Voilà une chronique totalement improbable puisque nous n’avons chroniqué aucun album de Pearl Jam sur le webzine à part les deux albums cultes du groupe Ten et Vs. Je ne me considère d’ailleurs pour ma part pas du tout comme un fan du groupe (mais plutôt comme un fan de Ten, album que je vénère) puisque je n’ai globalement rien aimé de ce que j’ai écouté du groupe après Vitalogy (allez je crois que j’avais aimé quelques titres sur Yield quand même), et j’aime ce dernier sans le considérer non plus comme un excellent album. Je n’ai d’ailleurs probablement pas écouté en entier les albums qui ont suivi No Code (l’album de la déconvenue pour moi tant je n’aime pas du tout cet album), généralement l’écoute d’un ou deux morceaux avait suffi pour me dissuader de poursuivre l’effort.
Alors pourquoi ce disque ? Difficile à dire, mais la simple curiosité s’est muée en véritable intérêt quand j’ai démarré l’écoute de l’album m’attendant à couper très vite. Et c’est comme ça que je me suis retrouvé à écouter la moitié de l’album la première fois, à apprécier ce que j’avais entendu, et à y revenir pour écouter la suite puis écouter l’ensemble plusieurs fois finalement. Et à ma grande surprise je peux dire que j’aime vraiment cet album.
Evidemment depuis la période où Pearl Jam était considéré comme un fleuron du grunge (mouvement dont il s’est d’ailleurs assez vite volontairement désolidarisé et éloigné), un paquet d’eau a coulé sous les ponts, les gars ont bien vieilli… Rendez-vous compte : Eddie, ce jeunot qui sautait dans la foule dans le clip de « Alive », aura 60 ans cette année en décembre. Et sans surprise Dark Matter ne sonne (heureusement d’ailleurs) jamais comme l’album d’un groupe de vieux tentant piteusement d’oublier leurs maux de dos et de raviver une jeunesse depuis longtemps derrière eux.
Pour autant on constate que le groupe a encore envie d’envoyer un peu la purée sur certains morceaux punchy comme « Scared of Fear », « React, Respond » ou le morceau-titre qui sont absolument excellents. Un peu plus loin sur l’album le single « Running » remet une pièce avec son tempo enlevé et ses 2 min 20 balancées pied au plancher. Vedder y balance même quelques cris plutôt bien sentis. Les papys ont quand même encore la pêche et restent crédibles dans ces registres alors que je n’aurais pas parié grand chose à ce sujet.
Ce qui ne me plaisait plus chez Pearl Jam lorsque notre rupture a été consommée est sans nul doute cette tendance du groupe à nous jouer des morceaux de rock pépouze, à la croisée du folk, et même si le groupe n’a pas complètement tourné le dos à cette tendance, je me suis surpris à finalement apprécier également ce type de morceaux sur l’album, à commencer par « Wreckage » que je trouve même superbe.
Le démarrage de « Won’t Tell » surprend avec des tonalités qui le distinguent du début de l’album et évoqueraient presque n’importe quel groupe de rock alternatif, avant que le groupe en fasse un très bon titre de rock actuel qui, sans la voix de Vedder, serait probablement très commun. Oui mais Vedder est là et sa voix est toujours un régal (s’il y a bien un point sur lequel je n’ai jamais trouvé à redire c’est bien les vocaux d’Eddie) et est pour beaucoup dans l’identité de Pearl Jam tant on reconnaît immédiatement son timbre unique, et encore plus unique avec la maturité aurait-on même tendance à dire.
Ces 5 premiers morceaux sont tous très réussis, et je trouve que les choses se gâtent légèrement par la suite malheureusement avec un « Upper Hand » et « Waiting for Stevie » un peu longuets (notamment ce solo de guitare interminable sur le deuxième… mais je n’aime pas les solos), mais qui révèlent finalement leur potentiel après quelques écoutes et que j’en suis finalement arrivé à apprécier, d’autant que Matt Cameron qui est toujours un excellent batteur arrive à dynamiser le deuxième morceau de son jeu hyper punchy même si la production ne met pas forcément très bien en valeur son instrument. Une production très claire et assez « classique », qui peut trancher avec le son « brut » que le groupe a parfois mis en avant.
Pour reprendre le cours de l’album, « Something Special » est un peu quelconque, heureusement « Got to Give » est plutôt bien balancé (avec ses quelques notes de piano) et remet l’album sur le droit chemin, album qui se conclut avec un « Setting Sun » très folk, presque planant au départ et qui accélère un peu le tempo et le propos pour devenir au final une conclusion tout à fait sympathique à défaut d’être marquante.
On déplorera quand même une identité visuelle assez inintéressante d’abord avec cette pochette tout juste sympatoche mais finalement assez anecdotique (serait-ce le travail d’une IA ?), absence d’identité qui se poursuit avec l’absence de véritables clips, le groupe n’ayant mis sur youtube que des « visualizers » (ces vidéos qui balancent de l’effet visuel pour accompagner -en général bien pauvrement via des effets automatiques- le son). Mais ce n’est évidemment pas le plus important, et pour ma part sans crier au génie évidemment, ni parler de Dark Matter comme de l’album de l’année, ce qu’il n’est évidemment pas, je suis agréablement surpris par cette nouvelle sortie des américains, que je fais tourner régulièrement avec beaucoup de plaisir. Donnez-lui une chance, vous pourriez bien être surpris(e)!
Tracklist :
01 – Scared of Fear
02 – React, Respond
03 – Wreckage
04 – Dark Matter
05 – Won’t Tell
06 – Upper Hand
07 – Waiting for Stevie
08 – Running
09 – Something Special
10 – Got to Give
11 – Setting Sun
Pearl Jam est lessivé niveau inspiration musicale depuis belle lurette, ils n’ont pas pondu un riff intéressant depuis « Insignificance », leur dernier tube à mon gout, sur Binaural qui à part celui là et quelques autres plongeait déjà dans le médiocre.
Il n’y a pas un morceau qui sorte du lot sur ce nouvel album, vaguement « Wreckage » mais c’est une parodie de ballade Pearl Jamienne, une sorte de sous-« Last Kiss ». Tout le reste c’est du sous Neil Young, des riffs de petits vieux.
Reste Vedder dont la voix porte l’ensemble, mais il peine à trouver des lignes de voix originales sur des instrumentations aussi simplistes et ressassées.