Sigurd est un groupe issu de la scène Lausannoise et a sorti son 1er album en mai 2006 sur le label Gentlemen Records (Favez, Magicrays, Appleseed Cast). L’entité à deux têtes, composée d’anciens membres de Chewy (ce groupe de power pop-rock Lausannois à splitté en 2003 et a aussi donné naissance à Pendleton, projet solo de l’ancien chanteur), s’est enfermée 6 mois dans son local de répétition afin de composer les morceaux de Doppelgänger. Le groupe passera ensuite le mois de décembre 2005 au studio Bellefontaine à Lausanne, afin de mettre ses créations en boîte, sous l’œil averti de Yvan Brocard.
Plutôt que de continuer là ou Chewy s’était arrêté, nos deux compères ont choisi d’opter pour le renouvellement, le grand chambardement même, et de tout reprendre à zéro.
Finies donc les chansons pop pleines de guimauve et entêtantes.
Place à quelque chose de plus noir, de plus complexe à décoder.
Le riff lancinant de « Planète Noire » ouvre le bal et prend de l’ampleur au fur et à mesure que le titre progresse. La batterie, d’abord discrète, entre presque timidement en jeu avant de se faire plus présente à partir du milieu de morceau. Ce milieu de morceau marque aussi l’apparition d’un pédalier d’orgue qui, en guise de basse et manipulé par le guitariste, diffuse ses nappes presque fantomatiques, nous plonge encore plus dans ce brouillard sonore. Le morceau se termine par une guitare stridente, criante, et annonciatrice du très funky/noisy « Delaunay ».
Ce titre débute par un riff doublé basse/guitare tantôt clair, tantôt plus noise et lourd, avant de s’envoler magnifiquement vers une ligne mélodique capable de vous refiler la chair de poule. Le tout toujours porté par une batterie au jeu très subtil, mais tout à fait en adéquation avec l’ambiance du morceau. Et ce pédalier magique … Je dis magique car le résultat est tout simplement bluffant !!!
Reverb à coin pour l’intro de « Sonar, sonar » et son ambiance franchement glauque. Les premières paroles du disque apparaissent et sont répétées machinalement (All you got to reach is a bench and a cover / All you got to do is to sign our letter) par un guitariste à la limite du pétage de plomb au fur et à mesure que le titre progresse. Aux alentours de la troisième minute, l’ambiance du titre se veut presque malsaine, aidée par des cris à la limite de la schizophrénie, avant de se terminer par la troisième phrase de morceau, « you are a machine so just turn on the sonar …».
« Velociraptor » est, quant à lui, un titre très énergique, bien moins sombre que le précédent, et qui laisse donc à l’auditeur le temps de se remettre les idées en place. Quelques petites notes de guitare viennent aérer un peu le tout, avant d’accélérer la rythmique et de repartir vers des horizons plus noise, qui plantent parfaitement le décor pour « Kinder menuet ». L’intro stridente et stressante de ce morceau voit ensuite l’arrivée en grande pompe d’un riff tout simplement magistral de puissance et lourdeur, qui débarque pile poil. Mais comme les choses changent vite chez Sigurd, il ne faut pas attendre longtemps avant que la guitare se calme à nouveau – tout en gardant cette ambiance sombre et étouffante -, renforcée par 3 notes hypnotisantes martelées jusqu’à l’infini tout au long du titre.
L’étrange début de « Twin sister » ne laisse toujours pas entrevoir d’éclaircie. L’ambiance générale reste assez froide – mais agrémentée de chants cette fois – et bien que les quelques passages accompagnés du Glockenspiel (sorte de Xylophone) éclaircissent subtilement le tableau, l’atmosphère du titre reste, dans l’ensemble, assez inquiétant.
Place à « Nawa Shibari », nettement plus léger et résolument pop, qui vous donnera l’impression d’une grande bouffée d’air frais. Il s’agit là d’un des morceaux les plus accessibles de l’album, mais toutefois d’excellente facture.
« Vitrail » déroute, ferait presque sourire, mais n’est pas là par hasard. Il sert d’introduction à l’étouffant, à l’hypnotisant « Antilibido », qui va mettre votre santé mentale à rude épreuve. Ce morceau est construit autour 3-4 notes qui sont répétées tout au long du titre, plongeant ainsi l’auditeur au gouffre de la folie durant près de 5 minutes.
« No sex, no drugs, no rock n’roll » déboule et vous balance son riff d’ouverture très power-pop entre les oreilles, comme pour vous ressortir d’une mort clinique. Ça rocke, ça bouge, ça chante et ça fait du bien à tout le monde.
C’est à l’intimiste et beaucoup plus calme « Capsules » que revient la tâche de clôturer ce premier album et il s’en sort haut la main. Avant que les dernières notes ne résonnent, Sigurd crache ses dernières attaques acides et noisy avant que le calme ne s’installe pour 13 minutes, le temps d’arriver au morceau caché que je vous laisse le soin de découvrir…
Nous voilà donc arrivés à la fin de ces 45 minutes qui composent ce Doppelgänger, et on ne peut pas dire que l’univers du groupe soit des plus faciles d’accès. C’est une sensation de claustrophobie qui domine, surtout au milieu du disque, accentuée par l’ambiance sombre et froide des morceaux principalement instrumentaux (7 titres sur 11) qui composent la galette. Mais, comme tout bon disque, ce dernier demandera pas mal d’écoutes afin d’en apprivoiser le contenu et d’apprécier les différents tons que prennent les compositions au fur et à mesure qu’elles sont domptées.
Hormis 1 ou 2 morceaux plus accessibles, chaque nouvelle écoute apporte son lot de surprises, ce qui a pour avantage de rendre ce disque si intéressant, intriguant et mystérieux à la fois.
Un album qui fait déjà partie de mes coups de cœur 2006 et, franchement, sans chauvinisme aucun.
- planète noire
- delaunay
- sonar, sonar
- velociraptor
- kinder menuet
- twin sisters
- nawa shibari
- vitrail
- antilibido
- no sex, no drugs, no rock n’roll
- capsules
Quelle merveilleuse idée que de chroniquer ce splendide album! Coup de coeur 2006 pour moi également. Tout simplement bluffant ! Débordant de feeling et d’émotion. Une des meilleures sorties de l’année selon moi.