Alors que Cult Of Luna a investit le vestiaire de l’espace Curial, nous rencontrons le groupe pour une interview. Sur la route depuis bientôt six semaines Anders Teglund (samples et synthés) et Erik Olofsson (guitare) répondent donc à nos questions la voix fatiguée mais l’esprit décontracté.
Pouvez vous nous donner un petit historique du groupe ?
Erik : Cult Of Luna existe depuis bientôt six ans même si le line up a quelque peu évolué au cours du temps. Dès 1999 et la formation du groupe, nous nous sommes retrouvé sur Umea (ville du nord de la Suède) pour essayer de faire une musique qui nous était propre, quelque chose de différent de la scène hardcore.
Est ce que vous pouvez me parler de votre dernier album? Que signifie le titre « Salvation » ?
Erik : C’est une histoire plutôt simple cette fois. Salvation suit les pas d’un homme rempli de désespoir qui cherche un moyen de s’en sortir, de mettre un terme à ses souffrances. Dans ce monde moderne auquel il tente d’échapper, cet homme est en fait à la recherche de son propre salut, pas dans le sens religieux du terme, mais dans une perspective plus large.
Avec Salvation vous poursuivez votre évolution musicale, tout en conservant une certaine tension, votre dernier album semble plus calme et plus mélodique.
Erik : Oui, bien sûr l’album est plus paisible et la mélodie occupe une place plus importante que sur The Beyond. Mais parallèlement et au lieu de jouer toutes les parties mélodiques avec la même intensité, nous avons essayé de donner aux parties « heavy » un son plus « heavy » tandis que les parties mélodiques sont, elles, plus mélodiques. De plus toute la production a entièrement changé, nous voulions privilégier la mélodie en explorant de nouvelles directions, de nouvelles ambiances et en essayant le maximum de choses.
Comment se compose une chanson chez Cult of Luna? Est-ce que chacun de vous a un rôle défini ou est-ce différent pour chaque morceau ?
Erik : Le processus d’écriture est sensiblement le même pour chaque nouveau morceau. Moi et Johannes (guitare) nous écrivons les différentes parties de ce qui constitue une base de travail, à partir de laquelle l’ensemble du groupe peut travailler. Ensuite chaque musicien compose sa propre partition et contribue ainsi à l’élaboration des morceaux.
Anders : Nous avons une idée du résultat que nous voulons obtenir avant l’écriture d’une chanson, quelle direction suivre pour obtenir quelque chose plutôt comme ci ou plutôt comme ça…
Sur cet album, vous poursuivez vos expérimentations en incorporant des éléments post rock voir cold wave dans votre musique (je pense au synthé de « waiting for you ») tout en conservant le « son » Cult of Luna. Pourquoi cette évolution?
Anders : Je pense que c’est parce pendant l’enregistrement de cet album nous en avons profité pour élargir notre champ musical, je pense notamment à des groupes comme Sigur Ros.
Erik : En fait nous n’écoutons plus de musiques violentes depuis des années. Nous voulions vraiment franchir une étape en nous éloignant du métal ou du hardcore en incorporant dans notre musique de nouveaux éléments.
Vos compositions sont à la fois longues et complexes. Pouvez vous nous parlez de l’enregistrement en studio ?
Erik : C’est un travail long et difficile! Avant d’entrer au studio et pour être mieux préparé, nous enregistrons une préproduction, qui comporte une version de chaque morceau. Mais même si tu es parfaitement préparé, que de nombreux éléments sont déjà présents avant l’enregistrement, il se passe toujours quelque chose. L’expérience du studio apporte à chaque fois de nouvelles idées, de nouvelles voies à explorer.
La musique du groupe a évolué, la voix elle n’a pas bougé. Pourtant je trouve l’incursion des voix sur « Crossing over » vraiment superbe et réussie, c’est une voie que vous allez creuser?
Erik : Oui, j’espère, je pense que c’est une voie que nous allons explorer. C’est un travail intéressant lorsque vous pouvez essayer de nouvelles choses, quelque chose de différent des hurlements chaotiques. On verra bien ce qui se passera.
Est-ce que c’est difficile de retransmettre l’énergie de l’album sur scène ?
Erik : Non, je ne pense pas. Bien sûr quand votre musique est intense vous essayez de conserver cette intensité sur scène. Vous travaillez sur la dynamique, l’expression que l’on retrouve sur le CD et sur scène.
Votre album sort en même temps que le « Panopticon » d’Isis. On vous a souvent comparé au groupe d’Aaron Turner. Est-ce que cela vous ennuie ? Quels sont les éléments qui vous différencient aujourd’hui ?
Erik : (Hésitation) Question suivante…
Aujourd’hui Cult of Luna touche un public différent du fan hardcore de base. Avez-vous conscience d’avoir acquis un nouveau statut ?
Erik : J’espère oui. J’espère que nous pouvons toucher le plus de monde possible. Si tu penses que c’est le cas j’en suis fier, c’est ce que nous essayons de faire.
L’artwork de Salvation semble avoir été choisi pour retranscrire l’atmosphère de l’album. Quelle est la teneur de votre investissement dans l’aspect visuel de vos albums?
Erik : Nous contrôlons tout, excepté le boîtier du CD, mais sinon nous contrôlons chaque illustration, chaques détails… Vraiment, c’est tellement important, comment le packaging va agir sur les gens, comment le thème est interprété visuellement. C’est moi qui fait l’artwork et le design des albums.
Est-ce qu’il y a des parallèles à trouver entre votre musique et vos clips?
