Ami lecteur, si du plus loin que tu puisses te souvenir tu dormais en cours de lettres, si tu as péniblement survécu à Zola au collège puis à Mme de Lafayette en 2nde, si toi aussi tu as eu envie de gifler Keira Knightley au cinéma, si tu n’as pas perçu Jane Austen comme étant un des plus grands trolls de l’histoire littéraire, que tu as toujours préféré Romero à Balzac et que la pensée de lire un roman du XIXème de plus te donne envie de t’étouffer dans ton vomi, cet article est pour toi.
Orgueil et Préjugés et Zombies est un roman paru en 2009 chez Quirk et écrit par Seth Grahame-Smith qui a listé Jane Austen comme co-auteur. Le concept est simple et novateur à la fois: il a pris le texte d’Orgueil et Préjugés de Jane Austen et il l’a modifié pour le transposer dans un contexte d’invasion de zombies et l’émailler délicatement de références aux arts martiaux.
Pour ceux qui ne connaissent pas Jane Austen, ses romans se situent principalement dans la campagne anglaise du XIXème et tournent autour de quelques familles qui ont toutes bien entendu des filles à marier (avec des hommes riches, de préférence). Chiant, allez-vous me dire. Peut-être, mais diablement bien écrit! Tout est dans la proportion, dans le choix du bon mot et dans un traitement évolutif des personnages.
Les littéraires puristes pourraient, eux, trouver que mutiler un texte classique pour y ajouter des ninjas et des zombies est une hérésie. Ici, toute proportion bien gardée, je trouve que le compromis est satisfaisant. Quand on connaît bien le roman de base on reconnaît le texte et on rit des modifications et de la transposition de contexte. Et quand on ne connaît pas le roman de base l’histoire est compréhensible et vraiment rigolote tant elle frôle l’absurde.
La phrase d’ouverture d’Orgueil et Préjugés est une des phrases les plus connues de la littérature anglaise: « It is a truth universally acknowledged, that a single man in possession of a good fortune must be in want of a wife » (traduit: « C’est une vérité universellement reconnue qu’un célibataire pourvu d’une belle fortune doit avoir envie de se marier »). Magnifique fleuron d’ironie sur la rigidité de la société anglaise du XIXème, cette phrase mythique devient dans la version de Seth Grahame-Smith, « It is a truth universally acknowledged that a zombie in possession of brains must be in want of more brains » (traduit: « C’est une vérité universellement reconnue qu’un zombie ayant dévoré des cerveaux est nécessairement à la recherche de cerveaux supplémentaires »). Cette première phrase donne bien le ton. Une lecture agréable, contenant malgré tout des références culturelles et pourvue d’une bonne dose d’humour. On peut à la fois lire, passer un moment agréable et poser son cerveau (tout en faisant attention à le garder des zombies, bien sûr). A bon entendeur…
A noter, également paru chez Quirk, un autre roman parodique de Jane Austen écrit cette fois par Ben H. Winters, Sense and Sensibility and Sea Monsters (Raison et Sentiments et Monstres Aquatiques) qui recoupe la base du texte d’Austen avec des tropes sur les monstres aquatiques type Cthluhu. Je ne sais cependant pas si je serais prête à suivre la parodie jusque là. A suivre.
Marrant comme démarche, ça me fait penser à Duchamp ajoutant une moustache à la Joconde même si cette comparaison n’est pas pertinente
Ahah, ça a l’air sympa ! J’accroche carrément à cette idée de « mashup » littéraire, j’essayerai de me le procurer :)