Encore une surprise qui déboule d’on ne sait où. Étant amateur de death technique depuis un bail, je me rappelle avoir écouté le premier album de cet obscur groupe américain, The Goliath, qui date de 2007. La pochette m’est clairement familière, mais j’avoue avoir délaissé cet album depuis, et j’en ai bien sur profité pour le réécouter. C’était déjà une belle performance et un album iconoclaste dans le genre, en revanche, avec Pleroma, Orgone offre une toute nouvelle perspective musicale qui dépasse largement les conventions du death metal.
C’est un voyage ambitieux et immersif, fusionnant des genres divers pour créer une expérience unique, fourre-tout mais cohérente, avec des compositions labyrinthiques (près de 18 minutes pour le morceau fleuve « Traveling the Depths »). Cet album exige de la patience pour se déployer, mais une fois qu’on est dedans on ne peut qu’etre captivépar chaque couche d’éléments. Les guitares sont uniques, angulaires et acérées, ajoutant des couleurs au-delà du riffing traditionnel du death metal, certains citeront Gorguts, j’y retrouve des touches de The Odious tandis que l’accompagnement orchestral élève la musique dans une dimension grandiose, semblable à des « suites », donnant l’impression d’une véritable narration musicale. L’épopée « Trawling The Depths » déjà citée met en lumière la maîtrise du groupe, combinant complexité technique avec des influences folkloriques et jazz, créant un son à la fois éclectique et cohérent, meme quand les transitions sont soudaines et intenses.
Pleroma parvient à équilibrer la brutalité du metal avec des passages de musique de chambre et des harmonies vocales envoûtantes. Cet assemblage complexe de sons – avec des chœurs, des voix féminines sur du piano, des flutes et autres orchestrations, et des touches de jazz moderne – plonge l’auditeur dans un univers presque cinématographique. Leur musique est vraiment unique, meme si des groupes comme Maudlin the Well, Unexpect ou Sleepytime Gorilla Museum ont déjà exploré par le passé à leur manière ce genre de mélange des genres entre férocité et burlesque.
Je ne sais pas d’où leur vient l’idée d’intégrer du chant féminin en français, mais c’est le cas sur plusieurs morceaux, avec un léger accent anglais qui montre bien que le choix du français est volontaire et pas naturel. Le morceau « Hymne à la beauté » est d’ailleurs un poème de Baudelaire mis en musique. Cela dit, ce chant est superbe, même si l’on ne comprend pas forcément chaque mot.
Ce n’est pas un album de tubes isolés, mais plutôt une tapisserie dense où chaque écoute révèle de nouveaux moments et connexions. La prouesse technique d’Orgone est égalée par une musicalité profonde qui, bien que exigeante, récompense l’écoute attentive. La durée de l’album peut sembler longue, mais chaque minute est justifiée, construisant un opéra avant-gardiste complexe. Ce groupe a mis la barre haute et il va sans dire que quiconque apprécie un des – excellents et uniques – groupes mentionnés précédemment devrait tester Orgone qui l’est tout autant.