal. Quoique l’ego soit une belle salope…

En attendant, je me retrouvais avec un album non pas sans intérêt – on parle de Neurosis Messieurs Dames tout de même ! – mais sans saveur. Sachant que Souls at zero, Enemy of the sun et surtout Times of Grace m’avaient cloué au pilori. Que A sun that never sets et The eye of every storm m’avaient apaisé au cœur de ma torpeur, que pouvais-je attendre de plus des mecs d’Oakland Californie ? Rien peut-être. Et c’est finalement là que se situait mon problème. Loin de vouloir tuer le Père, je n’attendais plus rien de Neurosis. Et je m’en étais à peine rendu compte.

La faute en revient au cathartique Times Of Grace. Hier, chaque écoute se révélait dangereuse et superbe. Aujourd’hui encore ce sont les mains moites et la peur au ventre que je me plonge dans cette œuvre si violente, qui vous happe au sein d’un cataclysme pour vous recracher à l’état de loque. Nul autre album, nul autre musicien n’est parvenu à me manipuler de la sorte. Alors peut-être qu’entendre de nouveau ces accords plombés, ces guitares ciselées pour vous disséquer à cœur ouvert, ces arrangements et ces compositions aux accents mystiques, à mi-chemin entre la résignation et l’apocalypse, tout ceci ne pouvait plus me toucher pour la simple et bonne raison que j’avais peur. J’étais inhibé. Perdu dans un refus total de replonger au cœur de ces tensions, de ce voyage initiatique ténébreux où l’organique – la poussière, le sang – se mêle au mystique – le soleil, l’esprit – pour une union quasi divine où l’être perfectible se complaît dans une position extatique, une contemplation philosophique ou religieuse de la perfection. Non je ne voulais plus souffrir. Et il faut bien le dire, les albums qui suivirent – A sun that never sets et The eye of every storm – ou les différents projets soli de Steve Von Till ou Scott Kelly m’avaient aidé à dépasser cet état, cette situation quasi critique. J’étais marqué de ce sceau mystique à jamais mais ces autres différents opus avaient su passer le baume salvateur. Celui qui vous évite le point de non-retour.

C’était sans compter sur le talent de ces diables de Californiens pour qui le soleil représente bien plus qu’un indice UV pour cour mondaine. Given to the Rising par certains aspects reprend les atours de Times Of Grace. La puissance des guitares n’aura échappé à personne. Mais Given to the Rising ne reprend pas les choses là où Times of Grace les avait laissé. Given to the rising possède une autre force, se masque d’un nouveau visage. A l’instar de cette condition humaine qu’ils nous dépeignent depuis 10 albums. Dépressive, dévastée, mystique certes. Mais l’urgence n’est plus la même. L’apocalypse a fait place à une colère désabusée. La contemplation est de mise mais l’être est de nouveau violent. Pour se rassurer d’être encore en vie peut-être. Un peu comme ces visages burinés et sans âge naviguant autour de vous, dans votre quotidien, qui portent un regard glacial et résigné sur leur propre condition tout en se rassurant de ne pas être déjà mort. Sans même savoir pourquoi…

Pour autant, la méthode Neurosis est sensiblement la même : on plonge l’auditeur au cœur d’une immersion sonore pour lui faire vivre une transe. Les rythmiques lourdes, lentes, répétitives, voire minimalistes s’enchaînent à la puissance du hardcore pour nous entraîner dans une maestria d’inspiration tribale. Les guitares tour à tour lestées de plomb ou tranchantes et ciselées écharpent les chairs et les oreilles. Le chant rauque et rocailleux, blessé dans l’âme mais d’une puissance incontestable nous guide au travers des différentes couches sonores qui viennent parfaire cette musique. Samples et autres musiques électroniques animent les éléments et transfigurent la symbolique du soleil, donnent définitivement vie à chaque morceau et à chaque intention du groupe. La fin de « Water is not enough » en témoignera notamment. Musique sombre, dépressive, en colère donc. Mais aussi lumineuse et surtout d’une unité quasi parfaite où la lumière se fraye un chemin en même temps que le plaisir d’écoute éclôt. Aucun temps mort. Les mouvements emphatiques se succèdent. Le calme enfante toujours la tempête. La rage s’essouffle souvent face à la quiétude. Et Steve Albini aux manettes d’orchestrer cet hydre. Il y a produit ce son sec et froid, à même de laisser libre cours à la puissance, à ces nouvelles compositions plus physiques, moins psychologiques mais tout aussi violentes. Et cette violence finit par me conquérir. D’autant plus qu’elle s’est immiscée dans le travail de composition, s’appuyant autant sur les projets soli de Steve Von Till ou Scott Kelly – entre autre dans cette façon plus sereine de poser leur voix – que des deux derniers albums et leur travail de couche sonore plus prépondérante – j’exclus volontairement l’album en duo avec Jarboe, plus versatile à mon goût.

