Un groupe norvégien actif depuis 2010, connu sur la scène punk/hardcore, propose un album qui mêle intensité et innovation musicale, intégrant des éléments noise et électro tout en conservant une forte identité grâce à des textes en langue locale et une prestation vocale marquante.

Une bonne branlée venue de Scandinavie ça vous dit ?

Honningbarna, outre leur nom pénible à écrire et à prononcer (et qui pour votre parfaite information signifie « les enfants chéris ») sont norvégiens, et assumant parfaitement leur nationalité chantent dans leur langue, ce qui confère immédiatement une forte identité à leur musique.

Alors que les 5 membres du groupe ont l’air de jeunes premiers d’une vingtaine d’années seulement, ils sont actifs depuis 2010 et bien connus sur la scène punk/hardcore de leur terre natale où ils enflamment régulièrement les salles, leurs prestations live étant apparemment mémorables. Soft Spot, sorti fin février, est déjà leur 7ème album et c’est la première fois qu’on se penche sur leur cas chez Eklektik : autant vous dire qu’on n’aura pas regretté de le faire tant Soft Spot s’avère être rien de moins qu’une petite bombe.

Ces enfants chéris là qu’on se le dise tout bien coiffés et propres sur eux qu’ils soient, sont venus nous péter les rotules et foutre le feu au salon, façon Funny Games. Pour les situer sur l’échiquier musical, ils viennent évidemment de la scène punk, mais ont fait évolué récemment (depuis leur sortie charnière de 2022 l’excellent Animorphs, que je vous recommande également) leur son, en allant un peu taquiner le versant noise des musiques saturées, tout en restant bien punk/hardcore dans l’esprit.

En clair et pour faire simple, on n’est pas très loin du Refused de The Shape of Punk to Come si ça peut vous aider à situer la chose (ce riff sur « Rød Bic » par exemple sent très fort les suédois).

Passée la première piste qui prend la forme d’un spoken word sur lequel le chanteur Edvard Valberg semble nous dresser un panorama (qu’on imagine critique ou désabusé) de la situation du monde actuel (simple supposition basée sur le fait que j’ai cru entendre les mots « Elon Musk » au début du titre), c’est l’urgence, l’intensité et la frénésie qui s’invitent à bord : et chaque morceau va alors être égalé ou surpassé par le suivant tant la qualité est irréprochable sur les 12 titres (abstraction faite de l’intro et en considérant que « Av Liv Treffer » est un vrai morceau bien qu’il soit volontairement et abruptement avorté après 48 secondes par le groupe, ce que l’on ne peut que déplorer d’ailleurs tant ces 48 secondes sont excellentes) de l’album.

Comme Refused, Honningbarna ne s’interdit pas d’explorer et d’ouvrir le champ de sa musique, en incluant par exemple des samples et sons électro (cf « God Gutt »), ou des nappes de synthés menaçantes (le monstrueux « Hvilke Splinter » ou « King Spud »). Même si toute la section rythmique est irréprochable, avec un batteur qui tabasse ses fûts et des guitaristes qui parviennent à instiller une ambiance tantôt menaçante tantôt accrocheuse en diable, c’est surtout le timbre de Edvard Valberg qui concentrera le plus d’attention tant son phrasé particulier, autant que la langue dans laquelle il crache son fiel, font de sa prestation quelque chose d’assez unique. On imagine que cette particularité pourrait d’ailleurs rebuter certains auditeurs, mais c’est elle qui devrait en toute logique majoritairement convaincre et en embarquer un bon nombre. Il s’égosille la plupart du temps, hurle, mais il sait aussi poser un peu plus sa voix, avec ce timbre nasillard qui sent le punk à plein nez. Et si Animorphs contenait encore des choeurs à peu près pas trop sauvages (cf « Det Kommer til Meg ») et quelques mélodies presque mélo (« Åh Bliss »), le ton paraît considérablement durci sur Soft Spot, même si la fin de l’album avec en particulier « Heute ist Mein Tag » (ne serait-ce pas de l’allemand?) ou « Ditt Hjertes Hizbollah » semble un peu moins frénétique, un peu plus mélodique mais tout aussi tubesque et mémorable, tandis que le final de « Ultraøyer » serait lui presque dansant (en mode fin du monde tout de même). Même la production de Soft Spot paraît un brin plus sale et « agressive » que celle d’Animorphs, tout en restant suffisamment claire pour que les compos n’en souffrent jamais.

Saisissant et prenant du début à la fin cet album devrait, pour peu que vous soyez réceptif au genre pratiqué et aux vocaux en norvégien, vous obséder un moment, comme c’est encore actuellement le cas pour moi.

J’espère en tout cas avoir réussi à transmettre mon enthousiasme, Honningbarna ayant tout de LA grosse découverte de l’année me concernant avec ce Soft Spot qui figurera en bonne place dans mes albums de l’année.

Tracklist :
01 – Alt Går Over, Noe Varer (3:30)
02 – Schäfer (2:20)
03 – Amor Fati (3:22)
04 – MP5 (2:45)
05 – Festen Som Aldri Stopper (3:20)
06 – God Gutt (3:28)
07 – Hvilke Splinter (2:42)
08 – Av Liv Treffer (0:48)
09 – King Spud (3:05)
10 – Rød Bic (2:51)
11 – Heute Ist Mein Tag (3:03)
12 – Ditt Hjertes Hizbollah (3:47)
13 – Ultraøyer (4:19)