J’avoue que j’ai eu du mal à boucler cette chronique, parce que ce What You Will est aussi compliqué à expliquer et à décrire qu’il est difficile de déchiffrer le nom du groupe. Ah – Leu – Cha – Tis – Tas, voila qui augure parfaitement du bordel qui guette le misérable auditeur qui s’apprête à écouter le disque. Je n’étais pas malin l’an dernier, quelques euros en poche, des cernes jusqu’aux genoux, cette pochette qui m’a accroché le regard, le conseil redoutable d’un vendeur, une écoute en diagonale du premier titre sur une borne, et me voilà parti à la caisse sans trop savoir ce que je faisais. On fait ce qu’on peut pour se remonter le moral en février, acheter des disques entre autres.
Je me suis bien demandé sur le chemin si j’avais bien fait de prendre ce disque, après tout, je suis loin d’être fan des trucs à la Don Cab, des disques de disjonctés à la Cheval de Frise et compagnie, passons, au moins, la pochette est jolie. Les premières écoutes n’ont pas dissipé cette impression, du bordel, du son peut-être, des entrechocs de guitare, de basse, de batterie, des cordes de basse qui lacèrent la peau, les cymbales dans les dents, et un coup de manche de guitare dans la gueule, du bruit déstructuré, voila tout ce que tout cela m’évoquait. Encore un truc de nerds à lunettes carrées de plus. Quel imbécile je peux faire des fois (mes proches pourront témoigner à ce sujet).
Et puis miracle, la fatigue s’étant sans doute dissipée et mes quelques neurones valides vaguement reconnectés, tout est devenu plus évident, tout, les constructions, les climax, les progressions vicieuses, les circonvolutions absurdes, les explosions salvatrices, les transitions abruptes, tout s’est éclairé. Cela restait globalement le bordel évoqué au paragraphe précédent, mais cette fois ci assimilé, soudain plus harmonieux, plus rationnel. Il devenait jouissif d’entendre ce trio d’allumés asséner ce post rock nerveux et tendu, comme si Don Cab avait bu un peu plus de café, un peu comme si le free jazz avait un peu plus semé de sa folie et de son inventivité dans les dédales tortueux de leur musique. Il faut du temps pour tout comprendre, pour tout supporter, comme ces accords répétés en boucle totalement abrutissants ou ces superpositions de mélodies intempestives. En quelque sorte, la musique d’Ahleuchatistas se mérite, ne se dévoile qu’au prix d’une patience tenace, une patience que n’a pas, par exemple, le supplicié soumis la Question ou à la lecture du dernier Goncourt.
What you will, au-delà de sa complexité et de son hermétisme apparents est un album qui fait la part belle au jeu et à l’humour, faisant avant tout primer l’énergie avant toute démarche intellectuelle ou musicale trop ésotérique. Cette liberté formelle permet de faire cohabiter des passages proches d’un grind en son clair avec des détours techniques propres au post rock sans qu’il ne soit possible de reprocher au groupe de mélanger ses pinceaux dans les différents genres abordés. Cerise sur le gâteau, tout l’artwork est magnifique, parsemé de petites allusions symboliques à la politique des Etats-Unis qu’éclairent les titres des morceaux. J’arrête là. Vive Ahleuchatistas. Ah – Leu – Cha – Tis – Tas.
- remember rumsfeld at abu ghraib
- shell in ogoniland
- maybe orange
- unfolding
- sherman’s march
- something’s there’s a buggy
- if, whenever
- ho chi minh is gonna win
- before the law
- i used to be just like you, now i am just like me
- now, now is then
- last spark from god
- what are you gonna do?
- you know my family
ah leu cha
ben ouais, vous avez jamais écouté charlie parker ou quoi?
merci pour ton commentaire construit, intelligent et surtout dépourvu de mépris.
Oui, je connais Charlie Parker.
Je te fais part de toute ma sympathie, moi aussi je t’aime, et merci pour ta Science musicale que tu sembles disposé à partager sans aucune marque de condescendance.
et voila, on n’a même plus le droit de traiter les gens d’inculte sans se faire rabattre le caquet
n’oublie pas de refermer la porte en partant surtout.