Avec ce nouvel album, Neurosis est de nouveau le conquérant que l’on connaît, ironisant sur notre funeste destin mais justifiant la tragédie de la condition humaine – cette vaste Comédie ? – par les moyens de l’art. Malgré l’hermétisme de cette musique, malgré cette lame vous tailladant les tripes, cette musique est très certainement un acte d’amour qui n’ose dire son nom. Et donc incontournable.

  1. given to the rising
  2. fear and sickness
  3. to the wind
  4. at the end of the road
  5. shadow
  6. hidden faces
  7. water is not enough
  8. distill (watching the swarm)
  9. nine
  10. origin
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31 Commentaires

  1. Devin says:

    Given to the Rising m’a ouvert rétroactivement aux secrets des deux derniers albums dont je ne comprenais pas vraiment la ligne directrice; cette évolution qui tend de plus en plus à l’épure c’est juste l’Inspiration naturelle acquise avec l’expérience. Je l’accepte et je dirais même plus je surkiffe.

  2. pearly says:

    génial, sublime. Sorte de retour à un son brut d’antant, tout en conservant pas mal de structures du son de The Eye Of Every Storm, c’est une sorte de bloc massif, à écouter de A à Z sans pause.
    d’ailleurs, suffit de voir ça sur scène pour comprendre que le groupe retrouve là une fureur assez démoniaque.

  3. wakos says:

    Rien à redire, cet album est un monument d’émotions tout simplement hallucinant. ça vous prend au tripes et vous retourne la tête comme très peu de groupes arrivent à le faire. Il est clair que cet album figurera dans mon top 10 de l’année !

  4. guim says:

    Toujours pas écouté,la chronique est terrible,et je pense sacrifier très vite quelques deniers à l’autel Neuro

  5. Nemocore says:

    Superbe chronique pour un album qui l’est tout autant. Non seulement neurosis a su revenir sur son passé mais en y distillant les éléments plus récents de leur évolution. Sinon rien de neuf, une nouvelle plongée dans les méandres de l’âme humaine, sinueuse, sombre mais pouvant parfois receler d’un brin de clarté.
    Et petite préférence personnelle pour le monstrueux To The Wind

  6. Beclo says:

    Encore une chro qui parle plus du chroniqueur et de ses états d’âme que du disque en lui-même… Un disque qui n’a d’ailleurs rien d’ambient (avec un « e », merci). Et la partie qui parle du disque comporte les mêmes choses que 90 % des chroniques de Neurosis : « plomb » « ciselé » etc… Neurosis change sans cesse, ce serait bien que les chroniqueurs en fassent autant et ne ressortent pas les mêmes adjectifs à chaque fois. Probablement pas le meilleur Neurosis, mais un album qui fait plaisir après un mou du genou « the eye of every storm » qui n’était pas assez constant dans la qualité. Dommage que Dave Edwardson ne soit toujours pas revenu au chant, car ça aurait bien marché avec le retour au rock/metal pur et dur.

  7. Faya says:

    Beclo : Parce que c’est facile de décrire un album de Neurosis? Justement, une vision ultra subjective des émotions du chroniqueur est plus intérérrésante pour un disque comme celui là, et pour un groupe qui joue plus sur le ressenti que sur un côté « m’as tu vu ».
    Superbe chronique donc, dont je corrobore tout les propos. Un monument de plus a ajouter à leur discographie.

  8. Ars Moriendi says:

    Rhalala encore un groupe apparement monstrueux que je ne connaît pas. Tain j’suis vraiment une brêle moi !

  9. darkantisthene says:

    on toriendi concernant ce groupe ?

  10. Neurotool says:

    @ beclo: fais moi lire ta chronique de cet album.

  11. cylens says:

    ambiant avec un a, c’est pas brian eno, merci

  12. Ars Moriendi says:

    eh bien non, et pourtant j’aime bien tout ce qui est Darkantipopulaire ! moarf moarf moarf

  13. Beclo says:

    Ambient est un mot anglais dérivé de ambient music. Y mettre un « a » n’a aucun sens, et si on utilise le mot français, c’est encore pire car ça ne veut strictement rien dire. Vous n’avez qu’à foutre « métal/noyaux dur d’ambiance » si vous êtes si anglophobes.

  14. wakos says:

    Pfffff ….

