Avoir la chance d’interviewer un artiste dont on apprécie le travail tout particulièrement est une chance que j’ai de temps en temps. Par contre, ressortir de ladite interview sans une seconde d’enregistrement à cause d’une erreur de manipulation du magnétophone après avoir eu un entretien des plus intéressants fait partie des situations que je ne désire pas revivre tellement on se sent con et frustré de ne pas avoir remarqué que la bande ne tournait pas.
D’autant plus que l’interlocuteur en question, Sven de Calouwé, m’a marqué par son attitude éloignée du front man que j’ai pu voir en concert. Interrogé sur l’importance du merchandising dans la vie économique du groupe il m’est apparu comme un homme qui sacrifiait beaucoup, autant dans sa vie personnelle et dans ses finances, pour pouvoir continuer à faire la musique qu’il aime. Le genre de type que l’on ne peut accuser de se vendre ou de faire de la musique pour des raisons annexes. Pas de pose, pas de rattachement à une mode et pas non plus de compromis pour faire plaisir aux fans qui aimeraient continuer à entendre le son Aborted des débuts. Le groupe évolue et prouve encore une fois sa capacité à créer une musique qui lui est propre alors que les jeunes groupes de death metal se pressent de se copier mutuellement.
La course au plus grand nombre de mosh parts ne fait que produire des disques sans fond et sans âme. Des disques passe-temps que l’on s’amuse à écouter une ou deux fois avant d’aller voir ailleurs. Certains de ces groupes évolueront peut-être vers quelque chose de plus personnel mais il est encore trop tôt pour savoir ce qui ressortira de cette mode. Dans ce contexte, ce nouvel album de Aborted apparait d’autant plus comme un disque mature et personnel. Une évolution déjà commencé dans Slaughter & Apparatus vers des titres plus variés, plus dynamiques et une production moins compact et plus naturelle. Une volonté de tendre vers un son plus live et plus rock’n’roll que Sven exprima durant l’interview.
Le titre du disque fait référence à une horreur et une violence plus réaliste puisque le chiffre 213 renvoit à l’appartement où le tueur en série Jeffrey Dahmer emmenait ses victimes avant de les empoisonner avec de la strychnine puis les étrangler, les violer et finalement les démembrer, un rituel que « le cannibale de Milwaukee » (car il faut bien se débarrasser de la viande d’une manière ou d’une autre) répéta sur dix-sept victimes. Dahmer n’est cependant pas la seule source d’inspiration du disque puisque la plupart des titres parlent de différents tueurs en série ou d’autres sujets. Musicalement l’album n’a pas non plus une seule et unique facette. « Strychnine 213 » est un disque qui fera date pour les fans d’Aborted car il divisera surement entre les partisans du changement et les nostalgiques du brutal death grind monocorde des débuts.
Que l’on ne se meprenne pas pour autant. Aborted est et reste un groupe de brutal death. Les chansons de Strychnine 213 sont toujours autant remplies de blasts et de grognements qu’auparavant. Pas de chant clair non plus à l’horizon. Les riffs et les leads sont par contre beaucoup plus mélodiques et accrocheurs tout en étant couplés à une rythmique violente et très dynamique. Le contraste ainsi créé permet à Aborted de se constituer une toute nouvelle identité qui n’est que le résultat d’une évolution constante (les prémices de ce changement se sentaient déjà sur Slaughter & Apparatus avec la ligne mélodique d’intro de The Foul nucleus of resurrection) et pas d’un revirement brutal. Ceux qui attendent encore que le groupe revienne à l’époque d’Engineering the dead ou même de Goremaggedon feraient mieux d’abandonner tout espoir. Aborted évolue et continue sa route sur une voix qu’ils tracent désormais eux-même en s’affranchissant de beaucoup de limites du genre dans lequel ils étaient classifiés.
Cette volonté de se différencier des productions actuelles se retrouve dans le choix d’une production où tout sonne au naturel. Pas de triggs, pas de murs de guitares surpuissants et tellement entendus qu’ils ne font plus aucun effet. Après avoir écouté tant de groupes de deathcore identiques c’est agréable de découvrir une production moins léchée et aussi peu surchargée en effet. Des samples interviennent tout de même mais leur utilisation est parcimonieuse et surtout très efficace (comme à la fin de « Pestilence subterfuge »). En fait, ce choix d’un son plus naturel sera peut-être le facteur le plus déterminant dans l’appréciation de ce disque. Audacieux par son orientation plus mélodique et accrocheuse (sans jamais tomber dans la facilité ou dans le « suédois ») son aspect moins léché saute moins à la gorge que les albums précédents et demande donc d’être domestiqué. Un album qui s’apprécie aussi beaucoup plus au casque et qui passera sans nul doute très bien le passage du live. Cette envie de proposer des titres plus variés qui conservent toujours de l’impact pendant les concerts était aussi un des points soulevés par Sven pour définir l’optique dans laquelle ce nouvel album avait été écrit. Strychnine 213 est un album qui surprendra surement tous ceux qui s’attendent à ce qu’Aborted reste ce qu’il était. Un disque qui a le potentiel d’être un des albums de l’année de certains ou le pire disque pour d’autres. A vous de trancher.
- carrion
- ophiolatry on a hemocite platter
- i35
- pestirous subterfuge
- the chyme congeries
- a murmur in decrepit wits
- enterrement of an idol
- hereditary bane
- avarice of vilification
- the obfuscate
Constat mitigé pour ma part même si je gagnerais peut être à le réécouter plusieurs fois…
Dans l’ensemble je l’ai trouvé plus mélodique que les précédent et je ne suis pas vraiment d’accord avec cette étiquette de groupe de ‘brutal death’ d’autant plus avec cette album. Aborted n’a jamais un groupe appartenant à la même scène que des groupes comme Disgorge ou Devourment pour ne citer qu’eux!
Bref j’avais pas mal accroché sur les 2 albums précédents avec des morceaux un peu moins brutal et plus catchy que sur le très radical Goremaggedon qui donnait dans un death bien plus extrême,,,je vais quand même réecouter le petit dernier juste histoire d’affiner mon jugement!