Brutal Assault 2010 (3/3) – Meshuggah, Tankard, Voivod, Jesu

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Annee de sortie: 2010

Bien que copieusement aspergé par une averse diabolique, le site du festival était toutefois encore correct au matin du troisième jour. Les cailloux devant les deux scènes garantissaient que la boue ne vienne pas déranger le déroulement des concerts et bien que la route qui menait au festival ne bénéficiait pas du même traitement, elle n’était pas non plus impraticable. C’est toutefois sous un ciel un peu nuageux que commença à 10H le troisième et dernier jour de ce Brutal Assault 2010.

Premier constat, même si l’heure est encore un peu matinale pour une dose de gore grind, le trio de Cock and Ball Torture s’en sort très bien avec un grind bas du front, mid tempo, servis par des instruments aux petits oignons et un pitch du plus belle effet sur les deux micros. Le chanteur/bassiste insiste d’ailleurs pour parler un peu au public entre les morceaux avec ce même effet. Rien de varié mais la demi heure passe très bien et réveille tout les sens pour la journée à venir.

Deux groupes passent toutefois avant d’avoir autre chose à se mettre dans le tympans et c’est le quatuor italien de Sadist qui vient ajouter un peu de neige à la grisaille avec leur petite machine à neige placé de manière a arroser un peu les premiers rangs, mais rien de plus. Pour l’ambiance c’est loupé, heureusement leur thrash progressif n’en a pas trop besoin et les prouesses des musiciens sont bien retranscrites par le mixage pour permettre à leurs compositions de ressortir dans toute leur originalité. Le guitariste/claviériste étonne par sa capacité à assurer parfaitement les deux instruments, même quand il doit les alterner rapidement, et le chanteur d’en rajouter en lui tenant la tête d’une clé de bras quand il effectue ses solos. A peine une demi heure et le groupe doit partir, à regret car il n’y a encore une fois personne sur la scène d’à côté.

Le sort persiste effectivement contre Bal-Sagoth, dont le set était programmé à la place de celui de Sybreed, qui a donc joué le jour précédent, mais des retards les forcent à se mettre à la place de Barren Earth. Ceux-ci partent donc en fin de festival, à la place de Ahab, qui n’assurera par contre pas de concert à cause d’un problème familial et ne pourra donc pas jouer. On comprends mieux pourquoi le festival ne propose pas de pass à la journée (bien que le prix soit déjà ridicule pour trois jours), ça évite les déconvenues de personnes venues spécialement une journée pour un groupe en particulier.

The Arusha Accord se prépare donc pendant que tombe une pluie fine et que certains, dont je fais partie, se protège toujours en patientant sous un stand (le stand Red Bull, stratégiquement placé devant l’une des scènes). Le concert commence et la pluie continue de tomber un peu, puis s’efface et laisse complètement la place au mélange techico metalcore de ces anglais dont les ressemblances avec Sikth s’arrêtent aux voix de leur deux chanteurs dont le timbre ne se distingue pas très bien. Hormis cela, ce sont de bons héritiers de l’un des groupes les plus originaux de la scène metalcore anglaise et avec un son plus équilibré (les deux guitares ne ressortaient pas assez par rapport au jeu frénétique du bassiste), ils ont du potentiel si l’on oublie les coupes de cheveux.

Pas de Barren Earth mais Bal-Sagoth à la place donc. Groupe assez rare et atypique par ses histoires de fantasy et de science fiction conté par un chanteur/narrateur volubile. Le rendu scénique pêche donc un peu par la présence des musiciens, grimés par des sortes de peintures de guerre, et un chanteur caché sous une capuche, présentant un maigre spectacle alors que leur musique est celle d’un space opera à gros budget. Bien qui leur musique soit bien retranscrite, à peine handicapée par un chanteur semblant un peu perdu, le nez tout le temps penché vers le bas, comme si il lisait le texte avant de le chanter, le soleil timide du début d’après midi ne profite pas à l’ambiance d’un concert très kitch et aussi un peu ennuyeux quand les morceaux s’enchainent avec les même mélodies à la John Williams et une impression de spectacle en carton pate.