  15. jonben jonben says:

    @Beclo : Considère que c’est l’adjectif français ambiant accolé au qualificatif musical « universel » metal/hardcore, il n’y aucune règle à ce sujet donc de leçons à ne recevoir de personne. Même si tu as l’air d’être un grand fan de Neurosis, neurotool l’est sûrement autant.

  16. Beclo says:

    Justement, ambiant n’est pas la traduction d’ambient, et ne veut strictement rien dire en tant qu’adjectif acollé à un style musical. « d’ambiance » en est la traduction littérale et juste de sens. Un jour s’est levé où quelques abrutis ont écrit « ambiant » en faisant une faute d’orthographe et depuis une foule de crétins croient que c’est la bonne orthographe et y cherchent un sens pour le justifier. N’importe quoi.

  17. jonben jonben says:

    Houla tu t’enfonces, c’est de l’Hallu.

  18. wakos says:

    et ça change quoi à l’écoute du disque ? ce qui est n’importe quoi, c’est de faire un foin pareil pour ça, tu ne trouves pas ?

  19. Ars Moriendi says:

    ah, moi je ne mettrai jamais en doute la parole de Mr Bernard PIVOT

  20. Marc says:

    Beclo / Hallu, remballe ton agressivité et ton arrogance stupide, si tu ne postes que pour ça, c’est pas la peine. Get a life.

  21. Pablo says:

    Beclo, Hallu, pseudo differents, stupidité identique.

  22. cylens says:

    du grand n’importe quoi, remballe ta musicologie de forum (pire que de comptoir), stp.

  23. fewz says:

    « get a life », énorme, et pas faux!
    Très bon album des californiens sinon. J’adhère complètement même si je le trouve assez inégal…

  24. mkhno-maîtreCapello says:

    Bonjour la lourdeur ambiante!

  25. guim says:

    Oui c’est du Neurosis ;) .J’ai écouté le disque,il défouraille bien comme il faut,ce groupe est tout bonnement au dessus des autres dans son genre et je pense pas que ce soit près de s’arrêter

  26. Nemocore says:

    Sans vouloir rentrer dans le débat dialectique, Neurosis peut tout aussi bien se voir qualifier d’ambiant en ce sens où leur musique envahit l’espace et nous laisse nous immerger. Oui il est de bon goût de chroniquer un tel album vis-à-vis du ressenti de l’auditeur plus que d’une analyse systématique de l’objet en lui-même. Bien que profane en un sens, il s’agit toujours bien d’art, et la part de subjectivité est énorme.

  27. vince says:

    Pas vraiment d’accord avec certaines choses de la chronique (m’enfin c’est pas très important ^^). La condition humaine comme dit dans la chronique est bien au centre de l’album, mais elle est vue d’un point de vue que je trouve assez lumineux. A ce sujet la citation de Jack London à l’intérieur du livret est d’ailleurs la clé qui permet de comprendre le disque et ses paroles: « the function of man is to live, not to exist, i shall not waste my days trying to prolong them, i shall use my time ». Invitation à vivre plutôt qu’à se resigner. Et puis après tout, comme dirait l’autre, pas de lumière sans ténèbres.

  28. Y Thiên says:

    Quelle pertinence! Bravo Neurotool!
    je ne connais pas toute la disco de nos chers gars de San Fransisco,mes 2 favoris sont times of grace et a sun that nevers sets. Jétais très déçu de the eye of every storm et c’est avec grande joie que j’ai écouté le ptit dernier là,il ne va pas décoller de mon lecteur,que ce soit à la maison ou ds la voiture,il va me suivre partout!

  29. Baptiste says:

    Chef-d’oeuvre encore une fois, Neurosis est indétronable, c’est lui le roi…

  30. Spektr says:

    Pour ma part Given to the Rising représente le premier faux pas du groupe, dommage alors que Neurosis nous avait habitué à étaler chefs d’oeuvres sur chef d’oeuvres. Comprenons nous bien, il n’est pas mauvais pour autant, en aucun cas même, il est même sacrément jouissif faut dire ce qui est, mais il constitue tout de même un gros plagia des oeuvres précedentes et en fait donc un album dispensable. Dommage, oui ! mais ne boudons notre plaisir quand même !

  31. Monster says:

    Complétement d’accord avec le commentaire de Spektr, ça change des avis des fans aveugles du groupe (et Dieu qu’il y en a beaucoup) et j’irais même plus loin en disant que ce Neurosis là il est pas mal mais sans plus (ça vaut 14/20 quoi, 15 à la rigueur si on est fan) parce que rien de nouveau sous le soleil.

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