Ephel Duath n’est plus le groupe déboulant de nulle part en 2003 avec ce Painter’s Palette unique, album qui restera comme un des chocs frontaux marquants entre jazz et metal extrême. Sans être du death s’inspirant de plans mélodiques free jazz ou du jazz ne lésinant pas sur les grosses distorsions, Painter’s Palette apportait une fusion inédite marquée par le jeu de guitare de sa tête pensante, Davide Tiso, qui su bien s’entourer, entre un batteur jazz expérimenté, un bassiste prog et 2 voix aux antipodes.
L’italien a réussi à étendre la notoriété du groupe dans le monde, du moins dans les milieux intéréssés (pour preuve la présence de Ben Weinman des Dillinger Escape Plan sur un titre de ce nouvel album), mais n’a malheureusement pas su maintenir le line up d’Ephel Duath, et malgré la réussite musicale de l’album suivant, Pain Necessary to Know, se retrouve un peu près seul maître à bord.
Même si Tiso y est accompagné d’un batteur et d’un chanteur, ce 4ème album du groupe, Through My Dog’s Eyes, apparaît en effet plus encore que les précédents comme la création personnelle de son guitariste et on ne s’y étonnera donc pas de la prédominance de cet instrument. Tiso étale son jeu si personnel, mais le style musical n’en est pas moins assez différent des albums précédents. On reste dans une volonté expérimentale, mais le tout est plus dénudé, le côté jazz atténué, l’esprit plus rock, mâtiné de blues, effet accentué par un son légèrement distordu et quelques utilisations d’un bottle neck. On ne perd pas pour autant en complexité avec ce besoin de déconstruction qui est la marque de fabrique du groupe, mais elle s’applique à des compositions dont les riffs se diluent dans une certaine langueur, on navigue constamment en eaux troubles midtempo dissonantes et tanguantes, nous laissant comme émergeant d’une cuite carabinée.
L’album sonne comme un bloc cohérent, niveau style comme sonorités, peut-être trop même, les morceaux se suivent nonchalamment, quelques moments brillants retiennent l’attention (« Gift », « Silent Door », « Guardian ») mais paradoxalement ce court album donne l’impression de se répéter tout en présentant une succession de plans de guitare changeants sans redite. Le jeu de Tiso n’en reste pas moins souvent intéressant, le batteur l’accompagnant est excellent et expérimente régulièrement avec les sonorités, mais c’est un peu vain et inégal pour du Ephel Duath, les morceaux manquent de consistance, et cet album finit par sonner comme une expérience solo de guitariste plus qu’un véritable album de groupe.
Ma déception s’accentue par le fait que j’aime moyennement les voix, qui lors de leurs rares apparitions ne servent souvent pas à grand chose. Through My Dog’s Eyes est comme son nom l’indique un voyage à travers les yeux d’un chien, celui de Tiso, et les paroles sont écrites comme d’imagées pensées de chien. A vrai dire, même si le concept peut être intéressant, les paroles, quand compréhensibles, sont plutôt basiques, si ce n’est niaises, et le travail vocal, mi-gueulé mi-parlé, ressemble à des voix blasées se superposant à la musique sans y être adaptées.
Through My Dog’s Eyes est donc une déception, je ne vois guère que les amateurs les plus acharnés des 2 albums précédents du groupe y trouver un réel intérêt, les autres risquant de s’ennuyer ferme. Il y a en tout cas à espérer que ce guitariste d’exception a su retrouver des musiciens à sa mesure capables de l’aider à interpréter ces morceaux de manière plus convaincante sur scène. L’album n’est pas pour autant sans aucun intérêt, et je me surprend à y revenir, juste pour la curiosité de cette demi-heure de musique ne ressemblant à rien d’autre, mais il n’en reste pas moins beaucoup moins essentiel que les albums précédents du groupe.
- gift
- promenade
- breed
- silent door
- bella morte
- nina
- guardian
- spider shaped leaves
- bark loud
Bien envie de le tester quand même, même si d’après ce que tu dis le choc n’est pas au rendez vous.
je le redis encore, mais Ephel Duath c’était un put1 de groupe de Post-Black à l’époque de « Phormula »… après, ça a bien pété les plombs quand même, bien que je comprenne qu’on puisse aimer…