Redemptor – Agonia

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Style: Death MetalAnnee de sortie: 2021Label: Selfmadegod Records

Levez la main si vous n’avez jamais entendu parler de Redemptor.

Voilà, je m’en doutais.

Pourtant, Redemptor fête cette année ses vingt ans d’existence, a vu passer bon nombre de musiciens aux CV pas dégueu (Vader, Decapitated, SepticFlesh, Decrepit Birth…), et je salue la ténacité de Daniel Kesler, son leader, d’avoir tenu la barre toutes ces années et affiné sa formule jusqu’à Agonia, le sujet qui nous intéresse aujourd’hui.

Pourtant, en 2017, le groupe polonais sortait Arthaneum, à la pochette aguicheuse et au contenu totalement convaincant ; un Metal protéiforme et sophistiqué, jouant autant de tempos terrassant que de fulgurances féroces, de mélodies mémorables que d’étonnants détours. J’attendais donc beaucoup de ce quatrième album de Redemptor. Est-ce vendre la mèche trop tôt, d’affirmer ne pas être du tout déçu, au point de quelque peu chambouler ma liste des pépites Metal en 2021 ?

Les polonais maîtrisent l’art du contrepied et de la contradiction. Redemptor est un groupe de Death Metal qui refuse la ligne droite, le riff facile et le blast beat consenti, et va au contraire prendre son temps, bâtir puis déconstruire ; installer ses ambiances, dérouler ses thèmes, développer ses mélodies avant de leur planter un couteau dans le dos. Pourquoi aller tête baissée, marteler ses fûts, comme tant d’autres, quand on peut s’insinuer dans le cerveau de l’auditeur pour le frapper avec précision, au juste moment ?

Chaque musicien maîtrise parfaitement son instrument, mais résiste à la tentation de faire étalage de son savoir-faire (bon d’accord, le guitariste tricote des solos bien chiadés, mais qui s’en plaindra ?) ; il est beaucoup plus impressionnant de donner l’illusion — parce que chaque composition tombe sous le sens, parce que tout s’imbrique avec évidence, parce qu’un arrangement, un solo de guitare, nous touche le cœur plutôt que la raison — que cela semble facile. La technique au service de l’écriture. Précision et efficience, au juste moment.

« Potion of the skies », par exemple, est à première écoute un titre à la structure classique, mais si on le décortique un peu, on découvre qu’il est ponctué de décalages et de mesures rythmiques exotiques, ainsi que de riffs de guitare pas si ordinaires, d’une ligne de chant digne des meilleurs brûlots du Metal moderne, d’un pont mélodique marquant et d’un solo efficace. Voilà un single en puissance ; en réalité, l’arbre qui masque la forêt.

Car peu à peu, l’album s’épaissit, et l’on s’en rend compte avec le morceau suivant, « Tar », qui s’engage davantage vers un Metal chaotique et dissonant, cachant en son sein quelques tiroirs et autant de riffs à assimiler.

« Further from Ordeal », pour sa part, renvoie à leur album précédent, avec cette introduction rampante, où le chant growlé/murmuré fait son retour, pour un effet menaçant réussi, avant de balancer une succession de riffs et d’ambiances à la fois mouvantes et logiques, pour s’achever sur un superbe solo de guitare.

Je ne vais pas faire de titre à titre, mais il faut reconnaître que Redemptor sait écrire des morceaux intrigants et accrocheurs, où se cachent des atmosphères sombres et des fulgurances inattendues. Cette sensation de disparité homogène est encore renforcée par la présence de deux chanteurs qui chacun maîtrisent plusieurs registres, du hurlement typé Metal moderne au growl profond, jusqu’à ce fameux murmure grave et angoissant qui reste une particularité de la formation.

Un je-ne-sais-quoi m’avait déjà titillé sur Artheneum, leur album précédent, mais je n’avais pas réussi à mettre le doigt dessus. Grâce à Agonia, j’en suis certain : Redemptor est le plus français des groupes polonais. En effet, à plusieurs reprises, je me suis surpris à penser à Supuration, Loudblast, Hacride et même Gojira, à des moments forts — quoique ponctuels — sur certains titres (en particulier sur « Les Ruines de Pompéi », un titre en français… tiens tiens tiens, comme dirait l’autre). C’est à la fois étonnant, réjouissant et, pour ma part, extrêmement flatteur pour notre scène, que je tiens parmi les plus créatives du genre.

Agonia, c’est donc neuf chapitres hétéroclites et cohérents, bien écrits et techniquement irréprochables, au service d’un univers sombre, torturé et écrasant. Pour ne rien gâcher, le visuel de l’album (réalisé par le chanteur du groupe) est au diapason, complémentaire à la musique et terriblement percutant.

Je ne saurais donc que vivement conseiller Redemptor (que ce soit cet excellent album ou le non moins méritant Arthaneum) aux amateurs de Death-Metal torturé et tortueux. Pour ma part, il s’ajoute directement (bien que tardivement) à ma liste des albums majeurs de cette année 2021.

Tracklist :
01 – Tectonic Plates
02 – Potion of the Skies
03 – TAR
04 – Further from Ordeal
05 – Excursus Ignis
06 – Aurora
07 – Debris
08 – Wounds Unhealed
09 – Les Ruines de Pompéi

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Commentaire

  1. krakoukass krakoukass says:

    Très bon album en effet! C’est un death metal qui respire, bien davantage par exemple que Ulcerate qui est plus étouffant et qui a un côté « too much » à mon sens (pas sur le dernier album qui avait justement retrouvé le bon équilibre cela dit). Et tu as tellement raison pour la référence à des groupes français, j’ai parfois eu l’impression d’entendre du Hacride en effet à certains endroits.
    Le seul point sur lequel j’aurais tendance à être en désaccord serait la pochette, que je trouve assez moche. Je trouve que la pochette d’Arthaneum (album que j’aime moins par contre, la vie est mal faite) était beaucoup plus percutante et classieuse.

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