Ecrire sur cet album c’est lâcher prise. C’est tout oublier. Laisser place à la passion. L’aveuglement. Celui de cette lumière blanche qui unit dans un instant d’éternité l’abandon à la rage. La discographie de Noir Désir compte de nombreux albums dont un nommé des visages, des figures. Mais c’est bien ce Veuillez rendre l’âme (à qui elle appartient) qui possède tous les visages et toutes les figures. Car bien au delà du succès médiatique, cet album incarne Noir Désir, son rock sauvage, cette voix charismatique, l’expression de la passion dans ce qu’elle a d’ultime et de fatidique, les sentiments qui vous envahissent, liés à l’oubli impossible et à cette rage d’en découdre une dernière fois. C’est sombre certes. La sueur et la crasse sont omniprésentes, oui. Mais c’est pour ces instants que je vis. Ces instants où la vie ne tient plus qu’à un fil, ces instants où la passion vous possède et vous ensorcelle, ces instants où la chaleur se mêle à l’ivresse, où les démons et les cicatrices sont expiés, où les lendemains n’existent pas. Ecouter Veuillez rendre l’âme… c’est être envahit d’une fougue brûlante, c’est ressentir le feu sacré aux creux de ses entrailles, courir dans ses veines et le long de la moelle épinière. C’est enfin accepter dans un renoncement amer le vide laissé et vivre au cœur d’une nonchalance.
A travers cette débauche sensorielle, ce sont bien d’autres visages et figures qui jaillissent. Ces textes devant tout autant à Lautréamont qu’à Maïakovsky vous entraînent dans un road-movie punk. Chacun y apparaît ou disparaît dans une galerie de tableaux tous plus éloquents les uns que les autres. Les images se bousculent, s’emballent (« A l’arrière des taxis ») ou se fixent sur l’ultime instant (« La chaleur »). La fraîcheur du vent (« aux sombres héros de l’amer ») ou la chaleur de la nuit (« Joey ») vous caressent. Bref le film court, nous entraînant vers une tragédie certaine. Mais elle n’est que la conclusion logique de cette passion qui l’anime. Qu’elle soit amour (« Les écorchés ») ou vengeance (« La chaleur »), qu’elle se cache derrière l’ennui (« Apprends à dormir ») ou le manque (« What I need »), c’est toujours cette salope de passion qui vous pousse. Elle aura beau se faire belle et cajoleuse, elle porte toujours en elle les stries de le tragédie (« Sweet Mary » « Ghosts are waiting for you »). Inutile de juger, elle est la plus forte…
Ma chanson préférée de cet album est « Les écorchés ». Cette chanson n’est d’ailleurs pas uniquement ma préférée de cet album. C’est avant tout une de mes chansons fétiches. De celles qui accompagnent votre vie, s’y immisce, vous tend un miroir pour y projeter votre vécu. Je vieillis et elle glisse avec moi dans le temps. Elle possède ce vent de folie et de passion qui m’est si cher mais elle parle surtout d’amour. Et en cela elle est inaliénable. Et m’évite par la même occasion d’avoir à me rouler dans les mièvres comptines de Barry White !
A ceux qui n’auraient encore rien découvert de cette musique et de ce groupe (par quel miracle ?!) sachez que le vent de folie qui vous envahira à l’écoute de ces morceaux sera dangereux, hypnotique, violent et sensuel. Pour autant, la quête du vide induite dans ce voyage s’échoue toujours dans les limbes d’une certaine sérénité.
A ceux qui peuvent tout perdre par passion.
- a l’arrière des taxis
- aux sombres héros de l’amer
- le fleuve
- what i need
- apprends à dormir
- sweet mary
- la chaleur
- les écorchés
- joey i
- joey ii
- the wound
excellent choix Neurotool, on sent la passion dans cette chro! Cet album est incroyable, intemporel, et il me donne encore des frissons. Choix difficile entre cet album, « du ciment sous les plaines » et « Tostaky » tant leurs morceaux sont brut et chargés d’émotions. Après cette époque je sens un peu moins de spontanéité. Mais je cite quand même dans les choses un peu plus récentes 2 titres favoris pour moi: « volontaire » avec alain bashung et à « ton étoile » remixé par Yann Tiersen
Excellent chronique pour un album intemporel, indémodable et tout simplement génial !
Joli chronique Neuro, c’était pas évident avec un disque tel que celui-ci. En tout cas voilà exactement l’album que j’aurais choisi pour ce groupe même si Du ciment… et Tostaky auraient largement mérité leur place. Je te rejoint aussi sur la préférence pour les Ecorchés, un titre fantastique qui continue encore aujourd’hui de me donner des frissons à chaque écoute. Noir désir est LE groupe de rock français et ce pour encore longtemps je pense….
et ouais tu vieillis ! pour ma part je préfère 666/667, le côté passionnel de ce veuillez que tu mets en évidence me paraissant justement ne parler qu’à une fougue archétypique de la jeunesse. Bref ce sont des ambiances qui ne me parlent plus. ce qui n’enlève rien à son caractère anthologik et… comme d’hab, bonne chro coquinou !
ahah quel album di diou !!!
ça fait plaisir de lire ça, même si, histoire de pinailler, je préfère encore et toujours Du ciment sous les plaines.
mais quel groupe, quel groupe.
J’ai adoré à l’époque le Noir Désir d’avant Tostaky. Comme Pearly c’est « Du Ciment pour les Plaines » que j’ai le plus aimé, avec passion comme le dit si justement la chronique car ce Noir Déz’-ci ne pouvait être apprécié que sur ce mode. C’était le combo qu’il me fallait rencontrer à cette période de ma vie. J’avais moins apprécié le virage plus direct pris à partir de « Tostaky ». Et puis est arrivé un moment où je ne me suis plus reconnu dans tout cela, parce que certaines expériences m’avaient mûri. et aujourd’hui tout ça me semble si loin.
Finalement, je crois que cette première incarnation de Noir Désir exprimait avec une pertinence rare et toute leur complexité des sentiments typiques d’un certain âge de la vie. Mais leur évolution musicale fut sans doute plus fortunée que celle de The Cure, dans ce registre.
Merci pour l’instant Proust, Neuro !