Septième album pour le quatuor de Portland et j’ai encore le sentiment que Grails est l’outsider incontesté d’une scène qui s’ignore, toujours engluée dans un renoncement forcené, mutique ou contemplatif. Faites votre choix, moi je résume la situation par scène post-rock. Je ne disserterai pas ici du bien fondé ou non de cet étiquetage (de toutes façons, le débat est ouvert depuis plus d’une décennie et j’apprécie certains groupes de cette scène…). Par contre, je remarque que depuis son peu prometteur The Burden of Hope, Grails a creusé des sillons, a exploré bien des voix, et retrouve souvent le chemin de ma platine, notamment avec Black Tar Prophecies Vol’s 1,2,&3 et Burning Off Impurities. Musique des lendemains pluvieux difficiles, complainte des longues journées de coma post-alcoolémiques, mon attention cotonneuse se plaît à flotter avec ces ambiances délétères, ces montées au souffle coupé, ces silences neurasthéniques. Bref, Grails fait parti de mon paysage musical que je le veuille ou non. Mais là où le dernier EP Take refuge in clean living n’avait pas capté mon attention (la faute à une production trop prolifique chez Grails ?), ce Doomsdayer’s Holiday a attisé une certaine surprise.
Ouvrez un colis promo et découvrez cette couverture. Osez me dire que votre curiosité ne serait pas piquée ! Racoleuse à souhait, anachronique s’il en est, au concours des pochettes les plus laides et les plus marquantes, celle-ci aurait toute sa place. Trop sombre pour être maladive, trop vulgaire pour être sexy, trop fantasque pour être sérieuse, Grails vire au kitsch. Le ton est donné. En même temps, la biographie annonce Steven Wray Lobdell de Faust et Randall Dunn (producteur de Earth) aux manettes, Emil Amos (nouveau batteur chez OM) et « le légendaire Alan Bishop de Sun city girls s’invitant pour enrichir les voix de l’insolite morceau Predestination blues à la beauté peu commune ». Ah les joies de la biographie…
Vous appuyez sur Play et ce sont les cris d’une femme au loin qui vous accueillent. Une batterie massive, des riffs tout droit sorti du parfait petit Back Sabbath illustré, Grails a biberonné aux 70’s ces derniers temps, c’est sûr. L’album s’écoule et on sent bien que la palette d’inspiration s’est élargie. Toujours cette grandiloquence épique, toujours ces rythmiques alternant montée en puissance et calme mutique, toujours ces ambiances psychédéliques. Mais Grails a décidé de rendre hommage au rock des 70’s (c’est ainsi que l’on s’exprime dans les milieux autorisés lorsque l’on parle d’influences trop embarrassantes…). Entre le Krautrock allemand, le film noir européen des 70’s, les explorations cosmique du free jazz, le psychédélisme funeste de Coven, ou bien encore le trip oriental pour hippies en manque de karma, tout y passe. Et il faut bien le reconnaître, cette musique psyché produit son petit effet de temps à autre, on se laisse séduire par ces nouvelles inspirations métalliques. Mais on a également l’impression de tomber au cœur d’une série Z façon Jean Rollin, de subir les simagrées d’une bourgeoise ventripotente se faisant baiser les soirs de pleine lune. Le sang est trop rouge, les suppôts de Satan jouent à touche-pipi et le 666 Number of the Beast fait mine de décorum…
Pour autant Grails a beaucoup d’humour. Allez jetez un œil sous leur site et le teaser de Doomsdayer’s Holiday… C’est indéniable et on ne s’en plaindra pas. Mais à jouer avec des influences trop marquantes (les intégristes de Pink Floyd, évitez la dernière plage Acid Rain, le plagiat de Wish you we’re here n’est pas si loin), à vouloir jouer les troubles-fêtes plus ou moins subversifs avec une musique metal psychédélique, je finis par ne plus entrer dans le trip. Et c’est bien connu, les trips sont uniques.
- doomsdayer’s holiday
- reincarnation blues
- the natural man
- immediate mate
- predestination blues
- x-contaminations
- acid rain
pas transcendé par la première écoute, contrairement au précédent (sorti il n’ya même pas six moi). Celà dit quelques titres marquants d’entrée (predestination et reincarnation blues). C’est surement un album qui va beaucoup tourner chez moi, comme tous les autres dont je ne me lasse pas. Ils peuvent continuer à ce rythme là, je suis toujours demandeur. Maintenant ce serait bien aussi qu’il se repointent pour une tournée parce que ça commence à dater.
le rythme de leurs sorties me laisse perplexe (m’est avis que c’est du matos composé depuis longtemps et qu’ils profitent de leur renommée ascendante pour le caser sur des labels) mais encore une fois cet album touche la corde sensible chez moi, d’autant plus que tout en gardant leur caractère et sans trop changer les gammes de sonorités ils arrivent à claquer des albums fondamentalement indépendants les uns des autres, niveau atmosphère. Bref je pense que Burning off Impurities restera un bon moment le sommet de leur disco, à l’image de ce qu’Oceanic peut être pour Isis, toujours est-il que j’adhère sans réserve à Taking refuge… et à Doomsdayer’s… Autant d’albums qui m’interpellent vraiment par leur décontraction et leur facon de « communiquer. » Grails sont pour moi l’un des derniers oasis de créativité et de non-prétention qui restent dans le post-rock (au sens large) et effectivement j’aimerais beaucoup les revoir sur scène maintenant !!!