Qui a appuyé sur le bouton avance rapide? La question persiste pendant tout le concert d’Origin et sera d’autant plus présente à mon esprit quand, lors du rappel, le chanteur pris une voix plus aigue pendant quelque instants tandis que le guitariste et le bassiste continuait de frotter leurs instruments à la vitesse de la lumière. Excès de vitesse, dépassement en ligne continue, Origin enfreint toutes les règles de bonne conduite d’un concert de death metal avec un brutal death ultra technique et ultra rapide dont on distingue beaucoup trop la double grosse caisse, dissimulant alors presque complètement le jeu du bassiste, à peine perceptible pendant les accalmies, et les riffs de guitare. Il se passe tellement de choses que l’on aimerait bien tout entendre et en pointant l’oreille on y arrive presque. La puissance reste toutefois bien apparente et leur concert s’enchaine avec plus de bonheur que je n’en attendais. Si seulement John Longstreth pouvait marteler un peu moins sa double !

Pendant Graveworm, je mange, et je reviens pour Madder Mortem. Dans un festival metal extrême, leur originalité est d’autant plus perceptible et le chant d’Agnete M. Kirkevaag plus envoutant et touchant. Pour ma grande déconvenue, aucun titre de Deadlands ne sera joué, le groupe préférant ceux, plus variés, de Eight ways. Leur set ne semble pas être très bien accueilli, ou leur musique très connue, et j’admets aussi ne pas avoir jeté une oreille à leur dernier disque, ni leur dernier EP. Pourtant, le refrain de « Get that monster out of here » rentre facilement en tête, ainsi que « A different kind of hell » et le ton mélodramatique de Deadlands est remplacé par une musique plus enjouée et fédératrice bien agréable alors que le soleil fait son grand retour.

Lyzanxia et le début du concert de Moonsorrow passent après un nouveau passage aux distros et je peux donc profiter de la vue d’une foule enthousiaste venue remuer ses longs cheveux et lever le poing en rythme avec du metal de viking. Le son est encore une fois excellent mais ne me retient pas plus que ça pendant que je mange un cocktail de fruit en attendant la suite qui se trouve être Jesu.

Les enchainements surprenant sont pléthore au Brutal Assault et celui-ci n’est pas des moindres. Avec une heure de préparation, le son est parfaitement au gout de Justin Broadrick et aussi du mien pour un concert de nouveaux morceaux, trois ou quatre sur quarante cinq minutes, mêlant des rythmes de boite à rythme à la Godflesh à des riffs musclés et mélodiques. A ma droite j’ai la surprise de découvrir le guitariste d’Origin, attentif au jeu d’un guitariste diamétralement opposé au sien et surtout beaucoup plus massif. Hypnotique et rafraichissant après une matinée de guitares saturées et de mélodies envolées, la mélancolie de Jesu attrape les festivaliers et pas mal resteront attentifs, sans grand mouvement d’appréciation ou de désapprobation non plus, jusqu’à une conclusion toujours aussi timide. Le meilleur concert de Jesu que j’ai eu le plaisir de voir jusqu’à aujourd’hui.

Pas mal de mes compagnons de route étaient venus pour Macabre et je les comprends sans peine. J’ai toutefois préféré aller me reposer un peu avant l’enchainement final (et éviter aussi Diablo Swing Orchestra). Cependant, j’aurais rarement eu droit à la fois à un concert de death metal et à une leçon d’histoire (chaque titre étant introduit par une bref biographie du tueur en série dont il est question) et j’aurais donc plaisir à les revoir avec Napalm Death et Immolation en Novembre.

Retour donc après un petit passage à la tente (pour écrire aussi une partie du présent live report) et revenir pour Voivod, tout simplement car si l’on vient voir Meshuggah en concert, la moindre des choses est de rendre visite à l’une de leurs influences sans laquelle les suédois ne feraient pas la même musique. De nombreux fans sont aussi présents et scandent continuellement le nom du groupe, visiblement ému d’autant de gratitude. La set list pioche un peu partout et contente manifestement tout le monde en allant de « Nuclear war » (du premier album) à « Global warning » (du dernier). La qualité sonore est optimale, tout comme l’ambiance joviale qui permet d’apprécier avec le sourire ce retour au source d’un metal venu d’ailleurs. Le Quebec!