Erik : On n’a pas l’habitude de tourner avec des gens de chez nous, la dernière fois on avait travaillé avec des Anglais. Mais cette fois ci on a bossé avec des gens qu’on connaissait. Ils sont venus avec un scénario et leurs propres idées. On a utilisé une nouveau procédé : au lieu de tourner avec une caméra normale on a utilisé une caméra DV. C’était beaucoup plus facile qu’avant. A chaque plan correspond une image, c’est comme 500 photos juxtaposées. C’était très amusant à faire.
Lors de votre dernier passage à Paris, j’ai été surpris par la clarté de votre son malgré une salle connue pour sa mauvaise qualité.
Votre ingénieur du son semble occuper une place vraiment à part entière dans le groupe. Quel rôle joue-t-il dans le groupe? Intervient-il vraiment dans le processus d’écriture ou a-t-il seulement un rôle technique?
Erik : En concert, ça ne change rien que tu joues bien ou mal, si l’ingénieur est mauvais, le son sera de toute façon mauvais. Dans un groupe, l’ingénieur sait ce que tu veux faire, sait ce que tu veux exprimer, sait quel son tu veux avoir. Sur cette tournée, on travaille avec un nouvel ingénieur, qui a un rôle de plus en plus important. Et ça se passe super bien. Je comprends ce que tu veux dire, effectivement il fait partie du groupe, même pendant les concerts.
Lors de ce même passage à Paris, vous n’avez joué que des titres de « Salvation », pourquoi? Vous ne jouez plus d’anciens titres sur scène?
Erik : Nous le faisons, mais tu sais les nouvelles compos sont les plus amusantes à jouer. En fait les nouvelles chansons sont celles que nous aimons le plus, ce sont les plus récentes et celles dont nous sommes le plus fier. On ne renie pas ce qu’on a fait avant mais c’est plus intéressant il me semble de mélanger différents éléments, jouer à la fois des titres de nos anciens albums avec de nouvelles compositions.
Anders : En tournée, c’est plus naturel de jouer ses dernières compos. En plus, année après année votre set-list s’allonge et vous ne pouvez pas tout jouer. Les dernières chansons c’est ce que le public veut entendre, c’est pour ça qu’il est venu.
J’ai lu dans une interview que vous n’avez pas touché un centime sur la sortie de vos deux premiers albums, cela a-t-il été pareil avec le dernier?
Erik : Nous n’avons gagné d’argent avec aucun de nos albums. Peut être que Britney Spears gagne de l’argent sur la vente de ses CDs mais pas nous, c’est la triste vérité. En fait nous gagnons un peu d’argent avec la tournée, assez pour payer le loyer mais pas assez pour les factures. Nous devons tous travailler en dehors du groupe. Après la tournée nous avons tous un boulot, nous ne sommes pas des musiciens professionnels.
Vous disiez aussi dans cette interview que pour supporter un « petit » groupe il valait mieux venir au concert et acheter un t-shirt que d’acheter le cd, vous pensez toujours la même chose?
Erik : C’est vrai. Si vous voulez supportez un groupe ou un chanteur ou n’importe qui, la seule chose importante à faire c’est d’acheter des t-shirts et de venir assister aux concerts. Ce qui permet de gagner de l’argent c’est le merchandising et l’argent des concerts.
Quel est votre position sur le téléchargement sur Internet ?
Erik : C’est bon et mauvais à la fois. Bien sur c’est illégal mais d’un autre coté c’est aussi un excellent moyen de promotion.
Anders : Internet permet à notre musique d’être écoutée partout à travers le monde.
Erik : Et en fin de compte ce qui compte c’est le nombre de personnes qui viennent au concert, pas les ventes de CD. Un groupe signé sur une major sera peut être pénalisé par le téléchargement illégal mais pour un groupe comme Cult Of Luna c’est sûrement plus bénéfique qu’autre chose.
Qu’est-ce que vous écoutez comme musique ces temps-ci?
Erik : 50 Cents (rires). Non, j’écoute plutôt de l’Indie Rock en ce moment.
Anders : En fait moi je n’écoute plus du tout de musique, ou plutôt si, je n’écoute que notre dernier album ! Je mets Salvation en boucle quand on conduit !
Quels sont vos projets pour bientôt?
Anders : La première étape sera sûrement de rentrer sain et sauf chez soi et de survivre à cette longue tournée ! (rires).
Erik : Nous conduisons nous mêmes à travers le monde.
Anders : Lorsque vous devez conduire vous ne dormez que cinq à six heures par nuit.
Erik : « Head on down highway ».
Anders : Aujourd’hui on a conduit dans Paris, ce que nous n’avions jamais fait auparavant.
Erik : Et nous allons tourner aux Etats-Unis en mai.
Est-ce que c’est important pour vous de jouer aux Etats Unis ?
Erik : Oui, c’est une sorte de consécration pour nous. Nous ne l’avons jamais fait avant donc ça ne peut être que positif. Et c’est aussi un nouveau marché qui s’ouvre à nous. On ne sait pas encore avec qui on va tourner, ce n’est pas encore définitif.
Sur cette tournée européenne vous partagez l’affiche avec Bleeding Trough, que pensez vous de ce groupe assez éloigné de votre univers musical ?
Erik : Ce n’est pas le genre de musique que j’écoute, mais ce sont des gars sympas. Les gens nous demandent souvent pourquoi on tourne avec eux, pourquoi une affiche aussi éclectique, mais je pense que ça peut être enrichissant. On a un public qui vient de différents horizons mais pendant le show on sait qui est venu pour nous voir.
Merci à Nathalie (promo d’Earache en France).