Alexia :
On vous aura prévenu.
Une machine noise qui affiche de façon narquoise ses intentions : vous atomiser les sens ! L’assaut est immédiat, la garce vous empoigne la gorge et commence un jeu malsain, qui se révèle rapidement oppressant. Le face à face va durer 35 minutes…ce sera elle ou vous !
Une guerre des nerfs teintée d’orange mécanique où la violence du propos vient s’acharner à vous rappeler que vous flirtez avec l’extrême, le chaos. Plus de sens commun, les règles ne sont pas loi ici. Avez-vous véritablement la moindre chance ?
Car cette machine asseoit sa domination, les riffs sont taillés dans le vif, les cordes ont les dents acérées, rien de superflu dans la composition. C’est cinglant, cinglé, génialement pensé ! Derrière, la batterie assène ses répliques avec une emphase glauque : déjà, l’air vient à manquer.
Et puis il y a cette voix… elle sent l’alcool et les clopes, éructe et assassine chaque mot qu’elle balance ! Elle joue les inquisitrices avec vos nerfs, et ses hurlements finissent par avoir le goût des complaintes obsédantes, étonnamment jouissives.
L’impact est amplifié dans son ensemble par des sonorités électro aux courbes sinusoïdales, étranges, à vous écoeurer presque, tant le malaise est grand. Oui et pourtant, ce malaise vous le consommez sans fin, une boulimie salvatrice pour qui aime une noise sanglante, lardée de cicatrices ! L’expérience angoissante devient transe, vous vous perdez volontiers dans cette ultime dose macabre jubilatoire. Elle est votre héroïne.
Pilou :
L’archéologue noise en chef Alexia vient encore d’exhumer un disque majeur, passé plutôt inaperçu au moment de sa sortie en 1999, juste après le split du groupe qui clôtura une carrière entamée à l’aube des 90s.
Il est des disques dont on sait qu’ils vont devenir des indispensables dès la première écoute. Ancient chinese secret est de ceux-là. On plonge d’emblée dans un monde chaotique marqué par une batterie frénétique qui ne baisse jamais de rythme, avec une frappe monumentale qui pose des fondations extrêmement solides pour les guitares : abrasives, rock n’roll à mort. Le terme « à mort » n’est pas usurpé tant l’urgence vitale de ce disque est impressionnante, un testament magistral qui suinte la haine, le désespoir mais aussi, par-derrière tout cela, une certaine beauté de la fange. En faisant un parallèle littéraire, Glazed Baby me fait penser à Louis-Ferdinand Céline qui, derrière ses mots crus, hachés, est un poête hors-norme de la crasse. Ou à Charles Bukowski.
Ancient chinese secret est un maëlstrom sonore, un tourbillon qui vous emporte à travers d’obscurs dédales. Il y a du son partout, tout le temps : hormis les guitares dissonantes, il y a une utilisation quasi constante de loops electro cradingues qui me font penser aux plus sombres opus de Scorn. Les rares moments où on a l’impression de pouvoir enfin mettre la tête hors de l’eau sont en effet ces interludes aux sombres nappes scornesques, mais dont le caractère glauque extrême n’est finalement pas tellement salvateur pour l’auditeur. Quant à la voix, dire que le chanteur vit sa musique est un euphémisme. Il la transpire pas tous les pores de sa peau. Saturée, masquée, filtrée, il en sourd une inquiétude et une angoisse permanentes.
Les secrets antiques chinois, s’ils ressemblaient à ce disque, devaient être terribles. Probablement un mix entre la torture et le kama sutra. Ouais. Sado Masochiste ! Ultime… Cet album de Glazed Baby est à ranger aux côté des hydres les plus atrocement jouissives du rock n’roll, des plus dangereux méfaits saturés de l’histoire du rock. Ni plus ni moins.