En voilà un disque de saison au bel aspect de bronchite dans le caniveau, filandreuse et blanchâtre, à peine lavée par la première pissée du matin. La musique de ce duo australien remonte d’un endroit qui ne s’évoque pas sans un frisson, et du regard arrache au mieux la condescendance. Car elle est, en totalité, ruine et dénuement. Elle pointe un index accusateur vers Shining et leurs errances glamour. Avec Austere l’idée de déclin propre au black metal dit “dépressif” quitte l’angoisse pour l’évidence, voire la tentation. La guitare, réduite à l’état de dépouille, n’existe que pour reproduire l’écho de mélodies processionnaires dont l’orgueil flétri appartient à l’humus. Sauf en certaines occasions, quand la nuit vient scinder les fumigations de la terre, quand la fange grinçante s’arrache à ses octaves d’outre-tombe et rejoint un tempo plus enlevé pour, comme c’est le cas sur la seconde partie de “…Memories” ou à plusieurs reprises dans le titre éponyme, nettoyer ses arpèges dans le noir virginal et la fraîcheur grisante qui descendent des feuillages. Mais même ces (superbes) intermèdes diatoniques semblent prisonniers d’un temps et d’un espace inaccessibles. Le propos de Withering Illusions and Desolation est de rejouer éternellement une disgrâce depuis longtemps consommée, en faisant parfois miroiter une issue rédemptrice qui se refusera toujours.
L’état d’esprit de cet album est à rapprocher du kvltissime Suicidal Emotions d’Abyssic Hate, même si Austere semblent livrer une vision moins hantée par l’échec personnel, et quoi qu’il en soit beaucoup plus au contact de la nature – les habitués feront vite la différence. Mention nickel aux vocaux qui sont en admirable osmose avec la musique, dégageant lors de leurs interventions espacées un sentiment de détresse à glacer les gencives. On n’omettra pas de faire le lien avec ceux, passés à la postérité, de Nattram sur l’unique album de Silencer. Même si pour moi, encore une fois, les ululements hallucinants d’Austere sont complètement fondus dans une esthétique sylvestre et dramatique qui ne relève pas spécialement de la psychiatrie.
En tenant compte du fait que Withering Illusions and Desolation est un voyage qui ne saurait s’entreprendre dans une optique de divertissement, je ne vois pas trop quoi reprocher à cet album. Un petit arrière-goût dogmatique, peut-être, mais c’est inscrit dans sa généalogie. Et une dernière plage très B-side de Filosofem qui, quoique irréprochable dans ses oripeaux d’abandon, porte un peu trop bien son nom…
- unending night
- …memories
- the dawn remains silent
- withering illusions and desolation
- coma