Je découvre ensuite un peu du set de Tankard, dont le thrash festif et alcoolisé a rameuté tout les fidèles. Des sourires sont encore une fois sur tout les visages et de l’entrain à danser et à remuer la tête en buvant. Certains sont tellement atteints devant moi qu’ils se baissent pour ramasser quelque chose sans se rendre compte que leur postérieur est presque totalement apparent. Mais qu’est ce qu’on peut s’en foutre quand Tankard est sur scène? Bref, c’est la joie et le concert se conclut avec le, si j’ai bien compris, habituel « Empty Tankard » que le public connait tellement bien qu’il est capable de chanter le riff sans même qu’on leur indique de quel morceau il s’agit !

Je reste ensuite bien devant pour pouvoir apprécier le concert de Meshuggah. Cinq ans que je ne les ai pas vu. Cinq année où ma passion pour le groupe s’est peu à peu étiolée. Reste encore une folle envie de voir le groupe de nouveau sur scène qui a motivé principalement mon retour au Brutal Assault (après Ulver l’année dernière). Le set de Dying Fetus passe sur le grand écran d’à coté mais les balances des suédois sont beaucoup plus passionnantes… c’est ça être fan, s’intéresser aux moindres détails alors qu’il n’y avait franchement rien à voir, sinon que les deux personnes qui accompagnent le groupe, deux bonshommes de soixante ans bien tassés, ont eu bien du mal à obtenir ce qu’ils voulaient de l’ingénieur du son (seulement un son équilibré dans les retours, comme SSS le premier jour) et dépassèrent du coup de plus de dix minutes le temps prévu, à tel point que certains jetèrent des bières sur la scène.

Bref, après ces petits soucis, on peut rentrer dans le vif du sujet et une fois un bout de l’intro de « In death is life » joué, le concert commence vraiment avec « Rational gaze ». Toute l’originalité du groupe me revient alors à l’esprit à mesure que la basse perfore tout son passage et que le son rend le groupe totalement étranger au reste de la programmation du festival. Meshuggah a beau convenir à un festival metal du fait de la lourdeur de leur son et de leurs longs cheveux, leur musique est presque totalement étrangère à ce genre. Avec une précision aussi mécanique qu’organique, la set list se déroule sans aucun accrocs, avec toujours des solos différents de ceux joués par Thordental sur disque. Parfois meilleurs, généralement tout aussi intéressants, ceux-ci apportent un peu d’originalité au contenu alors que la forme est beaucoup plus millimétrée qu’auparavant. La machine de guerre est en route et emprunte un itinéraire constitué uniquement de morceaux d’Obzen et de Nothing, et rien d’autre, jusqu’à l’annihilation totale du public. Un peu moins d’une heure de concert mémorable et fantastique, à la hauteur de tout ce que j’attendais de revoir depuis le Trabendo en 2005. Petit détail final, Marten Hagström demandant à la fin du concert à ce qu’un membre de la sécurité donne son médiator à un fan sur le devant au lieu de le lancer dans le public. Meshuggah, c’est aussi la politesse de traiter comme des êtres humains son public, et ça aussi c’est agréable. Au final, rien ne pourra gâcher l’excellent souvenir que j’ai de ce concert et il a fait de moi un nouveau converti à leur musique.

Les trois jours de festival ne pouvant pas mieux se conclure que sur cette victoire d’un metal original, je pris donc la décision de rentrer me reposer pour un retour qui promettait, et qui fut, épique. Dommage donc pour Agnostic Front (23H20), Sarke (01H05) et Watain (01H45) mais ils jouaient beaucoup trop tard.

Peut-être à l’année prochaine?

Note : Les travaux ne sont pas indiqués sur le site de renseignement des horaires de passage des trains, il est donc possible de devoir prendre un bus pour rallier une partie du trajet jusqu’à Prague. Peut être que les travaux seront terminés mais prévoyez le dans votre planning de retour.

Note 2 : Le voyage en taxi jusqu’à l’aéroport compte quarante minute et peut vous couter quarante euros, donc préférez le bus (deux euros le voyage) et partez donc un peu à l’avance pour ne pas en louper un.

Photos de Alina *Neurotica* et Renata.

Chroniqueur

Mathieu Lubrun

Hororo est chroniqueur depuis 2004 sur Eklektik, bibliothécaire de profession, passionné de musique (metal, jazz, hip hop, electro …) et de comics. Alcoolique de concert et de disques, bavard et effervescent dès qu’il rentre en contact avec un artiste qu’il apprécie. Contactez-le pour lui dire tout ce que vous voulez à son adresse personnelle xhororox [AT] gmail [DOT] com et/ou suivez-le sur Twitter.

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