La polyvalence et l’ouverture d’esprit sont deux notions qui, lorsqu’utilisées à bon escient, ne peuvent forger que le bon et frôler l’excellence. Ainsi le prof d’informatique bon cuisinier n’aura aucun mal à expliquer à ses élèves le fonctionnement de tout algorithme de premier degré. Un cinéaste ayant un goût prononcé pour l’art, ou lui-même artiste avant d’être cinéaste, ca donne Lynch. Un artiste graphiste passionné de mathématiques… Escher.

Trois rigolos pas si rigolos que ca portant un intérêt tout particulier à la musique classique ou au jazz, ca donne L’Encre et la Plume. Ou comment expliquer, en l’espace d’une trentaine de minutes, comment on écrit un metal se classant aisément parmi les plus belles créations du genre.

L’aspect grandiose est un des points forts des trois titres que nous offrent les savoyards.
L’aspect grandiose est un des points faibles des trois titres que nous offrent les savoyards.

Il est indéniable que l’écriture de La Rumeur Des Chaînes est excellement menée, rondement étudiée, et élaborée par des musiciens de talent, maîtrisant leurs instruments et l’harmonisation qui en découle. Cependant, dans les méandres de ce grand[é]loquent black metal se glissent des éléments aussi plaisants que dérangeants. Si le trio a voulu choquer dès son premier essai, on peut dire que c’est réussi.

Des morceaux d’excellente facture, aux articulations chaudement huilées, appuyées par des textes contraires à bon nombre de règles d’écriture poétique, jouant allègrement (et consciemment?) sur les impairs, la compléxité de l’effort est à applaudir, et la cohérence à saluer. Vous l’avez compris, nous avons affaire à ce que le commun des néo-métalleux-boutonneux appellerait « black métal symphonique ». Oubliez Dimmu Borgir ou tout autre groupe de cette trempe, soigneusement entérrés par le talent des jeunes savoyards.

Des reproches, oui, mais aucun négatif jugement de valeur. La boite à rythme ne répond guère aux éxigeances d’un telle musique, nécessitant un tact et un certain feeling absents des frappes mécaniques et sans nuances qui couvrent l’effort. Les orchestrations, bien que soigneusement écrites, souffrent d’une éxecution par moments bancale, manquant de panache, de puissance et de vie. S’aventurer dans le classique et le jazz, c’est s’aventurer dans un monde où les significations et les liens intralinguistiques changent pour faire rimer rythme avec vie et jeu avec souffle.

J’attends avec peu de patience et grande curiosité les futures créations du trio, qui a, sans l’ombre d’un doute, la tête pour détrôner tous les prétentieux (et souvent inutiles groupes de black métal français, qui feraient mieux de prendre des leçons.
L’Encre et la Plume se révèlent être de très bon professeurs.

Donnez au groupe des moyens à la hauteur de son talent. Et pleurez en assistant aux ravages que cela causerait. Mon chapeau est au niveau de mes chevilles.

8/10

PS : Les 3 titres sont téléchargeables sur leur page myspace.

1. l’encre et la plume
2. erythème
3. le baptistère