Apparemment tu vaux 30000 euros.
Enfin, tu les vaux sans souffle.
Tel un gerbant fa bémol, tu vomis. Et cherches dans les petits morceaux, un vomi en amenant un autre. Ça fait beaucoup de petits morceaux. Tu rigoles idiotement à la vue des spaghettis carbo de midi. Puis à celle d’un cornichon. C’est vrai qu’il a pas une heure, le McDo… Une main droite tape sur ton épaule gauche. Tu fous quoi espèce de petit con, te demande la main. Un monde d’yeux. Les tiens se relèvent et croisent les siens. Elle est blonde. Très blonde. Tellement blonde que t’en oublies l’odeur de vomi qui te fait vomir. Ta gorge fait goulot de bouteille : pleine à moitié.
Tu fais quoi espèce de connard, tu t’es cru où, elle te dit. Et tu souris. Tu souris imbécilement. Là, tu vaux même pas une poignée de porte rouillée. Tes pieds transpirent et ils sont froids. Tes mains aussi d’ailleurs. L’une d’elles glisse dans ta poche de jean et du coup, elle transpire moins. Un petit peu moins. Le petit sac en plastique que t’en as sorti est très petit. Dedans, 320 euros de poudre salvatrice. Elle sourit et tire la chasse. Merde.
Alors quoi t’as l’intention de te bourrer le nez dans ces putains de chiottes puants, demande-t-elle. On dirait pas comme ça, mais tu la trouves belle. Pas dans le sens commode vintage du 17ème belle, non, dans le sens Grace Kelly Ava Gardner Liz Taylor belle. Ses mots font d’elle un paradoxe vivant, et ça te fait marrer. Tu la regardes intensément. C’est une créature très blanche aux cheveux très platine, aux ongles très rouges et au cul très black, convexe pour le plaisir de tes yeux brillants d’un rouge craquelant.
Tu rebondis sur… sa remarque. Tu es dans un vieux parc solitaire et glacé de ta poudre avec pour seule cerise ton gland à présent irrigué par quelque convexité. Elle, elle est dans un pantalon tweed chamarré droit dont le bas est fermé par des guêtres. Elle sent, porte, et fait vivre la veste Chanel dos à basque et manches un peu courtes. T’es minable putain lève-toi, elle te dit. Tu la regardes et tu éclates de rire. Tu imagines cette blonde dose de sexe en barre, plus classe qu’une pipe en ébène, te lancer un très gras « wesh ». Tu t’étouffes et vomis un peu plus. Dommage, tu tournais le dos à la cuvette. Putain d’abruti de merde mais tu vas te casser de là oui, dit-elle un peu plus fort.
Tu as peut être creusé plus bas que le fond, mais tu tiens toujours dans tes mains suantes le petit sac en plastique, et ses yeux très bleus lui font toujours autant du pied, à ce petit sac blanc. Elle te sort –difficilement- des toilettes, te retire avec dégoût ton jean tapissé de gerbe puis ton caleçon Bob l’éponge, s’émerveille du massif compliment que lui jette ton membre très éveillé, puis te jette dans le bain et t’asperge violemment d’une eau gelée qui te fait très temporairement revenir à cette réalité que tu détestes tant.
Tu vaux 30000 euros.
Attends un peu, c’est quoi ton problème, elle te demande.
Tu lui dis que tu vaux moins que ta voiture. Tu lui dis que tu vaux moins qu’un concert de Lady Gaga. Tu lui dis que tu vaux moins que 100 petits sacs comme celui qu’elle tient à présent dans sa main. Tu lui dis ce que tu as avalé. Tu lui dis que tu cherchais ce que tu as ingurgité dans ce que tu as régurgité. Tu lui dis que tu veux saupoudrer la cambrure de son dos et suivre de tes narines sa perfection jusqu’à sa raie. Tu lui dis que tu te sens bien seul dans cette baignoire. Tu lui dis que son Chanel n°5 n’a jamais senti aussi bon que sur sa peau laiteuse. Tu lui dis que son cul déclenchera une guerre mondiale.
Tu vaux 30000 euros.
En attendant que tes métastases t’emportent, tu te sens moins seul dans la baignoire. L’eau est aspirée par un trou pendant que tu en combles un autre.
Tu vaux 30000 euros.
Mais tu te dis qu’il doit bien y avoir un endroit dans le monde où ça vaut 3 millions.
OYC
7 Metamorphosis est une série de 7 très courtes fictions écrites en 7 pronoms personnels et basées sur 7 notes. Ces courtes fictions, aussi appelées microfictions ou nanofictions, focalisent sur les vies rock n’ roll de la jeunesse contemporaine.
Vivement la suite.