Le temps (la météo) de merde a un intérêt : ça appelle à l’introspection. Et comme, en général, on se fait rapidement chier en s’écoutant, je me suis dit que ça serait peut-être pas mal de se lancer à corps perdu dans la musique qui permet sans doute l’accès le plus direct aux profondeurs : le blues.
Ah ça y est, il a craqué, il est tout vieux, tout pourri, vous direz-vous !
Attendez, bande de teints palots (sauf si vous revenez d’Espagne) ! Rien de plus vivant que le blues ! Et même le blues le plus authentique, serais-je tenté d’ajouter si ce terme n’était pas aussi vide de sens. Parce que Steve Seasick – et même s’il ne qualifie pas sa musique comme telle – ne pratique pas un blues électrique avec soli criards en veux-tu-en-voilà.
Pas de big band, pas d’envolées, pas de branlette. Mais quoi alors ? Du brut. De l’épuré. Du pur. Et du gras. Du corrosif.
Fermez les yeux, vous êtes dans le Mississipi, entouré de vieux tacots rouillés et de champs de coton. Robert Pete Williams désosse des trucks moisis d’un côté, tandis que Son House se balance dans une rocking chair sur le pas de la porte d’une grange et pose un regard bienveillant sur le feu qui anime la musique de Steve.
Si ces noms ne vous éclairent pas particulièrement, peut-être que si je vous dis qu’on a une sorte de version dépouillée de Triggerfinger, l’oeil va un peu plus réagir ? Un ZZ TOP originel et profond qui n’hésiterait pas à utiliser le banjo, la mandoline et le violon, ça vous convient encore mieux ?
Attention toutefois à ne pas vous attendre à la même mélodie et aux mêmes lignes vocales déployées à l’envi pendant 40 minutes. La force de Steve c’est la variété : si le titre introductif « Treasures » prend immédiatement aux tripes et montre que l’horizon musical de Seasick n’a comme limites que celles de l’absence d’émotion (on pense à Jackson C. Frank), « Back in the doghouse » ou « You can’t teach and old dog new tricks » pourraient constituer la bande son d’une baston arrosée dans un vieux pub Texan (on pense alors à R. L. Burnside), tandis que « Underneath a blue and cloudless sky » ou « Whiskey ballad » nous plonge dans une atmosphère de douce mélancolie.
Comme de bien entendu, cette musique se bonifie avec le temps et la cuvée 2011 est, selon moi, la meilleure depuis les premières vendanges du barbu vagabond..
Prenez un grand bol d’air, trouvez l’ampli dont le bouton va jusqu’à 11 (mes amitiés à Cleveland) et faites chauffer la voix, l’instrument à cordes et la batterie. Rien de plus. Tout est là, ne rajoutez même pas de sel.
Alors que certains (la majorité) s’emmerdent à vouloir en mettre plein la vue en nous en mettant jusque ras la gueule, le vieux Steve, qui a le mal de mer, donne une leçon à ceux qui sont en mal de paire.
http://www.youtube.com/watch?v=lJJw2lVytdU&feature=related
set list :
1. Treasures
2. You can’t teach an old dog new tricks
3. Burnin’ up
4. Don’t know why she love me but she do
5. Have mercy on the lonely
6. Whiskey ballad
7. Back in the doghouse
8. Underneath a blue and cloudless sky
9. What a way to go
10. Party
11. Days gone
12. It’s a long long way
13. Story
Très bon disque, avec , excusez du peu , John Paul Jones en guest sur quelques titres …