Suite à l’annonce de la fin de Khanate, la première question qui m’a préoccupé fut de savoir : où la voix d’Alan Dubin allait-elle désormais poser ? Corrosive, elle donnait sens à des paroles sporadiques. Unique et terrifiante, la simple intonation de mots, même associée à des images chaleureuses, suffisait à créer un tout autre sens. Quel accompagnement musical permettrait à sa pleine puissance de continuer à s’exprimer?
Au sein de Khanate, l’espace entre les notes était le lieu où la tension s’exprimait le mieux, plus qu’au moment où les cordes et les fûts étaient frappées.
Gnaw prend la tendance inverse et envahit l’espace sonore. Harsh noise et groove doom, l’écriture même de Dubin prend la forme de monologues en lieu et place des phrases tranchées, pour tisser une toile tout aussi dérangeante (« You can hear them laughing. Everybody’s fucking but you » à la fin de « Vacant »).
Gnaw ne mérite par-contre pas que l’on s’arrête à la voix de Dubin pour en vanter les mérites. Orchestré par James Plotkin en studio, Khanate résultat de la collaboration de musiciens à travers le filtre d’un seul esprit. Gnaw est beaucoup plus un travail collectif où chacun mêle constamment son instrument aux autres. La collaboration entre Jun Mizumachi et Carter Thornton permet aux murs de samples de s’exprimer de différentes manières au cours du disque pour ne pas devenir qu’une source de distorsion blanche et impénétrable. Enfin, les percussions de Jamie Sykes (ex. Burning Witch, Thorr’s Hammer et Atavist) sont essentielles dans la structure des titres et non dans leur progression puisque la batterie n’a pas de rôle dynamique ici.
Beaucoup plus collectif que Khanate pour ce qui est de la méthode de travail, « This face » en ressort comme un monstre difforme et difficile d’accès. Les neufs chansons sont chacune clairement distinctes les unes des autres et s’étirent dans des longueurs suffisamment étouffantes pour que l’album ait du corps mais ne s’effondre pas sous son propre poids.
Cependant, si c’est le malaise de Khanate que vous recherchiez, vous serez à la place accueilli par une orgie de troubles hystériques. Gnaw tient ici du réalisateur canadien David Cronenberg (Videodrome, Existenz …) dans le fait que l’expérience amène toujours vers les portes de la folie sans jamais complètement la refermer une fois le voyage terminé. Un avantage autant qu’un inconvénient pour peu que l’on ne se laisse pas le temps d’apprivoiser ce magma sonore d’où s’extrait une identité originale et forte mais clairement en cours de développement.
- haven vault
- vacant
- talking mirrors
- feelers
- backyard frontier
- watcher
- ghosted
- shard
- byf (reprise)